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En effet, la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe (« L.T.B.L. ») instaure une taxe de vente supplémentaire sur certains biens de luxe (« taxe de luxe »), ce qui constitue un nouveau régime fiscal pour les ventes et importations au Canada de certains véhicules, aéronefs et navires neufs. La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe et ses règlements sont entrés en vigueur le 1er septembre 2022.

Vue d’ensemble

Biens assujettis

Sommairement, la taxe de luxe s’applique aux « biens assujettis » :

  • Aéronef assujetti: Comprend un avion, planeur ou hélicoptère neuf ayant une valeur de plus de 100 000 $ et une capacité de moins de 40 sièges, sauf les sièges destinés aux pilotes, dont la date de fabrication est postérieure à 2018.
  • Navire assujetti: Comprend un navire neuf ayant une valeur de plus de 250 000 $ qui est conçu ou aménagé pour les activités de loisir, récréatives ou sportives dont la date de fabrication est postérieure à 2018.
  • Véhicule assujetti: Comprend un véhicule à moteur neuf ayant une valeur de plus de 100 000 $ dont la date de fabrication est postérieure à 2018 et qui : i) est principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues; ii) compte au maximum dix places assises; iii) a un poids nominal brut du véhicule égal ou inférieur à 3 856 kg; et iv) est conçu pour rouler sur au moins quatre roues en contact avec le sol.

Chacune de ces définitions exclut certains biens (par exemple, ambulances et véhicules clairement identifiés pour les activités policières). Des exemptions s’appliquent également (par exemple, un aéronef assujetti utilisé totalement ou presque pour l’exploitation de l’entreprise du propriétaire de l’aéronef ou un navire assujetti utilisé comme traversier ou pour la pêche commerciale). Aussi, les biens immatriculés et dont la possession a été transférée à un utilisateur avant septembre 2022 ne sont pas assujettis à la taxe de luxe. Les définitions incluent et excluent certains biens visés par règlement.

Calcul, perception et paiement

La taxe de luxe est égale au moindre de :

  • 20 % du montant supérieur au seuil du bien assujetti; et
  • 10 % du « montant taxable » total du bien.

Ainsi, la taxe de luxe payable sur un véhicule assujetti ayant une valeur de 250 000 $ est égale au moindre de 20 % de 150 000 $ (30 000 $) et 10 % de 250 000 $ (25 000 $). La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe ajuste la valeur du bien en fonction de certaines améliorations.

La valeur sur laquelle la taxe de luxe se calcule correspond généralement à la valeur de la contrepartie payée par l’acheteur, incluant les taxes, droits, frais et honoraires (la taxe de luxe sur un bien assujetti importé correspond à la valeur du bien selon la Loi sur les douanes). Par contre, la taxe de luxe n’inclut pas la TPS/TVH ou les taxes de vente provinciales s’ajoutant au prix du bien vendu. Ces dernières se calculent après que la taxe de luxe est déterminée (de la « taxe sur la taxe », en quelque sorte).

Au même titre que la TPS/TVH, sous réserve d’exceptions, toute personne qui achète (ou importe) au Canada un bien assujetti doit payer la taxe de luxe et c’est au vendeur de la percevoir (ou à l’importateur pour sa propre consommation de la payer). Ainsi, sous certaines conditions, un tel vendeur est tenu d’être inscrit auprès de l’Agence du revenu du Canada aux fins de la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe. Généralement, la taxe de luxe ne s’applique pas aux opérations entre personnes inscrites, aux importations par une personne inscrite, aux exportations ni aux revendeurs de biens assujettis immatriculés.

Il importe de préciser que la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe impose un fardeau administratif additionnel non négligeable à ceux qui y sont assujettis. On pense notamment à la gestion des divers certificats (certificat d’exemption, certificat fiscal, certificat d’importation spécial) qui seront certainement au cœur d’éventuelles vérifications. Ainsi, toute entreprise ayant à composer avec des biens assujettis devrait effectuer une lecture attentive de ces nouvelles règles.

Nos observations

Analyse coût/bénéfice

L’objectif de la taxe de luxe, tel qu’il a été déclaré par le ministère des Finances du Canada, est de « demander aux Canadiens qui peuvent se permettre d’acheter des produits de luxe d’en payer un tout petit peu plus ».

Toutefois, certains soulèvent que la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe, comme d’autres mesures économiques bien intentionnées avant elle, aura des effets pervers et imposera un fardeau inattendu sur l’économie du Canada.

À cet effet, bien que le directeur parlementaire du budget estime que cette nouvelle loi rapportera approximativement 779 M$ au fisc sur cinq ans, il conclut du même souffle que les ventes des biens assujettis baisseront d’environ 2,882 G$ sur ces mêmes cinq années.

La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe et la Loi sur la taxe d’accise

À la lumière de ce qui précède, il est permis de se demander s’il aurait été moins coûteux pour le gouvernement d’inclure la taxe de luxe à titre de nouvelle section au sein de la Loi sur la taxe d’accise (« L.T.A. »), en y conservant ses mécanismes relatifs à l’administration fiscale, ou bien d’augmenter le taux de TPS à l’égard des biens assujettis et ainsi bénéficier du régime de la TPS déjà en place.

Il convient de noter par ailleurs, en comparant avec l’article 122 L.T.A., que la rédaction de l’article 17 L.T.B.L. ouvre la porte à un possible problème constitutionnel. L’article 17 L.T.B.L. prévoit que la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe « lie Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province », tandis que l’article 122 L.T.A. prévoit que la partie IX L.T.A. « lie Sa Majesté du chef du Canada [et] Sa Majesté du chef d’une province en ce qui concerne une obligation à titre de fournisseur de percevoir et de verser la taxe relative aux fournitures taxables qu’elle effectue » (notre soulignement).

Cet article est rédigé de telle sorte qu’il respecte l’article 125 de la Loi constitutionnelle de 1867, prévoyant que nulle terre ou propriété appartenant au Canada ou à aucune province ne sera assujettie à la taxation. Ainsi, les provinces ne sont pas tenues de payer une taxe fédérale sur leurs achats. Cependant, l’article 17 L.T.B.L. n’inclut pas cette nuance voulant que ses dispositions s’appliquent aux provinces à titre de fournisseur seulement.

Finalement, nous notons qu’il n’y a aucune indexation prévue dans la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe quant aux seuils établis des biens assujettis. Compte tenu du taux d’inflation élevé auquel nous sommes confrontés, il nous semble que les seuils établis dans cette loi perdront de leur pertinence en tant qu’indicateurs de biens de luxe. Cela dit, le seuil d’inscription de petit fournisseur au sein du régime de la TPS/TVH n’a pas été relevé depuis 1991, demeurant à une somme dérisoire de 30 000 $. Alors rien de nouveau sous le soleil fiscal.

Par Ariane Hunter-Meunier, avocate, Davies Ward Phillips & Vineberg s.e.n.c.r.l., s.r.l., ahuntermeunier@dwpv.com et Marc Pietro Allard, avocat, Davies Ward Phillips & Vineberg s.e.n.c.r.l., s.r.l., mpallard@dwpv.com

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 27, no 3 (Automne 2022).