Quatre hommes d'affaires autour de trois pièce de puzzle, songeant à une fusion.
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Depuis le début de l’automne, il y a eu dans la Belle Province une augmentation notable de fusions et acquisitions (F&A) parmi les petites entreprises. À ce jour, plusieurs sociétés québécoises ont été acquises moyennant des primes intéressantes par des fonds de capital-investissement et des investisseurs stratégiques. Que savent-ils que les autres investisseurs ignorent?

Depuis quelque temps, dans nos commentaires et nos webinaires, nos gestionnaires de portefeuille n’ont cessé de faire l’apologie de l’attrait de certaines entreprises qui présentent une divergence marquée entre leur valeur intrinsèque et leur valeur marchande. Ainsi, les investisseurs avisés et ceux profitant d’une asymétrie d’information sur ces entreprises québécoises de qualité et bon marché, notamment à l’égard de leurs attributs risque-rendement fort alléchants et de leurs rendements possiblement élevés à l’avenir, n’hésitent pas à délier les cordons de la bourse pour conclure des ententes.

La liste des récentes transactions couvre une large gamme de secteurs et d’industries allant des semi-conducteurs (Opsens) au traitement des eaux (H2O Innovation) en passant par les terminaux maritimes (Logistec). D’où vient ce soudain intérêt des investisseurs?

Plusieurs raisons expliquent cette hausse des ententes, qui selon nous continueront de se multiplier à l’avenir. Premièrement, l’écart de valeur entre les petites et les grandes entreprises n’a jamais été aussi prononcé. En novembre 2023, le S&P 500 avait progressé de 17 % au cours de l’année contre seulement 2 % pour le Russell 2000. Les investisseurs ont fini par le remarquer.

Deuxièmement, en présence d’une demande refoulée, la rencontre entre acheteurs et vendeurs motivés s’opère sur des bases plus favorables. Les fonds de capital-investissement disposent de beaucoup d’argent, 2,5 billions $ ni plus ni moins, et les vendeurs se résignent au fait que nous ne sommes plus en 2020, mais bien en 2023, et que la valeur des entreprises doit être établie en conséquence.

Les actionnaires frustrés et l’activisme grandissant pressent les conseils d’administration de libérer de la valeur, ce qui rend les entreprises plus réceptives aux offres présentant une prime par rapport à leur prix actuel sur le marché. Les initiés ayant l’avantage de l’asymétrie d’information cherchent à tirer parti de cet environnement. Par exemple, l’acquisition finale de Magnet Forensics et les offres actuelles de H2O Innovation et Q4 Inc. relèvent en réalité de rachats effectués par des sociétés de capital-investissement, encouragés par la direction et dans le cadre desquels les initiés ont pu ou pourront transférer leurs intérêts vers l’entreprise privatisée. Aimia Inc. fait également l’objet d’une OPA hostile de la part de son principal actionnaire, Mithaq Capital, et le sujet de querelles parmi les initiés.

Le contexte favorise un grand nombre de stratégies, comme celles de nos fonds d’actions axés sur les petites entreprises qui renferment plusieurs PME se négociant très au-dessous de notre estimation de leur valeur intrinsèque ou de leur cours sur le marché privé. Nos fonds d’arbitrage bénéficient eux aussi d’un vent arrière clément sachant que les ententes de F&A dans notre univers de prédilection, celui des petites sociétés, représentent nos positions les plus importantes et nos plus grandes sources de rendement.

Il y a sur le marché plusieurs facteurs exceptionnels qui rendent les F&A à petite capitalisation particulièrement alléchantes en ce moment :

  • Les entreprises à petite capitalisation bénéficient d’un imposant bassin d’acheteurs regroupant les acheteurs stratégiques, les rachats par la direction, les fonds de capital-investissement, les fonds de retraite, les fonds souverains et les consolidateurs du secteur;
  • Le marché final des petites entreprises est habituellement intérieur ou transfrontalier. Il s’agit là d’une caractéristique non négligeable dans un contexte d’incertitude géopolitique qui pousse les gouvernements à promouvoir le rapatriement de l’approvisionnement;
  • Les conditions de financement demeurent problématiques à cause des taux croissants, notamment pour les fusions à grande capitalisation et les achats à effet de levier pour lesquels il faut un important consortium financier. Les acquisitions plus modestes sont nettement plus faciles à financer au comptant et avec des alternatives de financement plus flexibles;
  • Il y a plusieurs PAPE datant de 2020-2021 qui se négocient bien en dessous du prix de leur PAPE. Même si elles ont une croissance positive et des données fondamentales attrayantes, plusieurs de ces entreprises auront du mal à attirer de nouveaux investisseurs issus du marché public en raison d’idées préconçues désuètes. Plusieurs investisseurs ayant été échaudés craignent l’eau froide. Ces entreprises peuvent constituer des cibles intéressantes en matière de rachat par des initiés.
  • Bien que l’environnement réglementaire demeure hostile, tant au Canada qu’aux États-Unis, les fusions plus modestes sont moins susceptibles que les plus importantes d’être contestées par les régulateurs.
  • En période de ralentissement économique, les acheteurs stratégiques cherchant à acquérir leurs concurrents pour des questions d’échelle et de synergie sont plus en mesure de se battre et de négocier des prix avantageux.