Un homme d'affaire assis sur un sablier.
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Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la Cour supérieure du Québec a publié un communiqué, le 3 avril, annonçant que toutes les affaires civiles et familiales au fond dont l’audition est prévue jusqu’au 29 mai 2020 sont reportées à une date indéterminée, à l’exception des affaires urgentes.

Une affaire est considérée comme urgente lorsqu’une partie subirait un préjudice sérieux sans l’intervention des tribunaux. On peut penser à des procédures de nature injonctive, par exemple.

Toutefois, pendant que la province et le système judiciaire sont essentiellement en « pause », le temps ne s’arrête pas et la question suivante se pose : qu’advient-il des droits des citoyens de faire valoir leurs recours dans cette période d’incertitude planétaire ?

Le 15 mars 2020, en vertu des pouvoirs conférés par l’article 27 du Code de procédure civile, le ministre de la Justice et la juge en chef de la Cour d’appel du Québec ont, pour la première fois, conjointement suspendu la prescription extinctive et de déchéance en matière civile, ainsi que les délais de procédure, pour la durée de l’état d’urgence sanitaire, déclaré deux jours auparavant.

La prescription extinctive est un moyen d’éteindre un droit par non-usage ou d’opposer une fin de non-recevoir à une action, selon le Code civil du Québec (Article 2921 C.c.Q.). Elle a pour effet d’empêcher un recours en justice si la partie ne s’est pas prévalue de son droit dans les délais prévus par la loi.

Un délai de déchéance est un délai à la fin duquel une personne ne peut plus obtenir la reconnaissance d’un droit en justice. Contrairement à la prescription extinctive, qui doit être soulevée par la partie qui oppose une action, les délais de déchéance sont d’ordre public et sont soulevés d’office par le tribunal.

Finalement, les délais de procédure sont ceux imposés par notre système de justice dans le cadre d’un différend judiciarisé. Ces délais incluent les délais de notification d’une procédure, de production d’une réponse et les délais pour interjeter un appel, entre autres.

En pratique, ces suspensions font que le temps s’est arrêté d’avancer artificiellement en ce qui concerne le droit des citoyens de faire falloir leurs droits en justice, et ce, depuis le 15 mars dernier. Attention toutefois, les délais sont suspendus, mais le temps écoulé antérieurement n’est pas pour autant effacé. Lorsque la directive sera levée, le chronomètre repartira là où il était rendu avant que la suspension soit prononcée. Par conséquent, le nombre de jours qui s’écoulent entre le 15 mars et la levée de l’état d’urgence sanitaire devront être ajoutés aux délais qui étaient en cours.

À noter également que, malgré la suspension des délais, les tribunaux encouragent les parties aux litiges à coopérer et à travailler afin de faire progresser les dossiers dans la mesure du possible. Cela est conséquent avec l’esprit du Code de procédure civile, et les parties à des procédures devraient garder cela en tête, l’avancement des instances en ces temps incertains ayant pour certain avantage d’éviter tout imbroglio concernant le calcul des délais et l’effet de la suspension sur ces délais.

*associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., avec la collaboration de 
Me Dominique Paiement.
Le présent article ne constitue pas un avis juridique.