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Est-ce que l’opinion d’un consultant, alors que cette opinion n’est pas fiable, est un fait important qu’un émetteur doit divulguer ?

Non, selon la juge van Rensburg, de la Cour d’appel d’Ontario, dans Wong c. Pretium Resources Inc,1 qui vient confirmer l’opinion du juge Belobaba en première instance. Quand un consultant présente une opinion qui est non fiable, ceci n’est pas un fait important et la décision de ne pas divulguer cette opinion ne constitue pas une information fausse ou trompeuse (« misrepresentation », en anglais).

À titre de rappel, selon la Loi sur les valeurs mobilières d’Ontario (« LVMO »), un fait important est un fait dont il est raisonnable de s’attendre qu’il aura un effet appréciable sur la valeur des titres. Typiquement, un fait important n’a pas à être divulgué, à moins que la divulgation du fait important est requise ou nécessaire afin que la déclaration ne soit pas trompeuse. Dans ces cas, l’omission de divulguer le fait important constitue une présentation inexacte des faits et ceci engage la responsabilité de l’émetteur quant aux obligations d’information sur le marché secondaire.2

Dans l’affaire Wong, un groupe d’actionnaires de Pretium Resources Inc. (« Pretium »), représenté par M. Wong, alléguait que Pretium, une société minière aurifère, et son PDG à l’époque auraient omis de divulguer un fait important, soit l’opinion défavorable présentée par Strathcona Mineral Services Ltd. (« Strathcona ») sur l’estimation des ressources minérales de Pretium.

Pretium avait engagé Strathcona pour superviser un programme d’échantillonnage en vrac. Cet échantillon devait servir à Snowden Mining Industry Consultants Ltd. (« Snowden »), un consultant minier réputé engagé par Pretium, dans le cadre de ses tests de vérification de l’exactitude de son estimation des ressources. Strathcona, sur la base des analyses des échantillons traités dans la tour d’échantillonnage, et avant que la totalité de l’échantillon en vrac n’ait été excavée, concassée et testée, a exprimé des inquiétudes quant à l’estimation des ressources et a exhorté Pretium à divulguer cette opinion.

En première instance, le juge Belobaba, dans son évaluation du critère d’importance (« materiality », en anglais), a tenu compte de la fiabilité objective de l’opinion de Strathcona. Le juge Belobaba a conclu que les inquiétudes de Strathcona n’étaient pas fiables puisqu’elle a fait des erreurs primordiales dans son analyse. Ainsi, le juge a trouvé qu’il n’y avait pas d’obligation de divulguer cette opinion non fiable et la demande des défendeurs pour un jugement sommaire a été accordée.

En appel, M. Wong prétend que le juge a commis une erreur en considérant la fiabilité objective d’une opinion dans son évaluation du critère d’importance. Pour la Cour d’appel, la juge van Rensburg est venue confirmer qu’aucune erreur n’a été faite à cet égard : bien que la fiabilité des informations non divulguées ou omises ne soit pas nécessairement pertinente pour l’évaluation du critère d’importance dans tous les cas, elle l’était en l’espèce.

En effet, les circonstances dans cette affaire, soit les inquiétudes de Strathcona prématurées et exprimées en dehors de « sa propre voie », ouvrent la porte au juge pour qu’il considère la qualité ou la fiabilité des informations omises. En d’autres termes, les informations ne sont pas, dans l’affaire Wong, des faits non contestés, mais plutôt une opinion. La décision de Pretium de ne pas divulguer cette opinion n’était pas une question d’affaires; il s’agissait plutôt d’une évaluation objective de l’exactitude de l’opinion ainsi que l’état actuel de la divulgation. De plus, Pretium a clairement indiqué qu’elle divulguerait les résultats de l’échantillonnage en vrac après avoir reçu et analysé toutes les données. Personne ne s’attendait à une divulgation en cours de route. L’émetteur n’a pas à divulguer toutes les informations à sa disposition, sans tenir compte de leur fiabilité et de leur importance. L’investisseur raisonnable voudrait savoir si l’opinion est objectivement fiable; sans cette fiabilité objective, une opinion n’est pas un fait important.

La juge van Rensburg est claire : afin de déterminer l’importance d’une telle opinion pour un investisseur raisonnable, il était pertinent de considérer, entre autres, sa fiabilité objective. De surcroît, elle considère que la divulgation de cette opinion aurait pu être trompeuse puisque l’opinion a été exprimée en fonction d’informations incomplètes. Elle ajoute que « La divulgation de faits que le juge a jugés objectivement non fiables n’aurait pas profité à ‘l’investisseur raisonnable’, mais aurait entraîné le genre de méfait sur le marché que les obligations de divulgation prévues par la LVMO cherchent à éviter. »3

Ainsi, l’appel a été rejeté.

1 – 2022 ONCA 549.   

2 – Au Québec, l’omission pure et simple d’un fait important constitue une information fausse et trompeuse.

3 – Notre traduction.

Rédigé avec la collaboration de Me Kevin Pinkoski et de Ariel Parienti, stagiaire en droit.

Le présent article ne constitue pas un avis juridique.