Un homme d'affaires avec un ordinateur assis sur un bloc jaune dans le ciel. On voit également un signe de dollar, dans une bulle derrière lui.
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On peut faire des stratégies de levier avec plusieurs catégories d’actifs : valeurs mobilières, immobilier, assurance vie, etc.

Caractéristiques du levier en assurance

Utiliser une assurance vie comme garantie pour un prêt se distingue des autres actifs qu’on pourrait utiliser, car le rendement des placements dans le contrat d’assurance vie exonéré n’est pas imposable durant la période d’accumulation et est totalement exonéré lors du versement de la prestation de décès.

Ainsi, si l’emprunt contracté par le titulaire sert à gagner un revenu d’une entreprise ou d’un bien, l’intérêt sur le prêt pourrait être déductible bien que le rendement dans le contrat d’assurance ne soit pas imposable s’il n’a pas fait l’objet d’un retrait.

Quoique la police d’assurance dans son ensemble (capital-décès et valeur de rachat) soit cédée en garantie du prêt, l’institution financière considère en général qu’entre 50 % et 100 % de la valeur de rachat pourra être utilisée comme valeur de garantie. Cependant, le client pourrait emprunter davantage s’il offre des sûretés additionnelles en garantie.

L’emprunt permet de récupérer des liquidités autrement immobilisées dans le contrat d’assurance.

Développement des stratégies de levier au fil des réformes fiscales

Utiliser une assurance vie comme garantie pour un prêt n’est pas nouveau. Déjà, dans les années 1980, un important assureur développait le « Plan d’assurance retraite » qui permettait d’accéder aux valeurs accumulées dans une assurance vie en cédant celle-ci à une institution financière afin de se procurer un revenu de retraite. Une version existait aussi pour les sociétés, sous forme de prêt à la société ou directement à l’actionnaire, lequel comporte dorénavant des considérations fiscales additionnelles.

Une stratégie, comme le 10/8, a aussi connu ses heures de gloire à la fin des années 1990 jusqu’en 2013. Elle permettait d’utiliser 100 % de la valeur de rachat du contrat comme garantie. Il y avait un élément de sécurité additionnel pour l’emprunteur, car l’assureur garantissait au client l’écart de taux entre le rendement du contrat et le taux d’intérêt du prêt. Ces contrats ont été modifiés pour respecter le changement dans la Loi de l’impôt sur le revenu entré en vigueur en 2013. Une variante de la facilité de crédit est apparue entre 2013 et 2018 afin de respecter les nouvelles règles; ainsi les clients n’étaient pas obligés d’emprunter pour bénéficier du taux de rendement du compte stabilisé, auparavant uniquement offert à ceux qui contractaient un emprunt. Cette possibilité a cessé en 2018.

Plusieurs de ces stratégies étaient présentées dans leur ensemble et moins d’attention était accordée aux caractéristiques du produit ainsi qu’aux conditions du prêt.

Dorénavant, on doit donc analyser chacun des éléments séparément :

  • Le contrat d’assurance : flexibilité, frais de gestion, choix de placements, coût d’assurance et historique de rendement.
  • Le prêt en garantie : pourcentage de couverture du prêt, flexibilité en cas de fluctuation des rendements, taux d’intérêt, période et clauses de rappel.
  • La viabilité du concept : souvent la stratégie sera illustrée en fonction d’un taux d’imposition des placements de 50,27 % pour la durée de la transaction. Cela sous-entend que le client a déjà des revenus de placement importants et qu’ils sont prévisibles et à long terme.

S’il est intéressant d’utiliser le financement pour améliorer les flux monétaires associés à l’achat d’une assurance vie, il ne faut pas que les avantages fiscaux viennent aveugler l’acheteur relativement à la transaction financière qu’il est en train de réaliser.

À qui s’adressent ces stratégies? En premier lieu, elles sont destinées à un client qui a un besoin important d’assurance vie permanente, à des fins de financer l’impôt payable au décès ou à des fins d’équilibre du patrimoine. Généralement, ce genre d’arrangement convient à des entrepreneurs qui soit ont assemblé un portefeuille de placements importants, soit ont des placements à la suite de la vente de leur entreprise.

Deux conditions sont essentielles pour un succès à long terme. Il faut que les revenus imposables de l’emprunteur soient prévisibles, et ce, pour une longue période de temps. De plus, si l’emprunteur est une société par actions, celle-ci devra exister jusqu’au moment du décès et ne devra pas faire l’objet d’un transfert de propriété. Il n’est donc pas recommandé d’implanter cette stratégie dans une société qui pourrait faire l’objet d’une vente telle qu’une société en exploitation.

Il ne faut pas non plus passer sous silence la réticence de certains clients à capitaliser des sommes importantes dans un contrat d’assurance. Le prêt en garantie permet, d’une certaine façon, de réutiliser ces sommes à des fins d’investissement.

