Dans sa décision dans l’affaire Autorité des marchés financiers c. Lacroix, rendue le 17 octobre 2017, la Cour supérieure a déclaré les alter ego de sociétés de cryptomonnaie coupables d’outrage au tribunal, en raison de leur défaut de respecter des interdictions et des ordonnances rendues par le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF). En se basant sur le rôle de l’Autorité des marchés financiers d’assurer la protection de l’intérêt public, la Cour supérieure a jugé que la contestation de la décision du TMF n’avait pas pour effet d’en suspendre l’exécution. Les défendeurs devaient donc mettre fin à la sollicitation d’investisseurs au Québec.

PlexCoin et PlexCorps sont des sociétés de cryptomonnaie qui seraient situées à Singapour. Dominic Lacroix et DL Innov inc. sont reconnus comme étant les alter ego de PlexCoin et PlexCorps.

À partir de leur bureau au Québec, Dominic Lacroix et DL Innov utilisent des sites Internet et sollicitent des investissements pour financer le lancement de la cryptomonnaie PlexCoin, ainsi que plusieurs services afférents, dont notamment des services PlexWallet ainsi que des services bancaires et de carte de crédit. Ils publient des prévisions de profits potentiels en fonction de prix d’achat pouvant varier de 200 % à 1 354 %. Ils soulignent le caractère anonyme des produits et services PlexCoin pour susciter l’intérêt des investisseurs québécois et internationaux.

Le 20 juillet 2017, le TMF a invoqué son mandat de protéger l’intérêt public ainsi que des motifs impérieux afin de rendre une décision ex parte. Il a interdit à Dominic Lacroix, DL Innov, PlexCoin et PlexCorps d’exercer toute activité en vue d’effectuer, directement ou indirectement, toute opération sur toutes formes d’investissement décrites à l’article 1 de la Loi sur les valeurs mobilières, dont la sollicitation et le démarchage d’investisseurs, au Québec ou à partir du Québec vers l’extérieur du Québec. Le TMF a également ordonné à PlexCoin et PlexCorps de retirer toutes leurs annonces publicitaires sur divers sites Internet, dont Facebook, ainsi que d’y fermer tous leurs comptes.

Dominic Lacroix et DL Innov ont aussitôt déposé un avis de contestation de cette décision. L’audition sur cette contestation devait se tenir dans les deux semaines suivant l’audition sur la Demande en déclaration d’outrage au tribunal. Toutefois, la Cour supérieure a jugé que le dépôt de l’avis n’avait pas eu pour effet de suspendre la décision du TMF et que celle-ci demeurait en vigueur, malgré sa contestation, jusqu’à ce que la décision sur le mérite soit rendue. Elle a par la même occasion rappelé que le TMF peut rendre des décisions en fonction de l’intérêt public lorsqu’un motif impérieux le justifie.

PlexCoin et PlexCorps avaient déjà entrepris des démarches afin d’empêcher la sollicitation d’investisseurs du Québec. En effet, depuis le 29 septembre 2017, leurs sites Internet ne sont plus accessibles à partir d’une adresse IP québécoise. Des avertissements apparaissant sur les sites Internet des sociétés informent également les investisseurs québécois qu’ils ne pourront dorénavant plus faire des affaires sur les sites PlexCoin ou PlexCorps. Également, dans le formulaire d’acquisition, les investisseurs doivent confirmer qu’ils ne résident pas au Québec et qu’ils n’agissent pas à titre d’agent d’un résident du Québec.

Cependant, les investisseurs québécois pouvaient toujours accéder indirectement à la plateforme, notamment par l’entremise d’investisseurs étrangers. La Cour supérieure a conclu, pour cette raison, qu’il y avait eu sollicitation des investisseurs québécois en contravention des interdictions et des ordonnances du TMF. Dominic Lacroix et DL Innov ont donc été déclarés coupables d’outrage au tribunal.

1. 2017 QCCS 6033

* associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l. Le présent article ne constitue pas un avis juridique.