Numéro 5 brillant avant fond sombre
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Les fonds communs de placement (FCP) continuent de régner sur l’industrie canadienne, même si les fonds négociés en Bourse (FNB) gagnent du terrain. À la fin juin 2025, les FCP représentaient près de 80 % du marché canadien des fonds d’investissement, révèle une analyse de Valeurs mobilières TD. L’actif sous gestion des FNB au Canada a beau avoir progressé en moyenne de 19 % par année depuis 2021, les FCP dominent toujours largement le marché.

En comparaison, chez les voisins du Sud, les FCP ont vu leur part de marché diminuer à 70 % de l’actif total du secteur des fonds d’investissement. La tendance est toutefois différente au Canada : pendant que les FCP ont enregistré des rachats nets aux États-Unis au cours des cinq premiers mois de l’année, ils ont affiché des ventes nettes au pays.

La différence entre FCP et FNB au Canada et aux États-Unis ne tient pas seulement aux investisseurs. Aux États-Unis les FNB profitent d’une offre plus diversifiée, de frais généralement plus bas et d’une visibilité médiatique plus forte. Au Canada, pourtant pionnier des FNB (le premier FNB y a vu le jour en 1990), beaucoup de conseillers continuent de recommander les fonds communs à leurs clients.

Voici différents facteurs qui expliquent la prédominance des FCP dans le secteur des fonds d’investissement, d’après le rapport de Valeurs mobilières TD.

  1. Le poids historique des réseaux

Jusqu’à la fusion de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) et de l’Organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières (OCRCVM) en 2023 pour créer l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI), l’accès aux produits dépendait fortement du réseau de distribution. L’ACFM regroupait environ 76 700 conseillers, dont la quasi-totalité distribuaient uniquement des FCP, contre quelque 32 000 conseillers de l’OCRCVM qui pouvaient offrir à la fois des FNB et des FCP. Résultat : plus de la moitié des actifs en fonds communs provenaient des clients de l’ACFM.

Aujourd’hui, cette empreinte perdure. Les conseillers issus du réseau ACFM continuent souvent de privilégier les FCP, par habitude, mais aussi pour des raisons opérationnelles. Ces produits sont en effet intégrés depuis longtemps aux systèmes bancaires, alors que la distribution de FNB exige des infrastructures technologiques reliées directement aux Bourses et plateformes boursières. Pour les petites firmes, l’adaptation reste coûteuse et complexe.

  1. Mode de rémunération des conseillers

La façon dont les conseillers sont rémunérés par leurs clients exerce une influence sur les produits offerts. Deux modes de rémunération, offerts par les émetteurs de FCP, mais généralement pas disponibles chez les émetteurs de FNB, ont l’effet d’une mesure incitative à la distribution de FCP, selon Valeurs mobilières TD.

D’abord, il y a les commissions de suivi, versées annuellement aux conseillers tant que le client conserve son fonds et qui sont prélevées à même les frais de gestion du FCP.

« Les conseillers rémunérés à la commission continuent de bénéficier des commissions de suivi offertes par les émetteurs de fonds communs de placement. Par conséquent, ces conseillers sont susceptibles d’acheter des fonds communs de placement qui offrent ces commissions », lit-on dans le document.

La seconde mesure incitative est les frais d’acquisition initiaux (front-end load), qui sont prélevés au moment où un client achète un FCP. Celle-ci est encore permise et continue d’orienter certains conseillers vers les fonds communs pour cette raison.

Les conseillers qui offrent des FNB facturent généralement à leurs clients directement des honoraires basés sur l’actif géré. L’adoption de ce mode de rémunération est susceptible de favoriser l’utilisation de FNB.

  1. La simplicité des plans automatiques

Autre atout : les FCP s’intègrent facilement aux programmes d’épargne systématique automatisés, comme les régimes de réinvestissement des dividendes (DRIP) et les plans de prélèvement préautorisé (PPP). Ces outils favorisent l’épargne des ménages sans générer de frais supplémentaires. L’offre demeure plus limitée pour les FNB et dépend de la technologie utilisée par les courtiers. Pour beaucoup d’investisseurs, les FCP restent donc synonymes de simplicité.

  1. Régimes de retraite et fiscalité

Les FCP occupent aussi une place importante dans les régimes de retraite collectifs. La plupart des administrateurs n’ont pas encore adapté leurs systèmes aux FNB, et l’absence d’actions fractionnées complique l’intégration de ces produits. Par ailleurs, sur le plan fiscal, après des décennies de détention dans un compte non enregistré, vendre un FCP peut entraîner la réalisation d’importants gains en capital. Beaucoup d’épargnants préfèrent donc conserver leurs fonds, même au prix de frais plus élevés.

  1. La diversité de l’offre

Avec plus de 4 500 FCP au Canada contre 1 700 FNB, les investisseurs disposent d’un choix beaucoup plus vaste de FCP, notamment en gestion active ou dans des stratégies spécialisées. Certaines expositions de niche ou sur les marchés émergents restent encore difficiles à reproduire avec des FNB, signale VMTD.

Cette domination des FCP parmi les fonds d’investissement n’est toutefois pas éternelle. Selon Valeurs mobilières TD, plusieurs tendances pourraient réduire à terme l’attrait des FCP : l’intégration progressive de l’OCRI, qui facilitera l’accès aux FNB pour d’anciens conseillers de l’ACFM, la montée du modèle de tarification des conseillers à honoraires, la préférence des jeunes investisseurs pour la transparence et les plateformes numériques, ainsi que l’évolution technologique des canaux de distribution.

À mesure que les pratiques s’harmoniseront et que les nouvelles générations d’investisseurs prendront le relais, les parts de marché des fonds communs pourraient s’éroder. Pour l’instant, les FCP tiennent encore solidement les rênes.