L’emprunteur doit donc prendre certaines précautions et suivre les étapes recommandées.

  • Le dépôt total doit être effectué à partir de liquidités existantes.
  • Les intérêts du prêt doivent être payés. Les intérêts contractés pour payer des intérêts déductibles sont aussi déductibles.
  • C’est l’utilisation des sommes reçues de l’emprunt qui indiquera si les intérêts sont déductibles.
  • Le titulaire doit être averti que pour profiter d’une déduction des intérêts ainsi que d’une partie du coût net d’assurance pure (CNAP), il doit avoir des revenus au moins aussi importants que les déductions générées par le concept.

Sensibilité

Pour qu’une stratégie fonctionne, il faut déposer la prime maximale permise par les règles d’exonération dans le contrat d’assurance, que ce soit une vie universelle ou une vie entière.

La banque pourra prêter entre 90 % et 100 % de la valeur de rachat si celle-ci a un rendement minimum garanti (par exemple 0 %). Ce pourcentage de couverture diminue à 50 % et moins si le client choisit une vie universelle avec des placements indiciels.

Dans les cas de financement du dépôt total, il y aura un déficit de couverture dans les premières années, car la valeur de rachat sera moindre que le dépôt. Selon la situation financière du client et l’importance du contrat, la banque pourra exiger une garantie additionnelle.

Le plus grand risque d’une stratégie de levier est de l’offrir à quelqu’un qui n’est pas qualifié. Les points essentiels à vérifier sont les suivants :

  • La capacité de débourser la prime totale plus les intérêts chaque année pendant le terme de dépôt prévu;
  • L’emprunteur devra utiliser les fonds empruntés à des fins admissibles. S’il emprunte à des fins de placement, il devra investir les fonds dans un compte de placements différent de son compte d’origine. Cette précaution permettra de faciliter le « retraçage » afin de conserver les bénéfices de déduction des intérêts. Le client doit être au fait que le compte doit demeurer investi dans des placements admissibles aussi longtemps qu’il voudra déduire les intérêts du prêt;
  • Si le client contracte un emprunt à des fins de placement, mesurer la capacité de celui-ci à maintenir le compte dédié en placements afin de générer du revenu de placements imposable (50,27%);
  • Il faut prêter attention au montant du prêt dans le choix final de la stratégie;
  • La capacité du client à maintenir la stratégie même s’il y a une fluctuation des taux d’intérêt;
  • Les lois provinciales et fédérales empêchent les conseillers et les assureurs de manipuler la tarification des contrats d’assurance. Un conseiller ne peut donc offrir un programme unique ou exclusif. C’est la capacité d’adapter le programme à la situation du client ainsi que le service et la coordination du financement qui permettent à un conseiller de se distinguer des autres. Le client devrait se méfier d’un conseiller exigeant la signature d’une entente de confidentialité.

Quels sont les avantages du levier?

Prenons l’exemple d’une personne de 60 ans (homme non fumeur) qui a une facture successorale estimée à 10 M$ et qui souhaite mettre des placements de côté, lesquels sont détenus dans sa société de gestion, afin d’accumuler les sommes requises au moment de son décès. Sa société devra faire des placements aujourd’hui de 6 350 000 $ afin que le dividende net soit suffisant pour payer la facture d’impôt.

Si elle décide plutôt de souscrire une assurance vie de type temporaire 100 ans, son coût net actualisé diminuera à 3 750 000 $, principalement grâce au fait que sa société puisse payer un dividende non imposable à partir du compte de dividendes en capital (« CDC »).

Si elle souscrit une assurance vie payable en 10 ans, son coût actualisé sera de 5 100 000 $ (vie universelle). Par contre, au moment du décès, le capital-décès payable aura augmenté à 15 M$, soit un gain de 5 M$.

Finalement, si elle cède son contrat d’assurance auprès d’une banque afin d’obtenir un prêt et investit cet argent à des fins admissibles, son coût net sera réduit à 2 350 000 $. En plus, la société aura un crédit additionnel au CDC de 8 M$, lequel permettra de verser un dividende non imposable aux actionnaires.

Que ce soit sous la forme d’une assurance temporaire 100 ans ou de structures plus complexes comme le prêt de financement immédiat, la solution d’assurance sera plus rentable que se constituer un portefeuille en parallèle. Afin d’en arriver à une décision éclairée, le client doit prendre connaissance des différentes solutions et établir sa zone de confort devant les fluctuations des taux d’intérêt. La solution finale devra être préparée en fonction de la situation financière et fiscale du client.

Gilles Chevalier, Pl. Fin., Conseiller en sécurité financière, Président, Engel, Chevalier – Protection du patrimoine inc., gilles@engelchevalier.com

Ce texte a paru initialement dans le magazine Stratège de l’APFF, vol. 24, no 3, du mois de septembre 2019.