Conseiller-robot : trois questions à BMO
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La question qui est loin d’être résolue est dans quelle mesure les algorithmes peuvent remplacer les conseillers au fur et à mesure que la vie se complique.

Hypothèque, dettes personnelles, assurance. Mariage, enfants, parents vieillissant. Maladies et accidents. Testaments et successions. Quand et comment puiser dans ses économies. La liste des complexités de la vie financière moderne semble sans fin.

S’il vous faut plus qu’une répartition d’actifs et des rééquilibrages de votre portefeuille, la génération actuelle de services de conseillers-robots ne sera au mieux qu’une solution partielle. « À mesure que votre richesse s’accumule, demandez-vous si vous voulez recevoir des services plus complexes et des produits de placements plus diversifiés que ceux qui peuvent être fournis par les conseillers en ligne », recommande le Bureau des investisseurs de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario.

Pour l’instant, c’est un bon conseil. La question est : les conseillers-robots seront-ils un jour capables d’aborder les besoins de planification financière de façon adéquate?

L’argument que les conseillers en chair et en os pouvaient offrir de bien meilleures services aux investisseurs que des algorithmes a été présenté lors de la conférence de l’Institut des fonds d’investissement du Canada, dont les membres incluent à la fois les compagnies de fonds de placement et les distributeurs de fonds dispensant des conseils. Parmi les conférenciers figurait John Adams, président de l’IFIC, qui est aussi directeur général de Placements PFSL du Canada, un courtier en fonds communs de placement et principal distributeur des fonds de la famille Primerica.

M. Adams a rejeté la notion que les conseillers-robots pouvaient remplacer les services personnalisés. « Les conseillers-robots ne seront d’aucun secours au nombre croissant d’investisseurs vulnérables qui peuvent ne pas avoir la capacité cognitive d’évaluer les autres options et de prendre les meilleures décisions possibles au sujet de leurs investissements en l’absence de lignes directrices judicieuses », a dit M. Adams aux délégués de l’IFIC. « Beaucoup d’investisseurs vulnérables n’ont pas la capacité d’entrer avec exactitude toutes leurs informations dans les champs informatiques requis pour que les algorithmes des conseillers-robots puissent établir une recommandation, a-t-il ajouté. Aucune simulation par ordinateur ne peut surmonter ces difficultés et parvenir à fournir les conseils et l’encadrement personnalisés que peut offrir un conseiller compétent. »

Mais est-ce vraiment impossible? Les programmeurs informatiques nous ont procuré des automobiles sans chauffeur et des logiciels d’échecs capables de battre les plus grands joueurs mondiaux. Si l’ordinateur Deep Blue d’IBM peut battre l’ancien champion du monde Garry Kasparov, un éventuel programme de conseiller-robot version 3.0 pourra-t-il établir un meilleur plan financier que le sympathique planificateur financier de votre quartier?

Peut-être pas pour l’instant. Même ainsi, l’écart entre les conseillers-robots et les planificateurs financiers professionnels devrait se rétrécir. « Quiconque ne croit pas dans le pouvoir de l’intelligence artificielle est en plein déni, quelle que soit l’industrie dans laquelle il ou elle se trouve », dit Kendra Thompson, directrice de la gestion d’actifs et du patrimoine pour l’Amérique du Nord à Accenture. « Les outils à la disposition des conseillers deviennent de plus en plus sophistiqués, mieux équipés et capables de mettre en œuvre des scénarios plus complexes. »

Dans son document de recherche sur les conseillers-robots de décembre 2015, Accenture a prédit que les « machines intelligentes » (capables de raisonnements complexes et d’interaction avec les humains) « transformeront le paysage des placements de façon révolutionnaire ». Pour les firmes de gestion du patrimoine, la société de consultation a ajouté : « on peut miser sur les conseillers-robots pour l’avenir : c’est une façon d’obtenir des clients et des conseillers financiers qu’ils travaillent avec des machines susceptibles d’améliorer et d’étendre le champ des performances humaines. »

En ce début de l’ère des conseillers-robots au Canada, nous ne sommes en aucune manière prêts à dupliquer les services qu’un planificateur financier qualifié peut fournir. La toute première étape des services de conseiller-robot est très axée sur la répartition d’actifs et sur la sélection de titres qui sont des substituts à des catégories d’actifs. Pour des besoins de planification financière plus complexes, une alternative serait de retenir les services d’un conseiller-robot et d’un planificateur financier qualifié.

