Maman, quand est-ce qu'on arrive?
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Quel est le rapport avec la conformité, sujet de cette chronique mensuelle? La question est bonne, surtout qu’habituellement je vous interpelle avec un sujet concret ou une question bien ancrée dans votre pratique ou votre réalité.

Laissez-moi donc vous donner quelques explications.

Lorsqu’on me demande quand verra-t-on la fin des projets de réformes réglementaires dans l’industrie financière, comme la semaine dernière lors de l’assemblée générale de la Chambre de la sécurité financière, je ressens curieusement le même sentiment que lorsque mes enfants, en voiture, me demandent avec découragement « quand est-ce qu’on arrive? ».

Pas que je ne les comprends pas! Moi aussi j’ai hâte d’arriver. De la même manière que je vous comprends de me poser cette question alors que je rêve moi aussi de passer ne serait-ce que douze mois consécutifs sans répondre à une consultation ou sans implanter une nouvelle réforme dans notre processus d’encadrement.

Mais, de la même manière que, lorsque je suis au volant, je sais qu’on n’arrivera pas avant plusieurs heures (que voulez-vous, je suis originaire de Chibougamau, y visiter la famille est donc une aventure en soit), je sais que la réalité de l’industrie financière d’aujourd’hui est celle d’une industrie réglementée et encadrée dans un monde en constant changement qui doit s’adapter vite.

Une forme de fatalité, quoi.

Et devant la fatalité, quelles sont nos options? Personnellement, sous différentes déclinaisons, j’ai tendance à les regrouper sous deux chapeaux : le refus et l’adaptation.

Vous pouvez choisir le refus. Si tel est votre choix, vous en aurez beaucoup à dire sur toute nouvelle proposition de changement réglementaire, ceux-ci étant forcément mauvais puisque troublant le long fleuve tranquille des affaires.

Vous ne négligerez pas de faire connaître votre opinion, de la répéter, de la répandre et de la crier s’il le faut. Vous pourriez même y consacrer une partie importante de votre temps jusqu’à négliger vos activités actuelles.

Ça a toujours bien fonctionné alors pourquoi tout changer maintenant? Les fonctionnaires dans une tour à bureaux n’ont aucune idée de la réalité du terrain! Ils sont donc forcément dans l’erreur.

Votre refus se comprend. Il m’arrive également de joindre votre club mais, avant de le faire, je donne une chance à son concurrent : l’adaptation.

Cette seconde option s’offre à chacun d’entre nous. Elle suppose d’accepter que le monde d’aujourd’hui est plus complexe que celui d’hier, que les possibilités sont plus nombreuses et que nous sommes, professionnels de l’industrie, nous aussi plus nombreux et donc plus difficiles à encadrer.

Adaptation ne signifie pas dire oui à tout, de recevoir toute nouvelle réforme comme parole d’évangile. Ce serait de l’aplaventrisme.

Adaptation signifie ouverture, discussion, innovation, sens du défi et opportunisme.

Ouverture aux enjeux : Que souhaite faire le régulateur avec sa proposition? Quel est l’objectif? Est-ce que je le partage? Qu’est-ce qui est acceptable ou non pour mes clients et moi?

Discussion : Engager, en temps opportun (ce qui signifie pendant la consultation et non une fois le règlement adopté), une discussion avec le régulateur pour comprendre ses objectifs et l’exposer aux réalités de l’industrie afin d’en arriver à une solution acceptable pour tous. Comment? Participer aux consultations écrites ou en personne, solliciter des rencontres, prendre la plume, etc.

Innovation et sens du défi : Ils vont de pair. Une fois le règlement adopté ou la réforme en marche, comment puis-je adapter ma pratique pour demeurer conforme? Que dois-je faire de différent? Comment le faire avec un minimum d’inconvénients?

Opportunisme : Tout changement provoque un réalignement des forces. Puis-je en tirer parti? Comment? Mes concurrents se situent où? Quelles sont les attentes de mes clients? Quelles seront les attentes de mes clients? Comment puis-je profiter du changement pour me donner une longueur d’avance en matière de conformité et de conduite des affaires?

Il n’existe pas de chemin facile. La gestion du changement est un art perfectible qui demande un travail constant. Vous allez dépenser de l’énergie quoiqu’il advienne et c’est à vous de choisir comment vous le ferez. En luttant contre le courant ou en acceptant un itinéraire différent de vos plans?

À moins que le projet proposé soit totalement et entièrement inacceptable à vos yeux, cherchez ce qui doit être changé et comment y arriver plutôt que de tout rejeter en bloc. Vous y perdrez moins de temps, d’énergie et d’argent en plus d’avoir des résultats plus concrets.

C’est vrai dans la vie en général, ce l’est aussi en matière de changement réglementaire ou de conformité.

Bonne réflexion et bon été à tous!