«Les conseillers, comme dans bien des professions, changent plus souvent de firmes», constate-t-elle.

«Plusieurs grandes banques recrutent des conseillers qui pourront leur offrir un rendement de leur investissement», remarque le chasseur de têtes Richard Joly, président de Leaders & Cie.

D’après Richard Joly, les dirigeants recherchent un conseiller en placement productif qui a une clientèle générant de bonnes marges bénéficiaires, y compris des gens fortunés. Le profil de sa clientèle et son volume d’affaires sont aussi importants.

Et ce sont généralement les grandes institutions financières qui recrutent chez leurs concurrents, croit-il, car elles en ont les moyens.

Négocier son contrat

Avant de conclure une entente, les partis se rencontrent et discutent. «Chaque firme a son propre contrat d’embauche, chaque entente est différente. Tout est une question de négociation», soutient Julie-Martine Loranger.

Ces ententes prévoient souvent des clauses de non-sollicitation et de non-concurrence. Avant de changer d’institution, avant de solliciter qui que ce soit, il vaut mieux lire les clauses qui touchent actuellement le conseiller, soulignent les experts consultés.

Par exemple, les clauses de non-concurrence devraient avoir une durée et même une limite territoriale. «Un conseiller qui change de firme doit bien comprendre à quoi il est assujetti», note l’avocate.

«Les organisations ont la responsabilité d’attirer des gens qui leur seront fidèles. Penser qu’on va garder nos parts de marché parce qu’on fait signer des contrats blindés est une erreur, affirme Richard Joly. On se protège, mais les vrais gagnants en fin de compte sont les conseillers qui seront innovateurs dans leur gestion des comptes clients, en offrant des services différents, une facturation à honoraires, etc.»

«Chez Gestion de patrimoine TD, on n’achète habituellement pas de firmes externes, remarque Stephan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional, Est du Canada. On préfère utiliser le réseau et notre partenariat avec la banque pour développer le courtage de plein exercice. Notre système de référence provenant de succursales bancaires est également très développé.»

Selon Stephan Bourbonnais, chaque firme a ses propres critères pour évaluer la qualité de la clientèle et des actifs d’un conseiller. En accord avec cette appréciation, on offrira une valeur de transfert plus ou moins attrayante.

Prix et boni

La nouvelle firme de courtage paie généralement entre une et deux fois les revenus bruts annuels générés par la clientèle du conseiller en placement. Les actifs sous gestion doivent être analysés afin de déterminer leur qualité. Les comptes qui rapportent peu de revenus valent habituellement moins. Le nombre de clients et leur âge ont aussi leur importance.

«Habituellement, 20 % de la clientèle génère 80 % des revenus. Nous excluons généralement les revenus d’assurance, puisqu’ils ont déjà été versés. On achète plutôt la récurrence des revenus. On regarde normalement les trois dernières années de production», explique Stephan Bourbonnais.

Ainsi, un conseiller qui a un actif sous gestion de 100 M$ et qui génère un revenu représentant 1 % de l’actif (1 M$) peut donc s’attendre à recevoir une rémunération de 1,5 M$ de la firme qui tente de le recruter.

Le conseiller ne touche pas l’ensemble de la rémunération immédiatement après avoir changé de firme.

«Toutes les firmes vont verser un boni de signature au nouveau conseiller. Il s’agit d’un prêt non remboursable qui est généralement amorti sur trois à dix ans, selon la firme et le contrat. Ce boni de signature correspond dans notre cas à 40 à 70 % de la valeur totale de l’entente. La différence sera versée en fonction de l’atteinte des objectifs de revenus générés ou du montant d’actif transféré», explique Stephan Bourbonnais.

«Si le conseiller réussit à transférer 80 % de ses actifs après un an, on considère cela comme un bon transfert. On achète également la croissance future de l’actif. Parfois, on récompensera un conseiller qui réussit après 24 mois à avoir 125 % de l’actif original», ajoute-t-il.

Quant au taux de commission que reçoit le conseiller chez son nouvel employeur, il sera fonction de la grille de production du courtier.

«Pendant une certaine période, on peut assurer un taux qui est fonction de l’actif sous gestion au moment du transfert. Un conseiller qui a 200 M$ d’actif lorsqu’il quitte sa firme pourrait recevoir un taux de commission équivalent à ce niveau pendant un an, le temps qu’il prenne son erre d’aller, qu’il fasse signer les papiers de transfert», remarque Stephan Bourbonnais.

Passage risqué

Avant de changer de firme, un conseiller évalue souvent la qualité de la relation avec son directeur de succursale actuel, l’engagement de la haute direction et si celle-ci a la même vision que lui, d’après Stephan Bourbonnais. Un représentant cherche aussi à savoir si la nouvelle institution lui offre un levier pour faire croître son actif.

«Je mise beaucoup sur ces aspects pour attirer des conseillers, affirme-t-il. Un nouveau conseiller pourra compter sur notre image de marque, notre réputation, nos outils, nos références [provenant de notre réseau bancaire].»

Celui qui songe à partir doit faire attention au contrat d’embauche qui le lie à son employeur du moment. Le client s’appartient à lui-même, il peut suivre, s’il le souhaite, le conseiller qui change de firme.

«Cependant, les dossiers et la liste des clients appartiennent à la firme. Si on apprend que l’un de nos conseillers est parti avec ces documents ou même qu’il appelle les clients directement, on envoie immédiatement une mise en demeure», note Stephan Bourbonnais. En gros, le client doit décider de sa propre initiative de son envie d’aller ailleurs.

Alors, pourquoi les contrats d’embauche contiennent-ils des clauses de résultat ou de pourcentages d’actif transférés après 1 an, 18 mois ou même 2 ans ?

«Quand une firme recrute un nouveau conseiller, elle se dira qu’il a le potentiel de servir une clientèle ayant 100 M$ d’actif, par exemple. Après un an, on ne pourra déterminer si cette clientèle est constituée d’anciens ou de nouveaux clients ou encore s’il s’agit de la croissance de l’actif, puisque nous n’avons pas accès à la liste des clients de l’ancienne firme», dit Stephan Bourbonnais.

Certaines firmes n’ont pas de clauses de résultats. Que le conseiller parvienne à transférer 20 % ou 90 % de ses actifs, cela ne change rien aux bonis versés.

«Il arrive que certaines firmes paient le gros prix pour comprendre un an ou deux plus tard que seul le quart de la clientèle a suivi le conseiller. C’est alors très coûteux pour la firme», relate Bruno Desmarais, directeur régional, Est du Canada chez Gestion de patrimoine TD. Ce dernier a travaillé plusieurs années chez Valeurs mobilières Desjardins où il s’occupait notamment de l’embauche des conseillers.

Parfois, les contrats vont spécifier que la firme assume les frais de transfert pour les clients qui souhaitent suivre leur conseiller. «C’est du cas par cas. On peut exiger un montant minimum de transfert, par exemple pour les comptes de plus de 250 000 $», illustre Stephan Bourbonnais.