Les fonds de série T : pas une panacée
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La caractéristique qui distingue cette série de fonds est qu’il existe une distribution cible et que le capital investi fait l’objet d’une distribution prioritaire aux clients détenteurs de parts. Les deux grandes catégories fiscales de fonds, soit les fonds constitués en fiducie et les fonds constitués en société par actions, offrent cette option. On verra souvent des fonds constitués en société offerts en série T afin, soi-disant, d’augmenter l’efficacité fiscale de ces derniers. Les conseillers ont ainsi l’impression d’«ajouter le glaçage sur le gâteau».

À l’aide d’un exemple, regardons la mécanique de distribution afin de bien comprendre comment fonctionnent ces fonds.

Supposons qu’un fonds commun de placement (constitué en fiducie) génère les revenus suivants, totalisant 7 %, au cours d’une année donnée :

0,2 % de revenu d’intérêt ;

0,3 % de dividendes de sociétés canadiennes ;

6,5 % de gain en capital, dont 0,6 % est réalisé et 5,9 % est reporté.

Comme il s’agit d’une fiducie, cette dernière ne se gardera aucun revenu imposable pour l’année. Elle attribuera donc, pour chaque unité détenue par notre client, 0,2 % d’intérêt, 0,3 % de dividendes déterminés, et 0,6 % de gain en capital (0,3 % de gain en capital imposable). Des feuillets seront ainsi émis à l’investisseur et il devra ajouter un montant imposable sur sa déclaration de revenus.

Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil… sauf que…

Le fonds a une politique de distribution annuelle de 5 % (en pratique, la limite inférieure d’une telle distribution est de l’ordre de 4 %, et la limite supérieure, de 7 %). Comme nous venons de le voir, le total des distributions énumérées est de 1,1 %. Il manque donc 3,9 points de pourcentage de distribution à notre fonds pour qu’il respecte son mandat.

Or, ces 3,9 points de pourcentage pourraient être puisés à même les 5,9 % de gain en capital reporté en disposant de suffisamment de titres pour être en mesure de compléter la distribution avec ce type de gain. On aurait ainsi une distribution finale de 0,2 % en intérêt, 0,3 % en dividendes déterminés et 4,5 % de gain en capital.

Au lieu de faire ce choix (qui génère une imposition hâtive), le gestionnaire du fonds de série T distribue ce qui manque sous forme de capital. Dans notre exemple, chaque unité aurait ainsi un rendement total de 1,1 % et un retour de capital de 3,9 %. On comprend donc que le prix de base rajusté (PBR) des unités est réduit pour notre investisseur. On reporte l’imposition du gain en capital à une date ultérieure, ce qui constitue souvent une bonne stratégie.

Un fonds ordinaire (non de série T) serait dans la même situation pour ce qui est du revenu imposable distribué, mais il n’a pas de politique de distribution à respecter, aussi l’investisseur ne recevrait que ses revenus de placement de 1,1 % et non une distribution de 5 %.

Cela peut sembler très intéressant lorsqu’on arrête l’analyse ici. Le problème est qu’il faut regarder au-delà d’un horizon à court terme.

L’impact à long terme

On comprend que si le PBR d’un investissement décroît chaque année, il se créé ainsi une «balloune» d’impôt latent et viendra un moment où il faudra payer cette facture fiscale. En effet, à compter du moment où le PBR devient nul, la distribution sera faite sous forme de gain en capital. Cela prendra plus ou moins de temps selon les rendements obtenus par le fonds.

Par exemple, un fonds constitué en société distribuant 7 % de capital chaque année (en supposant qu’il ne distribue rien d’autre) verrait son PBR réduit à néant après environ 14 ans. Pour le fonds de notre exemple, il est évident que le PBR prendrait plus de temps pour atteindre zéro.

De plus, si la distribution promise par le fonds est supérieure à son rendement total, y compris le rendement imposable distribué, on comprend que la valeur marchande du fonds décroît. Il y a donc un élément de risque sur ce plan. Certains gestionnaires, pour protéger le capital d’une décroissance trop rapide, vont se permettre d’ajuster la distribution en fin d’année.

Il existe aussi des fonds de série T dits «flexibles». C’est au client de donner ses instructions en début d’année et le gestionnaire utilisera ses fonds disponibles pour répondre à la demande du client. Par exemple, un client désirant 5,5 % de distribution verra possiblement son investissement échoir dans une série T de 7 % avec un réinvestissement de 1,5 % en fin d’année.

En fait, le problème des fonds de série T est le même que celui où une optimisation annuelle des revenus imposables est faite – lorsqu’on déclenche des revenus imposables jusqu’au seuil d’imposition nulle.

Lorsqu’on a pour objectif de reporter le plus possible les revenus imposables, l’avantage de l’économie fiscale à court terme est annulé à partir d’un certain seuil dans le futur. Par conséquent, lorsque votre client a des revenus relativement faibles pendant le décaissement, il est généralement préférable de ne pas opter pour des fonds de série T, car l’imposition au décès fait plus «mal», à partir de ce point, que l’impôt économisé au cours des années.

Lorsque le point de croisement est atteint, il faut redoubler d’efforts pour réduire les revenus imposables, mais les possibilités sont souvent moindres ; par exemple, les droits de cotisation au REER sont disparus. Au décès, une certaine flexibilité s’ajoute, mais il se peut qu’on ne fasse que reporter le problème.

Si votre client a une espérance de vie réduite, à cause de ses antécédents médicaux ou pour d’autres raisons, il peut être avisé de recommander de tels fonds, parce qu’il n’atteindra peut-être jamais ce point de croisement, qui varie d’une situation à l’autre.

En passant, sans faire une optimisation fiscale, vous pourriez illustrer la présence ou non de tels fonds dans le portefeuille de votre client et voir quel scénario est le plus favorable dans l’horizon de placement de ce dernier. Vous constaterez ainsi que, pour la succession, il est rare que les fonds de série T soient rentables, pour un âge de décès «normal» ou avancé.

Dans d’autres situations, cependant, lorsque les enjeux successoraux n’existent pas, ces fonds peuvent être une bonne solution, car il est vrai que, du vivant, l’impôt est souvent réduit. C’est le cas, notamment, des personnes désirant faire un don planifié ou de celles qui n’ont aucune préoccupation pour leur impôt au décès.

L’important, dans une telle situation, est de réduire l’impôt du vivant de votre client, particulièrement s’il existe des enjeux de liquidités, autrement dit, une possibilité que votre client épuise ses ressources financières avant la fin de sa vie. Mais dans ce cas, une rente viagère fait un bien meilleur travail qu’un fonds d’une série portant n’importe quelle lettre…

* Directeur, planification financière et fiscale, Centre financier SFL, Cité de Montcalm