Que faire d'un « excédent » d'argent?

Les « quasi-espèces » quelles qu’elles soient offrent la sécurité et la liquidité de l’argent lui-même. Une mauvaise façon de compenser les rendements minables de l’argent liquide est d’acheter des obligations de courte durée et d’autres placements sur le marché monétaire, qui produisent souvent des rendements inférieurs à 1 %. Il est facile de trouver des comptes d’épargne à intérêt élevé ou des dépôts à terme qui fournissent de meilleurs rendements et sont entièrement assurés par la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC).

Si l’excédent d’argent en question est vraiment un excédent et qu’il brûle d’aller chercher un rendement ailleurs, ma réponse est plus compliquée. Le monde croule sous les liquidités. Les banques centrales ont réduit les taux d’intérêt réels au plus bas et aidé à huiler le système de crédit en acceptant des garanties de qualité inférieure, et dans certains cas elles achètent carrément des actifs.

Si vous croyez que les banques centrales maintiendront des taux d’intérêt faibles à long terme, la réponse logique est de placer cet argent dans les actions. Si vous pensez que les taux d’intérêt augmenteront plus vite que ne le prévoit le marché, le seul abri sûr est l’argent.

Généralement parlant, il y a trois alternatives pour placer cet excédent d’argent :

1) Conserver l’argent et espérer pouvoir exercer son option implicite d’achat dans l’avenir. La vraie valeur de l’argent est sa capacité d’acheter des actifs bon marché durant les périodes difficiles. Mais la plupart des investisseurs n’ont pas le cran et la patience de faire ça.

2) Investir dans des « bêtas » ou catégories traditionnelles d’actifs. Toutefois, presque tout est relativement coûteux. Une exception notable : les actions des marchés émergents. Ces marchés semblent à leur juste prix. Dans ses prévisions septennales sur le rendement des catégories d’actifs publiées dernièrement, la compagnie bostonienne de gestion de portefeuilles mondiaux GMO a identifié les actions des marchés émergents comme la meilleure occasion d’obtenir les rendements les plus élevés possibles.

3) Investir dans des « alphas », ou rendements excédentaires provenant de stratégies basées sur les compétences. En théorie, l’offre d’alpha ne dépend pas des évaluations boursières. Les investisseurs talentueux peuvent se surclasser en tirant profit d’une sous-estimation relative.

Le premier choix — garder l’argent — a fait s’effondrer de nombreux portefeuilles. Les investisseurs qui ont gardé leur argent ces quatre dernières années en attendant un ressac ont pour le moins scié la branche où ils étaient assis. Toutefois, je pense qu’un avoir modéré d’argent liquide est un choix raisonnable en ce moment, étant donné le niveau élevé des évaluations et la possibilité croissante de voir se produire quelque chose de de terrible et d’inattendu. C’est pour ces raisons que j’ai gardé environ 10 % des portefeuilles modèles de ETFInvestor en argent et, contrairement à beaucoup de mes abonnés, j’envisage d’augmenter encore davantage mes liquidités.

Le second choix — investir dans les catégories traditionnelles d’actifs — est en fait une mise implicite une faiblesse persistante des taux d’intérêt. Tous les prix sont établis en fonction des taux d’intérêt courants. Si contre toute attente ils augmentent, toutes choses égales par ailleurs, le prix de tous les actifs qui apportent des flux de trésorerie chuteront. Parce que les taux sont si bas, de petites augmentations nuiront davantage au prix des actifs qu’une augmentation équivalente en temps plus normaux. De tous les bêtas, les actions des marchés émergents sont parmi les moins chères. Elles rapportent environ 3 % et offrent le potentiel d’augmenter pas mal leurs dividendes.

L’option finale, investir dans l’alpha, est pour la plupart un jeu de dupes. Certains font l’erreur de croire qu’ils peuvent compléter la faiblesse des rendements attendus, soit en investissant plus dans des fonds activement gérés, soit en contrôlant davantage leurs portefeuilles. Les marchés ne vont pas devenir plus faciles à battre simplement parce que l’on a désespérément besoin de compenser des rendements inférieurs. Que les évaluations soient élevées ou faibles ne devrait pas influer sur la décision d’investir dans des alphas. Si on est en position avantageuse, on devrait l’exploiter le plus dynamiquement possible, quels que soient le rendement attendu des bêtas. Si on ne le faites pas, on devrait éviter les mises sur les alphas.

Ma meilleure idée est d’envisager de prendre une hypothèque à taux fixe sur 25 ans et acheter une propriété, à un prix raisonnable, bien sûr. Warren Buffett dit que l’investissement le plus stupide à l’heure actuelle est une obligation gouvernementale à long terme. Si c’est le cas, le placement le plus intelligent est de vendre ce placement à découvert — en empruntant beaucoup d’argent à un taux fixe et à long terme.

En décembre dernier, j’ai d’abord fortement recommandé aux abonnés d’acheter une maison, à condition qu’ils doivent et puissent le faire sans dépasser leurs moyens financiers. Mon conseil tient toujours. Une hypothèque à taux fixe sur 25 ans a plusieurs qualités attrayantes. D’abord, le taux d’intérêt réel attendu du prêt, une fois l’inflation prise en compte, est très faible. Deuxièmement, une hypothèque à long terme est une couverture naturelle contre l’inflation, et dans une moindre mesure, une couverture contre l’augmentation des taux réels d’intérêt.

Troisièmement, une hypothèque à long terme n’est pas remboursable par anticipation. Il n’est pas nécessaire de payer des sommes phénoménales sous l’impulsion du moment (habituellement le pire moment possible) pour satisfaire les appels de marge d’un prêteur. On peut surmonter les pertes d’une évaluation au prix du marché sans avoir à liquider des actifs à des prix bradés. Pour ces raisons, une hypothèque est un levier financier plus sûr qu’un emprunt investi dans des actions.

Si on a déjà une hypothèque, il est préférable de prendre tout son temps pour la rembourser. Si la situation financière du client est solide et que que ses enfants sont de jeunes adultes avec des emplois stables et un bon historique de crédit, suggérez à vos clients d’aider leur progéniture dès maintenant à verser un acompte pour acheter une maison, plutôt que de le faire seulement dans leur testament.

Photo Bloomberg