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La Banque du Canada a relevé mercredi son taux d’intérêt directeur de 100 points de base, lui imposant ainsi sa plus forte hausse depuis celle d’août 1998.

Cette décision de la banque centrale signale une approche plus dynamique pour tenter de freiner l’inflation, qui a atteint en mai un sommet 39 ans en s’établissant à 7,7 % sur une base annuelle. La cible de la Banque du Canada pour l’inflation est de 2,0 %.

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a expliqué que cette forte hausse des taux reflétait « des circonstances économiques très inhabituelles ».

« L’inflation est trop élevée et de plus en plus de gens s’inquiètent du fait que la forte inflation pourrait perdurer », a affirmé Tiff Macklem.

« Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. Le rétablissement de la stabilité des prix, une inflation faible, stable et prévisible, est primordial. »

Tiff Macklem a souligné que des taux d’intérêt plus élevés ajouteront aux difficultés auxquelles les Canadiens sont déjà confrontés avec la forte inflation, mais a fait valoir que si l’inflation s’enracinait, il serait plus difficile pour l’économie, et pour les Canadiens, de la faire reculer.

Dans son plus récent rapport sur la politique monétaire, la Banque du Canada a indiqué que l’inflation était « en grande partie due à des facteurs internationaux », mais que « les pressions qui proviennent de la demande intérieure (s’accentuaient) ».

La plupart des économistes s’attendaient à une hausse de trois quarts de point de pourcentage.

Tu Nguyen, une économiste du cabinet comptable et de conseil RSM Canada, a estimé que même si l’annonce des taux a pu surprendre, elle n’était pas déraisonnable compte tenu de l’inflation, de la hausse des attentes d’inflation et du marché du travail tendu.

« Aussi troublante que soit cette nouvelle pour les consommateurs et les entreprises, une récession à l’échelle de l’économie est encore peu probable en 2022 », a noté Tu Nguyen, ajoutant que les indicateurs économiques témoignaient toujours d’une économie saine.

Progression jusqu’à 3,25 % ?

Après avoir relevé le taux directeur d’un demi-point de pourcentage en juin, le gouverneur Tiff Macklem avait affirmé que la banque centrale « devrait peut-être agir plus rapidement » pour faire baisser l’inflation.

La hausse de taux de mercredi porte le taux cible du financement à un jour de la Banque du Canada à 2,50 %, ce qui devrait inciter les banques commerciales à relever leurs taux préférentiels. En conséquence, le coût des prêts liés à l’indice de référence augmentera, notamment les prêts hypothécaires à taux variable et les marges de crédit hypothécaires.

Dans une note, l’économiste Karyne Charbonneau, de la Banque CIBC, a estimé qu’il était désormais plus probable que la Banque du Canada augmente son taux directeur jusqu’à un sommet de 3,25 %.

« Avec la Banque du Canada qui qualifie cette hausse plus importante que prévu d’« accélération », nous croyons toujours qu’elle pourrait s’arrêter à 3,00 %, mais les probabilités que le pic atteigne 3,25 % ont augmenté », a expliqué Karyne Charbonneau.

La banque centrale a expliqué que les principaux moteurs de l’inflation mondiale étaient l’invasion russe de l’Ukraine et les perturbations continues de l’approvisionnement, et qu’ils entraînaient une hausse des prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires.

L’inflation aux États-Unis a atteint un nouveau sommet de quatre décennies en juin. Les prix à la consommation ont augmenté de 9,1 % par rapport au même mois l’an dernier, a annoncé mercredi le gouvernement.

Statistique Canada doit publier le 20 juillet ses données sur l’inflation du mois de juin au pays.

Gare aux attentes de forte inflation

Sur le plan intérieur, la Banque du Canada a souligné que la « demande excédentaire (avait) continué d’augmenter », évoquant des marchés du travail tendus et une forte demande.

Cette demande excédentaire permet aux entreprises de répercuter une plus grande partie de leurs augmentations de coûts sur les consommateurs, a observé la banque.

Le taux de chômage a reculé à un creux record de 4,9 % en juin, alors que les entreprises continuent de lutter contre une pénurie de main-d’œuvre persistante.

La banque centrale cite également des inquiétudes concernant la hausse des attentes d’inflation parmi les consommateurs et les entreprises. Les économistes s’inquiètent généralement lorsque les gens commencent à s’attendre à une forte inflation, car ces attentes se répercutent ensuite sur les prix futurs fixés par les négociations commerciales et salariales.

« La Banque s’efforce de prévenir le risque que l’inflation élevée s’enracine parce que, si ce risque venait à se matérialiser, il faudrait des taux d’intérêt encore plus élevés pour rétablir la stabilité des prix, et l’économie en serait davantage affaiblie », a indiqué la banque centrale dans son rapport sur la politique monétaire.

Dans ses prévisions, la Banque du Canada dit s’attendre à ce que la croissance du produit intérieur brut (PIB) commence à ralentir cette année, augmentant de 1,75 % en 2023 et de 2,50 % en 2024.

Elle prévoit également que l’inflation culminera à 8 % cette année et commencera à baisser vers la fin de l’année pour renouer avec son taux cible de 2 % en 2024.

Les projections de la banque centrale supposent qu’à l’échelle mondiale, les prix du pétrole diminueront progressivement et que les perturbations de la chaîne d’approvisionnement s’atténueront.

« (Le conseil de direction) juge encore que les taux d’intérêt vont devoir augmenter davantage », a affirmé la Banque du Canada dans sa décision, ajoutant que la cadence de ces hausses de taux dépendrait de l’évaluation de l’économie et de l’inflation par la banque centrale.