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Il importe surtout qu’il ne s’appauvrisse pas, précisent certains observateurs.

Ainsi, dans son article intitulé «Couvrir l’impôt des REER, une bonne affaire ?», paru dans le numéro d’août dernier de La Cible, le magazine de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), le planificateur financier Jean-Nagual Taillefer, du Groupe financier Praxis, à Laval, présente une étude de cas.

Tous deux âgés de 65 ans, Pierre et Yvonne ont des enfants. Ils cumulent un capital total de 500 000 $ en REER et devront retirer environ 17 000 $ par année de leurs épargnes enregistrées. Ils songent à contracter une l’assurance vie payable au second décès de 265 000 $ afin de financer l’impôt sur le REER. Jean-Nagual Taillefer conclut que dans leur situation, cette option de couverture ne constitue pas la meilleure solution pour eux.

«Toutes choses étant égales par ailleurs, à moins d’accepter une diminution de leur qualité de vie, notre couple devra donc retirer une somme additionnelle de leurs actifs enregistrés afin de payer la prime de leur police», expose Jean-Nagual Taillefer dans son article.

S’assurer pour la bonne raison

«Monsieur Taillefer a fait un très bon travail d’analyse», rapporte Guy Couture, vice-président régional ventes, assurance individuelle pour le Québec chez Manuvie. Il expose les éléments de base d’une saine analyse-conseil. «Le rôle du conseiller en sécurité financière, c’est de répondre de la meilleure façon possible aux besoins du client. Ils sont déterminés par les valeurs de ce dernier. Est-ce important pour lui de laisser un patrimoine à ses héritiers ? Par la suite, les moyens financiers entrent en ligne de compte.»

«L’assurance vie payable au second décès permet plutôt de financer l’impôt à payer, qui doit être payé d’une façon ou d’une autre», rappelle sa collègue Diane Hamel, vice-présidente adjointe, planification fiscale et successorale chez Manuvie au Québec. Elle ajoute que cette assurance est particulièrement appropriée chez les personnes nanties. «Elle joue un rôle de diversification d’actifs pour les clients qui en ont plus que nécessaire. Elle est toujours recommandée dans leur cas.»

«Il faut cependant nuancer les conclusions de Monsieur Taillefer. Il illustre des courbes et des graphiques qui sont des hypothèses simples», soutient pour sa part Dany Provost, directeur, planification financière et fiscale à SFL Cité de Montcalm, à Québec.

«La valeur des actifs décroît à une certaine vitesse, mais si on montre cela de cette façon, on adopte le pire des scénarios qui pourrait arriver. Ce risque-là arrive à long terme, mais Pierre et Yvonne ne sont pas près de manquer de ressources financières», argue-t-il.

Dany Provost ramène la question aux fondements de l’assurance vie payable au second décès. «Toujours en se basant sur le fait que les gens ont les moyens de se payer ce type d’assurance et ont la quasi-certitude de ne pas manquer d’argent à la retraite, il s’agit d’augmenter leur valeur successorale.»

L’actuaire de formation propose d’autres pistes de solution qui pourraient aider le couple à garder le cap sur cette option d’assurance vie, comme contracter un emprunt, ou une hypothèque inversée sur leur maison s’ils sont propriétaires, ou encore ajuster le montant de l’assurance vie payable au second décès en le diminuant.

Appelé à réagir à l’analyse de Dany Provost, Jean-Nagual Taillefer soutient que son exemple reflétait un contexte de ressources financières limitées. «Pierre et Yvonne en ont à peine suffisamment pour couvrir leurs besoins à la retraite, et c’est le cas de la majorité de la population. Oui, ce sont les pires scénarios, mais c’est souvent ce à quoi nous, les conseillers et planificateurs financiers, faisons face. Des scénarios parfaits où les gens maximisent leurs REER, leur CELI et ont pondéré tous les aléas des marchés à la baisse, ça ne court pas les rues», explique le planificateur financier.

CELI ou dons du vivant

Dans son étude de cas, Jean-Nagual Taillefer propose au couple d’investir la valeur des primes de l’assurance dans un CELI, ou encore de verser une partie du legs familial à leurs enfants de leur vivant.

Diane Hamel et Guy Couture approuvent l’option du CELI avancée par le planificateur financier. «Elle convient clairement à certains clients», opine Guy Couture. «Par contre, pour les personnes qui maximisent déjà leur REER, leur CELI et tous leurs fonds disponibles, on conclut qu’ils n’utiliseront pas tout ce capital de leur vivant. Nous leur proposons alors des solutions comme l’assurance vie au second décès», poursuit-il.

«Le CELI serait recommandé pour quiconque détient personnellement des placements pour lesquels, par ailleurs, il y aurait de l’impôt à payer», enchaîne sa collègue Diane Hamel.

Dany Provost considère que le CELI ne serait pas du tout profitable à long terme pour le couple. «Qu’il laisse ses fonds dans un REER ou qu’il les transfère dans un CELI, il n’y a pas d’enrichissement, et ils perdent une optimisation selon les années prévues. Dans un contexte où les clients ne manqueront pas d’argent, aucun instrument de placement ne peut atteindre un rendement équivalent à celui de l’assurance vie payable au second décès», affirme-t-il.

Guy Couture et Diane Hamel approuvent l’option proposée par Jean-Nagual Taillefer, soit que le couple verse des dons de son vivant.

«Encore dans ce cas, je ne vois pas d’enrichissement. Et nous n’avons pas la preuve que ce don hâtif à leurs enfants n’entraînera pas de problèmes à long terme sur le niveau de vie des parents», réplique Dany Provost.

«En plaçant l’argent dans un CELI, on pourrait obtenir un rendement de l’investissement équivalent par un placement plutôt que d’opter pour l’assurance vie et tous les risques liés à cette stratégie-là, tels ceux de la longévité, de la déchéance, des liquidités et des dettes», justifie Jean-Nagual Taillefer.

En somme, l’enjeu est davantage de permettre à Pierre et à Yvonne de vivre une retraite confortable, et de faire bénéficier les enfants du legs familial. «Si le couple veut vraiment laisser un patrimoine à ses héritiers, toujours en se basant sur l’hypothèse qu’ils bénéficieront de toutes les sommes accumulées à la retraite, l’assurance vie payable au second décès demeure le seul moyen de laisser un héritage avec une garantie sûre», considère Guy Couture.

«Il importe surtout d’avoir une quasi-certitude que Pierre et Yvonne ne manqueront pas d’argent, et étant donné leurs contraintes, il faut augmenter la valeur successorale au maximum au moyen d’une assurance vie avec des probabilités de réalisation très grandes», répond Dany Provost.