Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées (Formulaire T2201)

La pierre angulaire pour accéder à la plupart des outils de planification est l’obtention du « Certificat pour le crédit d’impôt pour personnes handicapées » (« CIPH ») délivré par le ministre du Revenu. À cette fin, le Formulaire T2201 doit être dûment rempli et envoyé au centre fiscal dont relève la personne pour qui la demande est faite. Il n’y a pas de date précise pour fournir le formulaire.

La personne handicapée doit démontrer une déficience grave et prolongée des fonctions mentales et physiques pendant une période d’au moins 12 mois consécutifs et qui limite de façon marquée la capacité d’accomplir une activité courante de la vie comme parler, entendre, marcher, remplir les fonctions intestinales ou viscérales, se nourrir, s’habiller. Les fonctions mentales sont l’apprentissage fonctionnel à l’autonomie, la capacité de se souvenir d’instructions simples, la résolution de problèmes, la capacité d’établir et d’atteindre des objectifs, de prendre des décisions et de porter des jugements appropriés.

Le critère pour décider si une activité est « limitée de façon marquée » s’évalue en fonction du fait qu’une activité courante ne peut être accomplie sans y consacrer un temps excessif dans une proportion égale à au moins 90 % du temps. Le « temps excessif » est une question de fait et prend en compte le temps moyen pris par une personne n’ayant pas de déficience pour accomplir la même activité.

Un médecin doit attester que le particulier répond aux exigences.

Exceptionnellement, le répondant peut aussi être un spécialiste de la santé en règle avec son ordre professionnel pour pratiquer dans la province où réside la personne faisant l’objet de l’attestation. Soulignons que le professionnel de la santé reçoit souvent de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») un questionnaire supplémentaire à remplir.

Cette première étape terminée, le ministre envoie un avis de détermination par la poste. La demande est approuvée avec ou sans une période déterminée dans l’avis. Ultérieurement, l’ARC peut demander de renouveler le certificat. Toutefois, les autorités fiscales devraient être averties si la condition médicale s’est améliorée et que les critères d’admissibilité au CIPH ne sont plus présents.

Les recours en cas de refus du ministre sont une demande de réexamen au centre fiscal concerné en fournissant plus de précisions sur la condition de la personne handicapée et l’opposition inscrite dans les 90 jours suivant la mise à la poste de l’avis de détermination.

Cette première étape n’est pas facile à franchir. Les critères contraignants restreignent l’accès au CIPH pour des personnes très lourdement handicapées.

Planification fiduciaire

Parmi les outils fiscaux proposés, nous comptons le régime enregistré d’épargne-invalidité (« REÉI »), la fiducie familiale comportant une désignation de bénéficiaire privilégié, la fiducie admissible pour personne handicapée (« FAPH ») ou encore la fiducie de prestations à vie (« FPV »). Chacun de ces outils comporte des avantages, mais peut aussi être problématique ou engendrer la perte éventuelle de bénéfices sociaux. Les exigences fiscales ne sont pas en harmonie avec les critères de la jurisprudence pour créer une fiducie de type « Henson ».

Certains de ces outils, comme le REÉI, la FAPH et la FPV exigent la production du CIPH. La fiducie familiale, le choix du bénéficiaire privilégié et la FPV sont disponibles pour toutes les personnes infirmes.

Régime enregistré d’épargne-invalidité

Ces régimes ont été incorporés à la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. ») en 2008. L’objectif poursuivi était de « constituer une épargne à long terme en vue d’assurer la sécurité financière des personnes ayant une déficience grave et prolongée des fonctions physiques et mentales ». Ils sont encore peu utilisés malgré les généreuses subventions gouvernementales qui y sont greffées.

Le REÉI permet d’assurer la croissance des investissements sur une base libre d’impôt. Les cotisations au REÉI ne sont pas déductibles du revenu. Les montants tirés des subventions gouvernementales et les revenus de placement accumulés sont inclus dans le revenu du bénéficiaire pendant l’année du paiement. La limite des cotisations à vie est de 200 000 $, le bénéficiaire doit être âgé de moins de 59 ans. Un des grands avantages de ce régime est de ne pas nuire aux prestations sociales disponibles.

