AGF a dernièrement mis en application une politique forçant tous les gestionnaires à détenir au moins deux fois leurs salaires annuels de base dans les fonds de la firme. Selon AGF, 40 % des gestionnaires de portefeuille ont déjà atteint cet objectif, et la firme dit que 80 % ont au moins un an de salaire dans ses fonds. Ces niveaux de co-investissement rapprochent AGF de la tête du peloton, sinon du tout premier rang. Les gestionnaires ont mis de côté des sommes toujours croissantes l’an dernier. AGF a annoncé que leurs investissements pour tous les fonds étaient en moyenne de 687 000 $, soit environ 300 000 $ de plus que l’an dernier.
Exiger des gestionnaires qu’ils investissent dans les fonds AGF aide à aligner leurs intérêts sur ceux des porteurs de parts. Si les porteurs de parts gagnent beaucoup d’argent (ou au contraire, s’ils en perdent beaucoup), il en sera de même pour les gestionnaires. Parce que leur propre argent est en jeu, le co-investissement constitue une incitation pour les gestionnaires de prendre des risques modérés. Tout comme on pourrait se méfier d’un cuisinier qui ne mange pas de ses propres plats, nous sommes sceptiques envers les gestionnaires qui ne montrent pas de conviction dans leur propre stratégie ou celles employées par leur firme.
AGF n’est pas la seule. Les Associés en Placement Brandes, filiale canadienne d’une firme de San Diego, a récemment officialisé sa politique de co-investissement. La firme exigera éventuellement que les gestionnaires investissent trois ans de revenu imposable dans des produits Brandes, avec au moins 30 % d’investis dans des fonds qu’ils supervisent eux-mêmes. AGF, tout comme Brandes, n’anticipe pas une observation immédiate de cette nouvelle politique. Selon les niveaux de co-investissement actuels, les gestionnaires d’AGF auront de trois à six ans pour se plier entièrement aux normes de la firme. Brandes aimerait que les gestionnaires investissent au moins 5 % de leurs revenus dans ses fonds sur les deux prochaines années, et 10 % par la suite.
On ne peut pas dire qu’AGF et Brandes se précipitent sur une tendance très populaire. Des 24 firmes que les analystes de Morningstar pistent, seulement six ont mis en oeuvre des politiques de co-investissement obligatoires. En plus d’AGF et Brandes, TD, Franklin Templeton, Leith Wheeler, le Groupe Investors et (en partie) Placements CI exigent le co-investissement de leurs gestionnaires (dans le cas de CI, les sous-conseillers gérant les fonds de la compagnie n’ont pas tous une politique semblable).
Il est certain qu’AGF pourrait en faire plus pour aligner les intérêts des gestionnaires de portefeuille sur ceux des porteurs de parts. Par exemple, elle lie en partie la rémunération des gestionnaires aux rendements sur un et trois ans, ce qui pourrait encourager les gestionnaires à prendre des risques excessifs pour des gains à court terme. Et bien que rémunérer les gestionnaires avec des actions d’AGF aide à garder les personnes de talent à la firme, cela pourrait aussi encourager des pratiques défavorisant les porteurs de parts. Des frais élevés, des ventes agressives et une croissance ingérable des actifs feraient augmenter le chiffre d’affaires d’AGF — et vraisemblablement le cours de son action — mais ce serait au détriment des investisseurs.
Naturellement, la plupart des concurrents d’AGF offrent aussi à leurs gestionnaires des possibilités d’appropriation ou d’autres moyens de profiter de la réussite de la firme. Une telle aubaine n’a toutefois pas à se produire aux dépens des porteurs de parts. En exigeant un important co-investissement, AGF s’assure que ses gestionnaires sentent la douleur des investisseurs lorsque leurs fonds ont des problèmes.