Deux mains de femmes âgée, posées l'une sur l'autre.
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Pourquoi parler de ça au Québec?

Voici l’histoire de Jeanne Calment qui est née en France le 21 février 1875. En 1965, elle a alors 90 ans et aucun héritier, elle décide de vendre son appartement en viager à son notaire, André-François Raffray. Ce dernier est alors âgé de 47 ans et il accepte de lui verser 2 500 francs par mois. Il le fera durant trente ans jusqu’à sa propre mort en 1995. Il avait 77 ans à ce moment. Son épouse continuera les paiements jusqu’à la mort de Jeanne Calment qui survient le 4 août 1997.

Madame Calment était devenue la doyenne des Français le 20 juin 1986, puis la doyenne de l’humanité le 11 janvier 1988, titre qu’elle conservera plus de 9 ans, au grand dam, on présume, de la famille Raffray. On la considère aujourd’hui comme l’être humain ayant vécu le plus longtemps parmi tous ceux dont la date de naissance est prouvée.

Espérance de vie

Cette histoire illustre à merveille à quel point il est hasardeux pour un particulier, ici le notaire Raffray, de baser ses décisions financières sur l’espérance de vie. Un régime de retraite ou une compagnie d’assurance-vie se basera notamment sur l’espérance de vie pour établir la valeur d’une série de paiements. Si une telle entité avait contracté avec Madame Calment, la gigantesque perte découlant de ce contrat aurait été épongée par des milliers d’autres rentiers. En raison de la Loi des grands nombres leur risque est très contrôlé et une telle histoire aurait été au pire anecdotique pour eux, ou, au mieux, une opportunité de marketing. Pour la famille Raffray, cette décision a peut-être eu des conséquences désastreuses sur ses finances.

L’espérance est une statistique qui établit un âge futur auquel 50% des membres d’un groupe homogène, en termes d’âge atteint et de genre, seront décédés. Par exemple, si l’espérance de vie d’une femme de 65 ans est de 26 ans, cela signifierait que sur un groupe de 1000 femmes de 65 ans aujourd’hui, 50%, donc 500, devraient être décédés à 91 ans. L’espérance de vie de Madame Calment devait probablement être de 3 à 5 ans à la signature du contrat en 1965.

Durée raisonnable de décaissement

En planification de la retraite, utiliser l’espérance de vie du particulier comme date cible d’épuisement des épargnes expose le particulier à un certain risque. Statistiquement, 50 % des gens ne devraient dépasser cette durée. Si la moitié des particuliers survivaient à leur capital, cela implique qu’une planification de retraite tablant sur l’espérance de vie pour épuiser le capital aurait statistiquement une chance sur deux de ne pas tenir la route.

Une pratique prudente devrait donc être d’ajouter quelques années à l’espérance de vie du particulier. Cette durée constitue la durée raisonnable de décaissement. Elle représente essentiellement un âge auquel 75% (et non 50%) des membres d’un groupe homogène ne seront plus en vie. Une planification de retraite tablant sur la durée raisonnable de décaissement plutôt que sur l’espérance de vie n’aurait qu’une chance sur quatre de ne pas tenir la route, donc trois chances sur quatre de tenir la route.

Normes de l’IQPF

L’Institut québécois de planification financière présente ces données, espérance de vie et durée raisonnable de décaissement pour différents âges dans les Normes d’hypothèses de projections. Le document qui présente ces Normes est disponibles au : https://www.iqpf.org/docs/default-source/outils/iqpf-normes-projection2018.pdf

En conclusion

Si l’espérance de vie est une superbe statistique pour les régimes de retraite et les assureurs-vie, il est risqué de l’utiliser pour la planification de retraite des particuliers. Rappelez-vous du notaire Raffray!

Martin Dupras, a.s.a., Pl.Fin., M.Fisc, ASC
ConFor financiers inc.
Novembre 2018

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