Les acteurs d’un REÉI sont le cotisant, le titulaire et le bénéficiaire. Le cotisant est la personne qui contribue à verser le capital au REÉI. La définition ne vise personne en particulier et son lieu de résidence n’a pas d’importance. Il doit toutefois obtenir la permission du titulaire pour cotiser. Le bénéficiaire, en plus de se qualifier au CIPH, doit avoir moins de 60 ans. Il doit résider au Canada au moment de l’adhésion au régime.

En règle générale, le titulaire est aussi le bénéficiaire du régime. Toutefois, si le bénéficiaire est mineur, ses père et mère, un tuteur, un curateur ou une autre personne autorisée à agir pour un bénéficiaire, incluant un ministère, un organisme ou un établissement public peuvent souscrire. Le mineur devenu majeur peut être ajouté comme cotitulaire du contrat avec ses père et mère. Tout autre titulaire que les parents légaux devra être retiré au moment de la majorité. Un tuteur, un curateur ou une autre personne autorisée à agir pour un bénéficiaire, incluant un ministère, un organisme ou un établissement public peut ouvrir un REÉI si le bénéficiaire majeur n’est pas légalement capable de contracter en raison d’une déficience mentale. Depuis le 29 juin 2012 jusqu’au 31 décembre 2018, le conjoint ou parent d’un bénéficiaire inapte âgé de plus de 18 ans peut ouvrir un REÉI lorsque ce dernier n’est pas encore légalement représenté. Ce délai a été inséré dans la loi pour permettre d’harmoniser les lois provinciales sur la capacité des individus avec les critères de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le Québec n’a toutefois rien changé jusqu’à présent.

Les cotisations effectuées permettent le paiement de la Subvention canadienne pour l’épargne-invalidité (« SCÉI ») calculé à partir du niveau de cotisation et du revenu familial du bénéficiaire. La subvention fédérale peut aller jusqu’à 300 % du montant de la cotisation. Les personnes à faible revenu peuvent bénéficier du Bon canadien pour l’épargne-invalidité (« BCÉI »), 1 000 $ annuellement jusqu’à concurrence de 20 000 $ à vie, sans qu’aucune cotisation soit nécessaire. Le bond cesse quand le bénéficiaire atteint l’âge de 49 ans.

Les seuils de revenu familial des bénéficiaires sont indexés annuellement en fonction de l’inflation. Le revenu familial du bénéficiaire s’établit, s’il est mineur, à partir du revenu familial net utilisé pour calculer la prestation fiscale pour enfant. Lorsque le bénéficiaire a atteint l’âge de 19 ans, le calcul se fait sur le revenu familial du bénéficiaire.

Selon les règles en vigueur avant 2014, la SCÉI et le BCÉI payés dans les 10 années précédentes devaient être remboursés si un montant était retiré, le REÉI fermé ou ayant perdu son enregistrement, si le bénéficiaire cesse d’être admissible au CIPH ou décède. La règle de remboursement de 10 ans est restée en vigueur dans les deux derniers cas. Autrement, elle a été remplacée par un remboursement proportionnel lorsque des retraits de faible valeur sont effectués. Le montant des retraits peut augmenter s’il est démontré que le bénéficiaire a une espérance de vie réduite.

Le REÉI prend fin lors du décès du bénéficiaire ou lorsque ce dernier cesse d’être admissible au CIPH. Lors du décès, les sommes restantes seront payées à sa succession après le remboursement des subventions et des bons. Notons que légalement, une personne incapable ne peut pas faire un testament.