Pramod Udiaver, co-fondateur de la firme de conseils en placement en ligne Invisor Financial, dit que pour les niveaux avancés de planification financière, les firmes de conseillers-robots ont besoin soit de faire appel à des services externes, soit d’étendre leur gamme de services et de compétences. Invisor a abordé cette question en ayant à la fois une filiale de placements et une filiale d’assurances, et elle est en train de développer des outils en ligne pour répondre aux besoins d’assurance des clients.

Pour les firmes donnant des conseils de base et qui ne sont pas prêtes à remplacer des êtres en chair et en os par des robots, attendez-vous à ce que les technologies en ligne soient adoptées pour effectuer certaines procédures administratives. Cela pourrait inclure la « paperasse » comme les ouvertures de compte, la collecte des informations sur les clients et leur mise à jour. L’introduction d’un élément informatisé réduira les coûts et permettra aux conseillers de disposer de plus de temps pour prodiguer des conseils personnalisés, ce qu’un algorithme n’est pas en mesure de faire pour l’instant. Cela peut aussi réduire la taille des actifs à partir de laquelle les conseillers sont disposés à prendre de nouveaux clients.

Peut-être que la plus grande difficulté des conseillers-robots est d’essayer de reproduire les conseils personnalisés dont peuvent avoir besoin les clients réticents à prendre des risques durant les périodes très baissières. Un conseiller-robot peut-il convaincre les investisseurs effrayés de ne pas se retirer des marchés au pire moment possible?

« Lorsque des chutes boursières se produisent, les conseillers financiers sont souvent là pour répondre à leurs clients et les soutenir », dit Greg Pollock, président-directeur général d’Advocis, une organisation nationale pour les conseillers financiers. « Les rassurer en leur disant que cela va passer, que les choses vont s’améliorer, et qu’il ne faut pas qu’ils paniquent, qu’ils vendent leurs investissements lorsqu’ils sont dévalués par un baisse de marché. »

Le début de 2016, avec des conditions baissières sur les marchés boursiers de multiples continents, constitue un baptême du feu pour les conseillers-robots. C’est durant des périodes comme celle-ci que le soutien psychologique compte le plus. Et c’est ce type de soutien qu’un conseiller compétent et consciencieux avec une forte relation personnelle sera plus apte à fournir au lieu des courriels envoyés en masse par les firmes de conseillers-robots.

DALBAR, une firme de consultation de l’industrie des placements avec des bureaux à Boston et à Toronto, recommande que les firmes de conseillers-robots mettent en place des plans pour gérer les situations dans lesquelles les investisseurs peuvent être les plus vulnérables aux comportements négatifs. La firme recommande d’étudier l’histoire des marchés boursiers pour voir quels événements « à l’impact maximum » ont mené à de mauvaises décisions dans le passé.

Comme l’ont révélé les études historiques effectuées par DALBAR sur le comportement des investisseurs, ceux-ci en tant que groupe ont obtenu de façon constante des rendements inférieurs à ceux des fonds dans lesquels ils ont investi. Une partie de la valeur qu’un conseiller traditionnel peut apporter est sa capacité d’influencer leur comportement et d’établir des attentes réalistes et réalisables liées aux objectifs personnels, dit Anita Lo, vice-présidente du cabinet canadien de DALBAR. « La plus grande difficulté pour les conseillers-robots sera leur capacité de reproduire le niveau d’engagement que l’on trouve dans les interactions personnelles.