peshkova / 123rf

En juin dernier, un fonds négocié en Bourse (FNB) était lancé par NightShares ETFs lequel vise à capter l’effet de nuit. Cette stratégie de gestion active consiste à acheter des titres ou un indice peu avant la fermeture des marchés, puis de les vendre le lendemain matin, à l’ouverture des marchés.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, cet effet de nuit serait la source d’une surperformance et d’une volatilité inférieure. « Nous ne savons pas pourquoi les rendements excédentaires de la nuit existent, mais le phénomène est robuste et il n’existe actuellement aucun autre bon moyen d’y accéder », décrivait récemment une étude de Banque Nationale Marchés financiers.

L’institution financière a voulu tester la faisabilité dans le marché canadien de cette stratégie et résume ses conclusions dans l’édition d’août du Market Microstructure Update, écrite par une équipe d’analystes financiers de Banque Nationale Marchés financiers, dont Patrick McEntyre.

« L’effet au Canada capté par un FNB est réel, robuste, mais non durable si les actifs sous gestion dépassent un certain seuil. La bonne nouvelle pour la version américaine est que, quel que soit ce seuil, il est beaucoup plus élevé que ce que nous verrions au Canada en raison des différences de liquidité sous-jacentes », lit-on dans l’étude de Banque Nationale Marchés financiers.

Différentes recherches ont documenté le phénomène de rendement excédentaire qui survient durant la nuit (acheter à la fermeture et vendre à l’ouverture) en comparaison avec le rendement durant le jour (acheter à l’ouverture et vendre à la fermeture des marchés), dont une étude de la Réserve fédérale de New York.

Les auteurs de l’étude ont voulu savoir si ce phénomène existe dans les marchés boursiers canadiens. Ils ont calculé des statistiques de rendement de jour et de nuit en utilisant les prix quotidiens du célèbre fonds iShares S&P/TSX 60 Index ETF (XIU) depuis 2010.

« Nos conclusions sont les suivantes : la période nocturne a eu des rendements supérieurs à la période diurne (rendement annualisé de 8,57 % contre -1,99 %) et un ratio de Sharpe supérieur de (2,02 contre -0,40) », écrivent les auteurs de l’étude.

De plus, la période nocturne présente beaucoup plus d’observations de rendements quotidiens proches de zéro et moins d’observations extrêmes, ce qui se traduit par un écart type annualisé des rendements plus faible pendant la période nocturne (4,25 % vs 4,94 %).

Donc en théorie, l’effet de nuit est significatif au Canada aussi. Cependant, est-il accessible en pratique? L’équipe de Banque Nationale Marchés financiers a constitué un portefeuille qui utilise les prix à l’ouverture et à la fermeture du XIU, avec des frais de gestion de 0,55 % par an. Depuis 2010, le rendement de cette stratégie a généré un rendement annuel composé 7,74 %, par rapport à la détention simple du FNB qui en a obtenu un de 6,40 %.

Pour mettre en œuvre cette stratégie, un gestionnaire naïf devrait vendre l’ensemble de son portefeuille à l’ouverture de la Bourse et le racheter entièrement à la clôture. « Ce faisant, il commencerait très rapidement à avoir un impact sur les prix d’ouverture et de clôture. Par conséquent, les coûts liés à l’exécution d’opérations quotidiennes massives grugeraient probablement les rendements assez rapidement. L’effet serait encore plus marqué à mesure que les actifs sous gestion de la stratégie augmenteraient », font valoir les auteurs de l’étude.

« Nous constatons qu’une fois que le fonds ayant un portefeuille tentant de capter l’effet de nuit atteint la marque de 22,5 millions de dollars (M$) d’actifs sous gestion, l’impact du prix (-3,4 pb à l’ouverture et -3,1 pb à la fermeture) dépasse le rendement excédentaire de l’effet nocturne, laissant une personne indifférente entre investir dans ce portefeuille ou avec le XIU au cours de la période », lit-on dans l’étude.

Si le fonds atteint un seuil de 45 M$ en actif, près de la moitié du rendement de la stratégie est effacé par les coûts de transactions.

Ainsi, le rendement n’est pas soutenable dans un contexte canadien, même s’il pouvait l’être dans un contexte américain, en raison de la liquidité supérieure de ce marché.

« En définitive, il ne faut pas en conclure que ces FNB sont irréalisables, mais plutôt que, si vous décidez d’y investir, il vaut mieux ne pas en parler à vos amis ! », lit-on dans l’étude.