En cas de cessation d’admissibilité au CIPH, la loi prévoit que le REÉI doit être fermé, et les montants de subvention et de bon remboursés dans l’année avant le 31 décembre de l’année suivant la première année complète après la perte d’admissibilité. Les sommes restantes dans le REÉI après le remboursement des subventions et des bons du gouvernement doivent être versées au bénéficiaire et imposées dans ses mains. À partir du 1er janvier 2014, un assouplissement de ces règles permet de reporter la fermeture du régime si un médecin atteste par écrit que, dans un avenir prévisible, la personne sera de nouveau admissible au CIPH. Le REÉI doit prendre fin avant la fin de la cinquième année d’inadmissibilité continue.

Fiducies familiales

Les fiducies familiales peuvent servir d’outil de planification pour des bénéficiaires handicapés ou des parents âgés ayant des besoins spéciaux. Ce sont des fiducies entre vifs, dont les revenus sont imposés au taux maximum de 53,31 %. Les fiduciaires choisissent souvent d’imposer les revenus de la fiducie entre les mains des bénéficiaires dont les revenus sont les moins élevés. Même s’il pouvait être avantageux de faire ce type de fractionnement avec un bénéficiaire infirme ou handicapé, cela pourrait avoir comme conséquence d’augmenter son revenu et de le disqualifier pour les prestations sociales.

Choix de bénéficiaires privilégiés

Ce choix permet de conserver le revenu dans la fiducie, mais de l’imposer entre les mains du bénéficiaire privilégié dont le taux d’impôt pourrait être minimal. Il s’agit d’un choix conjoint du bénéficiaire privilégié et du fiduciaire autorisé. Le bénéficiaire privilégié doit être un particulier admissible au CIPH, sinon il est une personne âgée d’au moins 18 ans et est à charge à cause d’une déficience physique ou mentale. Son revenu d’autres sources que la fiducie ne doit pas dépasser 11 635 $ en 2017. La définition de « personne à charge » est celle du paragraphe 118(6) L.I.R., soit la personne aux besoins de laquelle un particulier qui réside au Canada et qui est son père, sa mère, son grand-père, sa grand-mère, son oncle, sa tante, son frère, sa sœur, son neveu ou sa nièce subvient. Les mots « entièrement à charge » font référence à la fourniture des éléments essentiels à la vie comme la nourriture, le logement, les vêtements. Lorsqu’une personne reçoit des prestations d’aide gouvernementale, il doit être démontré qu’elles sont insuffisantes pour satisfaire aux besoins essentiels et que le bénéficiaire compte sur le particulier pour les combler. L’auteur de la fiducie est le bénéficiaire lui-même, son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ex-conjoint de fait, ses parents, grands-parents, arrière-grands-parents ou l’époux ou le conjoint de fait de l’une de ces personnes.

Le choix de bénéficiaire privilégié est fait annuellement, par un écrit adressé au ministre indiquant le montant du revenu accumulé à l’égard duquel le choix est fait et signé conjointement par le fiduciaire autorisé et le bénéficiaire privilégié. Ce document est expédié dans les 90 jours de la fin de l’année d’imposition, en même temps que la déclaration de revenus T3. Le montant du choix doit être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire privilégié même si les sommes ont été maintenues dans la fiducie. Ces sommes ne seront plus imposables dans les mains d’aucun autre bénéficiaire.

Fiducie admissible pour personnes handicapées

La FAPH introduite dans le Budget fédéral de 2014 est une exception à la règle d’imposition des fiducies testamentaires au taux maximal, les autorités fiscales ayant accepté de maintenir les taux d’imposition gradués aux fiducies dont les bénéficiaires se qualifient au CIPH.

Les règles à respecter pour avoir le statut de FAPH sont toutefois strictes. La fiducie doit être une fiducie testamentaire qui a commencé à exister au décès et en raison du décès d’une personne. Elle doit résider au Canada pour l’année. Les bénéficiaires doivent être désignés nommément dans le testament. Le formulaire prescrit est produit en même temps que sa déclaration de revenus T3, conjointement avec son ou ses bénéficiaires « optant » et doit indiquer le numéro d’assurance sociale de chacun d’eux. Il ne peut exister qu’une seule FAPH pour un bénéficiaire donné.

