Plusieurs traits qui rebondissent sur le sol.
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Les activités de fusion et acquisition (F&A) ont atteint un creux en dix ans l’année dernière avec l’équivalent de 2,9 billions de dollars en ententes annoncées, ce qui représente un déclin de 17 % par rapport à l’année précédente.

Les négociateurs sont demeurés pour la plupart sur la ligne de touche devant l’inflation élevée, la hausse des taux d’intérêt, le scrutin plus poussé des autorités réglementaires et l’incertitude du marché, tandis que les vendeurs potentiels ont espéré toucher les valorisations bien fournies d’antan.

On a constaté une baisse notable de l’activité des acheteurs en capital-investissement (CI) l’année dernière alors que celle-ci représentait près d’un quart de toutes les acquisitions au cours des deux années précédentes. Cette activité a été ralentie par le resserrement des conditions de financement et la hausse des taux d’intérêt qui a pesé sur leur capacité à réaliser des achats par emprunt. Au Canada, on a dénombré 441 transactions menées à bien en 2023, la plupart étant des entreprises qui se jumelaient bien à une autre entreprise au sein d’un portefeuille de CI.

Les sociétés de CI ont trouvé une façon de continuer à réaliser des ententes en contexte de taux élevés en se procurant un enjeu minoritaire dans les entreprises, ce qui leur permettait de préserver le capital (vu que la somme était plus petite) et permettait également aux actionnaires des entreprises cibles de conserver leur participation advenant une reprise des cours.

Certaines zones ont toutefois brillé plus ardemment que d’autres.

Les entreprises des secteurs industriel et des marchandises ont profité d’une reprise des activités puisque l’inflation a en fait avantagé bon nombre de ces entreprises qui ont incidemment cherché à étendre leurs opérations pour améliorer leur efficacité.

Le secteur de l’énergie prenait la tête du peloton sur le plan des F&A avec plusieurs méga opérations de fusion annoncées au cours du second semestre, les ententes dans la région de schiste du Permien aux États-Unis dépassant les 100 milliards de dollars (G$).

Bien que les F&A du secteur technologique ont chuté dans l’ensemble, deux grandes ententes – soit l’acquisition d’Activision Blizzard par Microsoft Corp (NASDAQ : MSFT) moyennant 69 G$ et l’achat de VMware par Broadcom Inc (NASDAQ : AVGO) en contrepartie de 61 G$ – ont abouti.

On a également constaté une reprise des affaires de F&A dans le secteur des soins de la santé où des douzaines d’ententes de fusion entre entreprises biotechnologiques et pharmaceutiques ont été annoncées; les grands fabricants de médicaments frôleront, au cours des dix prochaines années, un gouffre en ce qui a trait aux brevets, aussi celles-ci sont fortement motivées à renflouer et étendre leurs portefeuilles de médicaments sous brevets.

Malgré les défis de 2023, le rebondissement du dernier trimestre a redonné bon espoir aux investisseurs quant aux mois à venir.

En 2024, les négociateurs sont plus aguerris et se sont adaptés au nouveau contexte en ayant recours à des ententes plus structurées afin de faire contrepoids aux risques. Parmi elles, notons l’utilisation de clause d’indexation sur les bénéfices futurs, de droits à valeur conditionnelle, d’exclusions et de scissions.

Un nombre croissant d’ententes sont également structurées pour incorporer une portion ou le montant total en actions plutôt qu’en liquidités seulement. En règle générale, l’acquéreur structure une transaction en espèces lorsqu’il dispose de suffisamment de liquidités ou d’un accès au financement et qu’il est prêt à assumer tous les risques, car il a une grande confiance dans sa capacité à réaliser des synergies ou des objectifs stratégiques au moyen de cette acquisition.

Devant les conditions financières plus étroites, particulièrement pour les ententes dans les secteurs d’activité qui requièrent beaucoup de capital, il devient plus commun de partager les risques et les récompenses avec les actionnaires.

Les vents contraires de l’année dernière pourraient devenir les vents arrière de cette année, aussi entamons-nous l’année 2024 avec optimisme en ce qui a trait aux perspectives de F&A et d’arbitrage sur fusion.

Suivant le ralentissement de l’inflation, les taux d’intérêt devraient, selon toutes attentes, diminuer, les entreprises s’adapter au contexte post-pandémique et la confiance des investisseurs revenir en force.

À la lumière de la conjoncture géopolitique et économique marquée au fer par l’incertitude, les entreprises plus futées sont en quête d’occasions pour assurer leur croissance future et se procurent les technologies et les capacités requises pour faire concurrence et éviter les perturbations.

Du côté des ententes, les indications venant tous azimuts des banques d’investissement, des conseillers et des initiés semblent mettre en relief la robustesse des ententes de F&A à venir.

La hausse boursière a redonné aux équipes de direction et conseils d’administration la confiance nécessaire pour réaliser des ententes comme en témoigne le nombre croissant d’entreprises qui ont entamé des pourparlers.

L’activisme des actionnaires s’accroît également, car ceux-ci, frustrés, souhaitent actualiser la valeur de leurs actions négociées à des prix fortement décotés par rapport à la valeur intrinsèque.

À l’approche de la saison des procurations, le moment est propice au remplacement des conseils d’administration inefficaces et, suivant le mécontentement accru des actionnaires, à l’arrivée d’acquéreurs opportunistes.

Sur le plan des placements axés sur l’arbitrage, les occasions sont également attrayantes sachant que le taux de rendement des transactions d’arbitrage sur fusion s’établit à plus de 10 % en moyenne pour les ententes nord-américaines. Il s’agit là d’une prime importante par rapport aux niveaux historiques et d’un écart significatif par rapport à celui des titres obligataires à rendement élevé.

Dans un milieu réglementaire plus hostile, les investisseurs en arbitrage ont maintenant une meilleure idée des ententes qui seront ciblées par les autorités. Après avoir enregistré une série de défaites, les autorités n’ont plus autant de ressources, ce qui limite le nombre de transactions qu’elles pourront activement cibler.

Donc, au vu des écarts prononcés, d’une plus grande visibilité pour évaluer les risques et d’un nombre potentiellement plus élevé d’ententes menées à bien, l’année 2024 pourrait se révéler très favorable aux produits d’arbitrage sur fusion.