Femme concentrée sur des documents financiers devant un écran d’ordinateur.
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L’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) affirme attendre les commentaires de l’Agence du revenu du Canada (ARC) avant de passer à l’étape suivante de son projet de modèle élargi d’incorporation des conseillers. De son côté, l’ARC soutient que le dossier ne relève pas de sa compétence, tandis qu’une représentante de l’industrie qualifie le sujet de « patate chaude ».

À l’heure actuelle, les représentants de fonds communs (sauf en Alberta) peuvent faire transiter une partie de leurs revenus par une société afin de bénéficier de taux d’imposition préférentiels, mais les représentants de courtiers en placement n’ont pas cette possibilité. L’OCRI tente de résoudre ce problème de longue date dans le cadre de ses efforts pour harmoniser les règles applicables aux courtiers en fonds et en valeurs mobilières au Canada. Plus tôt cette année, son chef de la direction, Andrew Kriegler, s’était dit optimiste de pouvoir trouver une « voie à suivre ».

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Dans un avis récent, l’organisme d’autoréglementation a fourni une mise à jour sur ses travaux visant à développer un modèle permettant aux représentants d’utiliser des sociétés personnelles. L’OCRI y indique avoir soumis un mémoire à l’ARC en juillet, expliquant les raisons de sa démarche, les principaux éléments de la proposition ainsi que des questions liées aux considérations fiscales.

Parmi les prochaines étapes identifiées dans le rapport d’étape, l’OCRI précise attendre de recevoir les réponses et commentaires de l’ARC à propos de son mémoire avant de finaliser ses propositions et de les publier pour consultation publique.

Or, lorsqu’Advisor.ca a demandé des précisions à l’ARC au sujet de cette soumission, l’agence a répondu que la question de l’incorporation des conseillers ne relevait pas de son mandat.

« La question dont vous parlez concerne la politique fiscale et l’incorporation professionnelle, ce qui dépasse les responsabilités de l’ARC, a indiqué un porte-parole de l’agence dans une déclaration.
Nous recommandons de communiquer avec l’OCRI à ce sujet. »

« C’est une patate chaude »

Laura Paglia, présidente et chef de la direction du Forum canadien des marchés financiers (FCMFi), partage la position de l’ARC, selon laquelle l’incorporation des conseillers relève de l’OCRI et ne fait pas partie du mandat de l’agence fédérale.

« C’est une patate chaude », commente-t-elle en entrevue.

« Les exigences relatives à l’incorporation des professionnels sont établies et disponibles depuis des années par l’ARC. L’une des principales questions que pose l’ARC est : “Est-ce permis par votre législation ou votre organisme de réglementation ?” Ainsi, la question de l’incorporation stagne depuis quelque temps entre l’OCRI et, dans une certaine mesure, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). »

Interrogées sur les critiques liées aux retards dans le traitement de ce dossier de longue date, les ACVM ont renvoyé à leur mise à jour des marchés récente, où elles précisent qu’elles continuent de suivre les travaux de l’OCRI dans le cadre de leur supervision.

« Pour toute question supplémentaire, nous recommandons de contacter l’OCRI à ce sujet », a dit un porte-parole des ACVM.

L’OCRI, pour sa part, n’a pas répondu avant la publication de l’article.

Laura Paglia estime que l’évolution du dossier de l’incorporation a été inutilement retardée par des discussions sur le traitement fiscal potentiel et par un tiraillement entre les firmes favorables et celles opposées au modèle incorporé. Selon elle, il revient aux membres de l’OCRI et à leurs conseillers de déterminer la meilleure approche, et non à l’organisme de réglementation d’imposer un modèle uniforme.

Elle ajoute que le régulateur devrait chercher à favoriser la concurrence sur le marché canadien en uniformisant le traitement fiscal accordé aux conseillers.

« C’est un système inéquitable qui doit être harmonisé, et c’est un désavantage concurrentiel pour ceux qui souhaitent s’incorporer, mais à qui le régulateur refuse cette possibilité, soutient-elle. Ce dossier n’est pas compliqué. Ce n’est certainement pas nouveau. Ce n’est pas de la chirurgie du cerveau. »

Vers un terrain de jeu plus équitable

Matthew Latimer, directeur général de la Fédération des courtiers indépendants, estime que permettre à tous les conseillers de s’incorporer favoriserait l’harmonisation et la concurrence dans l’industrie.

« L’incorporation des conseillers existe depuis de nombreuses années sans avoir causé de préjudices connus aux investisseurs, rappelle-t-il par voie de communiqué. Nous croyons donc que l’OCRI devrait permettre aux personnes approuvées des courtiers en placement de s’incorporer d’une certaine manière, sans chercher à modifier la structure existante du côté des fonds communs. »

En plus d’attendre la réponse de l’ARC, l’OCRI devra obtenir l’approbation des ACVM pour sa proposition. Si celle-ci est approuvée, l’organisme prévoit de la mettre en œuvre dans un délai « adéquat », permettant aux courtiers et conseillers de s’adapter à ce modèle harmonisé.

« Le calendrier exact de ces prochaines étapes n’est pas encore connu, mais nous tiendrons les courtiers informés de l’avancement des travaux », assure l’OCRI dans son rapport d’étape.

— Avec du contenu de James Langton