Lorsque vous amorcez votre pratique en services financiers, la question finit toujours par se poser : est-ce que je suis un généraliste ou un spécialiste ? Les deux chemins peuvent mener loin, mais reposent sur des approches différentes.
Le généraliste touche à tout. Par exemple, il se promène à travers les sept domaines de la planification financière définis par l’Institut de planification financière s’il détient la formation requise et le titre professionnel réservé : aspects légaux, assurance et gestion des risques, finances, fiscalité, placements, retraite et succession.
Vous connaissez l’expression en anglais « jack of all trades, master of none » ? Le généraliste se montre donc adaptable, polyvalent, capable de couvrir plusieurs volets sans se limiter à un seul. Face à un client, il doit saisir l’ensemble du portrait : les dettes, les placements, les objectifs, les projets et la situation familiale et corporative. Il devient chef d’orchestre, celui qui fait en sorte que toutes les pièces du plan s’emboîtent.
Ce rôle occupe une place cruciale. Selon Vanguard Canada (2024), 89 % des investisseurs canadiens voient leur conseiller comme leur principale source d’information financière. Le généraliste ne se contente donc pas de proposer des produits : il éduque ses clients, met en œuvre leurs projets de retraite ou d’entreprise et donne du sens à leurs finances.
Les avantages ? Vous développez une vision globale, vous rencontrez des situations variées en gardant une liberté de pratique. C’est aussi une excellente façon de bâtir des bases solides dans tous les aspects du métier. Cependant, cette polyvalence a ses limites. Il peut être difficile d’approfondir chaque spécialité quand vous jonglez avec beaucoup de clients. Vous pouvez finir par vous sentir éparpillé. Dans un marché où la spécialisation est régulièrement valorisée, se démarquer devient un défi. Si vous êtes du genre à vouloir creuser un sujet à fond, le rôle de généraliste risque de vous frustrer éventuellement. La plupart des conseillers démarrent avec une pratique plus généraliste et large, puis découvrent avec le temps ce qui les passionne le plus.
Le spécialiste pour sa part va plus loin dans un domaine ciblé. Certains plongent dans la fiscalité, d’autres dans la planification de retraite avancée, le développement des affaires, les stratégies d’assurance corporative ou des stratégies plus pointues comme les placements alternatifs. Son expertise devient précieuse quand les situations se corsent techniquement.
Avec plus de la moitié des planificateurs financiers qui ont 55 ans et plus, selon FP Canada (2024), la relève manque cruellement dans ces niches spécialisées. Néanmoins, personne ne travaille en silo. Le spécialiste s’intègre habituellement dans une équipe : pendant qu’il analyse la fiscalité d’un dossier, un collègue s’occupe des placements ou des assurances. Cette collaboration garantit une vision complète et cohérente pour le client.
Se spécialiser permet souvent de devenir une référence, d’offrir une valeur ajoutée plus marquée, d’attirer des mandats complexes. Contrairement à la croyance populaire, le spécialiste ne perd pas de vue l’ensemble du portrait : il a accès aux documents et aux données complètes pour bien comprendre la situation globale. Cependant, il doit pouvoir compter sur une bonne équipe pour coordonner les différents volets.
Peu importe la voie choisie, une constante demeure : la relation humaine. Toujours selon Vanguard Canada, les clients qui échangent mensuellement avec leur conseiller se disent deux fois plus optimistes face à leur avenir financier (46 %) que ceux qui n’ont qu’un contact annuel (18 %). Cette proximité change tout dans votre relation avec le client.
Pour un jeune conseiller, partir avec une perspective davantage généraliste est souvent judicieux. Cela donne l’occasion de côtoyer différents types de clients, de voir plusieurs réalités, de construire des fondations solides. Ensuite, les intérêts se précisent naturellement : certains se découvrent une passion pour la fiscalité, d’autres pour la planification successorale, la gestion de portefeuille, le développement des affaires ou simplement le contact humain et les relations durables. Que vous restiez généraliste ou que vous vous spécialisiez, gardez toujours l’accent sur les relations que vous avez avec vos clients, leurs objectifs, leur réalité. Ce métier repose avant tout sur la confiance et la capacité à comprendre les projets que les gens veulent accomplir, leurs rêves, leur vision de leurs finances, et sur votre capacité à bien les éduquer.
Finalement, il ne s’agit pas tant de choisir entre généraliste et spécialiste que de trouver votre équilibre. L’un vous apprend à voir large, l’autre vous pousse en profondeur. Ce qui importe vraiment, c’est la valeur concrète que vous créez pour les clients que vous accompagnez.
Par Philip Boivin, membre du conseil d’administration de l’ARSF