
La quarantaine est souvent la décennie de la réflexion. La plupart des personnes dans cette tranche d’âge se questionnent sur leur vie professionnelle passée et future, révèle une nouvelle étude de l’Institut du Québec (IDQ). Au Québec, le contexte démographique actuel rend cette réflexion particulièrement cruciale, notamment en raison des futurs départs à la retraite.
« Nos décisions professionnelles après 45 ans dépendent de deux facteurs principaux : ce qu’on peut faire (nos compétences, les emplois disponibles, notre épargne-retraite) et ce qu’on veut faire (notre satisfaction au travail, l’ambiance avec les collègues, nos aspirations personnelles), explique Emna Braham, présidente-directrice générale de l’IDQ. Ces éléments s’influencent mutuellement et créent des parcours uniques où chaque choix — changer d’emploi, continuer à travailler ou prendre sa retraite — résulte d’une situation personnelle unique. »
Alors que les départs à la retraite devraient continuer d’excéder les entrées sur le marché du travail d’ici les cinq prochaines années, l’IDQ et le Comité consultatif pour les travailleuses et travailleurs âgés de 45 ans et plus (CC45+) se sont penchés sur la question. Le fruit de leur réflexion a été publié dans le rapport Les enjeux cachés de la mi-carrière : Portrait des travailleuses et travailleurs québécois de 45 ans et plus, publié avec la participation financière du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.
L’endettement et la santé jouent un rôle important
Comme on pouvait s’y attendre, l’endettement n’est pas étranger à la question du moment parfait pour prendre sa retraite. En 20 ans, soit entre 2005 et 2023, la dette médiane des 45-54 ans a triplé, résultat 55 % d’entre eux doivent encore rembourser un prêt hypothécaire contre 38 % en 2005. Cette situation retarde bien des départs à la retraite et creuse les inégalités.
En effet, les Québécois les plus aisés peuvent choisir le moment de prendre leur retraite alors que les autres sont forcés de continuer à travailler. Cette situation désavantage particulièrement les femmes qui ont des rentes de retraite 28 % inférieures à celles des hommes.
Outre les dettes, la santé est un autre facteur déterminant dans les décisions de fin de carrière. Bien que les départs pour raisons de santé aient diminué depuis 40 ans (12 % aujourd’hui contre 20 % en 1985), 26 % rapportent encore que ce sont des problèmes de santé qui les ont empêchés de prolonger leur vie professionnelle.
Une retraite plus hâtive pour les femmes
Généralement les femmes prennent leur retraite 18 mois plus tôt que les hommes. Plus frappant, 34 % des femmes de 45 ans et plus prévoient de quitter le marché du travail avant 60 ans, contre seulement 22 % des hommes.
D’autant plus que la quarantaine et la cinquantaine coïncident aujourd’hui avec une triple responsabilité :
- élever les enfants ;
- s’occuper des parents vieillissants ;
- faire progresser sa carrière.
Ces charges retombent la plupart du temps sur les femmes. En effet, durant la pandémie, près de trois fois plus de femmes que d’hommes de 45 ans et plus ont quitté leur emploi pour des raisons familiales. Une charge disproportionnée qui affecte la carrière, mais pèse aussi lourd sur leur retraite.
Et si les femmes ont travaillé fort pour combler les inégalités entre les sexes, à mi-parcours, leurs ambitions se heurtent encore à un plafond de verre tenace. En effet, alors qu’elles représentent 46 % des travailleurs de 45 ans et plus et qu’elles soient aujourd’hui aussi scolarisées que leurs homologues masculins, elles n’occupent que 34 % des postes de direction dans cette tranche d’âge.
Un autre problème survient pour les travailleurs de cette tranche d’âge : l’âgisme…
« Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les travailleurs de plus de 55 ans ne sont pas particulièrement menacés par l’automatisation, souligne Souleima El-Achkar, économiste principale à l’IDQ et coautrice du rapport. Ils représentent 24 % des emplois à risque, une proportion équivalente à leur part dans la population active (23 %). Ce sont davantage les préjugés des employeurs quant à leur capacité d’adaptation qui limitent leur accès aux opportunités de carrière. »
Aux vues des résultats de leur étude, Emna Braham suggère que « les politiques publiques et les pratiques organisationnelles [conjuguent] gestion des pénuries et épanouissement professionnel des travailleurs de tous âges ».