La fiducie qui perd son statut de FAPH est soumise à un système compliqué de recouvrement des impôts. Cela arrive lorsqu’aucun des bénéficiaires d’une année antérieure ne fait pas l’élection pour l’année en cours, la fiducie cesse de résider au Canada, une distribution de capital est faite en faveur d’un bénéficiaire qui n’est pas un des bénéficiaires « optant ». Quand le « bénéficiaire optant » décède, le solde du capital est distribué aux bénéficiaires résiduels. L’impôt de recouvrement s’applique sur le revenu accumulé dans la fiducie ayant été imposé aux taux gradués. Les fiduciaires ont intérêt à conserver des relevés détaillés des montants de revenus distribués et de ceux qui se sont accumulés dans la fiducie.

L’ARC a répondu à des questions sur la compatibilité du choix du bénéficiaire privilégié et celui de la FAPH. Il est possible de combiner les deux choix, le choix du bénéficiaire privilégié et celui de la FAPH ne s’excluent pas si tous les critères relatifs à chacun des choix sont remplis. Une fiducie créée avant 2016 peut être une FAPH si toutes les conditions sont respectées.

Fiducie de prestations à vie

Les articles de la loi permettant la création d’une FPV ont été promulgués le 26 juin 2013. La FPV veut faciliter l’utilisation des revenus et du capital d’une fiducie en faveur d’une personne souffrant d’une infirmité mentale.
La FVP est créée au décès d’un particulier. Le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait de ce contribuable souffrant d’une infirmité mentale, un enfant ou petit-enfant à sa charge en raison d’une infirmité mentale. L’infirmité doit être attestée par un médecin mais l’admissibilité au CIPH n’est pas requise.

La FPV est une fiducie personnelle prévoyant que durant la vie du bénéficiaire, lui seul peut recevoir une partie du revenu ou du capital de la fiducie ou autrement en obtenir l’usage. Il n’est pas nécessaire que le bénéficiaire ait le droit de recevoir tout le revenu de la fiducie. Les fiduciaires sont autorisés à prélever des sommes sur la fiducie. Ils ont l’entière discrétion de décider de verser des montants. Ils sont tenus de prendre en considération les besoins de la personne handicapée. La valeur des régimes enregistrés du décédé y est transférée conformément au sous-alinéa 60l)(ii) L.I.R., à condition d’acquérir une « rente admissible de fiducie ». C’est la seule exception permettant à une fiducie de détenir des actifs provenant d’un régime enregistré de retraite en continuant à différer les impôts sur les revenus accumulés.

La rente peut être viagère avec ou sans période de garantie ou une rente à terme fixe égale à la différence entre 90 ans et l’âge du bénéficiaire au moment de l’acquisition. Les arrérages de rente sont payés à la FPV.
Pour que le transfert direct soit complet, le montant utilisé pour acquérir la rente est inclus dans le revenu imposable du bénéficiaire et est déduit en vertu de l’alinéa 60l) L.I.R. L’impôt futur sur les revenus générés par la rente est à la charge du bénéficiaire et non de la fiducie. Cette particularité doit être prise en compte lorsque la personne infirme reçoit des prestations d’aide gouvernementale.

Au décès du bénéficiaire, les conditions du contrat de rente doivent prévoir que le solde commué de la rente soit versé à la fiducie en un seul versement. La flexibilité de la FPV permet à l’auteur de désigner les personnes qui pourront recevoir la valeur de la rente commuée nette après impôts. Le solde commué de la rente est imposé dans les mains du bénéficiaire décédé.

Conclusion

Le présent texte se veut un survol de la planification pour les personnes ayant des besoins spéciaux. Le vrai défi consiste à concilier une série de conditions et de règles qui très souvent se contredisent l’une l’autre.

Article paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 22, no 1, mars 2017.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Hélène Marquis.