Parmi eux, près du quart critique le MRCC 2. Un conseiller sur cinq met en cause le problème de la divulgation de la rémunération. Et près d’un conseiller sur cinq déplore la tendance à l’accroissement de la documentation et de la prise de notes. «Plutôt que d’être au service de notre clientèle, nous sommes devenus des fonctionnaires», dit un répondant.

La formation continue est également montrée du doigt par certains répondants. «Ça coûte une fortune. Nous apprenons davantage avec les notaires, les fiscalistes et les comptables avec lesquels nous travaillons», tranche un autre.

L’omniprésence des tâches de conformité les indispose également. Par exemple, certains se plaignent du fait que toute communication marketing doit être révisée : «On ne peut rien publier avant de passer par la conformité. Ça cause des délais».

«On nous surveille comme des enfants», note un répondant. «Le temps consacré à la conformité atteint un niveau insupportable sur les plans humain et technologique», dit un autre.

Deux poids, deux mesures

Joint par téléphone, un conseiller en placement laisse éclater sa frustration, notamment parce que les produits bancaires ne sont pas touchés par le MRCC 2.

«Grâce au MRCC 2, les banques et les caisses ont la voie libre. Étant donné que leurs conseillers sont salariés, les consommateurs penseront que leurs conseils ne leur coûtent rien, ce qui est faux. Mais tout cela, je vous en parle off the record», prévient-il.

L’auteur de ces propos représentatifs du sondage garde l’anonymat, car comme la plupart de ses collègues, il travaille dans une des firmes de courtage intégrées aux grandes institutions financières.

Ainsi, le sondage fait ressortir le fait qu’aux yeux de plusieurs conseillers, le MRCC 2 crée un risque d’arbitrage réglementaire pour les conseillers qui ont un permis d’exercice en assurance et donne une impression fausse au client.

«Je devrai tout divulguer, mais les banques ne sont pas tenues de le faire. Ça va entraîner la confusion chez les clients, qui croiront que nous facturons davantage que les banques», peste un répondant.

Un autre conseiller, tout aussi représentatif, vise les assureurs. «Les compagnies d’assurance continueront à réaliser des ventes, mais sans avoir à afficher leurs frais. Les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde», dit-il.

S’adapter et survivre

Fait notable, le quart des répondants ne trouve rien à redire à la réglementation. Certains d’entre eux sont fatalistes. «On ne peut pas contester les règles, alors j’essaie de comprendre et de m’adapter. Sinon, ça serait une perte d’énergie, et je n’ai pas le choix.»

Seule une poignée de conseillers s’affiche en faveur du MRCC 2. «Cette réforme devrait être bénéfique pour les clients et l’industrie. Ça va éliminer les mauvais conseillers», dit un répondant.

Guillaume Maurice est un de ceux-là. Gestionnaire de portefeuille associé au Groupe Jacques Maurice, rattaché à Scotia Gestion de patrimoine, il ne se cache pas pour dire qu’il faudrait non pas «moins, mais plus de réglementation».

«C’est peut-être à cause de mon âge, mais je pense que les clients ont pris l’habitude de s’informer des prix et des honoraires. On a aussi besoin de réglementation pour protéger les clients contre le 1 % de conseillers qui ne font pas leur travail correctement», estime Guillaume Maurice.

Le représentant de 32 ans martèle que le MRCC 2 n’est pas un problème passager : «Il est normal d’avoir de la réglementation, et il y en aura plus à l’avenir. Il faut s’y préparer».

Le malaise de la paie

Jean Morissette, ancien président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec et ex-associé fondateur de Talvest, propose une solution à la question du dévoilement de la rémunération : «Il est compréhensible que beaucoup de conseillers de plein exercice soient mécontents de révéler combien ils gagnent. Ils ne savent pas trop comment le dire à leurs clients. Mais l’élément majeur de leur irritation, c’est le malaise profond qu’ils ressentent face à leurs concurrents. Pourquoi devraient-ils dévoiler le montant de leurs commissions, alors que le monde de l’assurance échappe à cette obligation ? Et pourquoi les employés des banques et des caisses n’auraient-ils pas à dévoiler les éléments qui peuvent influencer leurs recommandations ?»

Jean Morissette ajoute que «les banques et les caisses devraient donner des précisions sur les bonis et les indicateurs de performance de leurs employés en ce qui concerne les produits vendus».

«Le principe de base du dévoilement de la rémunération est bon. Toutefois, les autorités de réglementation n’ont pas suffisamment approfondi cette question», conclut Jean Morissette, maintenant consultant pour des firmes de gestion de patrimoine.