Une femme devant un ordinateur. En transparence on voit pleins d'applications technologiques, comme un logiciel de reconnaissance d'empreinte, etc.
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Bien que les clients adoptent plus que jamais les technologies dans leurs habitudes de consommation, les tentatives des acteurs du milieu financier en matière de numérique pour répondre à leurs attentes pourraient échouer.

Ainsi, certaines entreprises créent des technologies simplement parce qu’elles le peuvent, sans tenir compte des besoins et des attentes réels du client, ce qui à long terme, pourrait leur coûter cher.

Un choc technologique

Aujourd’hui beaucoup d’outils et de technologies ont été mis en place et sont offerts aux consommateurs. Toutefois, les modèles d’affaires, eux, ont évolué beaucoup moins rapidement, ce qui donne lieu à un « choc technologique », comme l’appelle Patrick Raimondi, directeur général, Services financiers chez Accenture en entrevue avec Finance et investissement.

« Les façons de faire n’ont pas assez évolué contrairement aux orientations clients. Celles-ci ne sont pas supportées à travers la façon dont les entreprises évoluent dans le marché », précise-t-il.

Pour se remettre sur les bons rails, les entreprises doivent prendre conscience de ce choc, être capables de comprendre les limites du modèle actuel et faire les changements appropriés, selon Accenture.

Dans son nouveau rapport annuel, Vision technologique d’Accenture 2020, l’entreprise internationale de conseil et de technologies cible cinq grandes tendances que les entreprises doivent exploiter au cours des trois prochaines années pour désamorcer ce choc technologique.

1) Une expérience personnalisée

Pour ne pas être dépassées, les entreprises vont devoir évoluer vers des modèles centrés sur le client et transformer la relation entre l’entreprise et le consommateur en véritable partenariat, affirme Patrick Raimondi.

« Les organisations devront concevoir des expériences personnalisées qui amplifient la faculté d’agir et les choix d’une personne. Cela permettra de convertir les auditoires passifs en participants actifs en transformant les expériences à sens unique, qui donnent aux gens le sentiment de ne pas avoir de pouvoir ni d’influence, en véritables collaborations », peut-on lire dans le communiqué d’Accenture.

Jusqu’à maintenant, les entreprises privilégiaient un modèle transactionnel : j’ai un produit, je te le vends. Dans ce modèle de partenariat conseillé par Accenture, le client pourrait donner ses préférences. Le but serait de davantage le responsabiliser, appuie Patrick Raimondi.

Celui-ci aurait l’opportunité de communiquer ses besoins réels auxquels l’entreprise devra répondre. Cela pourrait aussi passer par un échange. Par exemple, les institutions financières ont beaucoup de données sur leurs clients, celui-ci pourrait donner l’accès à ces informations et à l’utilisation de celles-ci, en échange d’un service.

« Ça exige une collaboration plus étroite entre le consommateur et l’entreprise. Il y a une responsabilité commune, on dépasse le type de relation transactionnelle, d’où l’importance du volet confiance et sécurité », ajoute-t-il.

Pour le volet de sécurité, on peut penser à la future mouture de la Loi sur la protection des renseignements personnels qui obligera les entreprises à demander un consentement clair et explicite au consommateur pour obtenir et utiliser ses données. Consentement que celui-ci pourra retirer quand il le voudra.

2) L’intelligence artificielle (IA)

Accenture pense ici à la façon dont l’IA devient un outil imbriqué dans l’entreprise pour supporter l’employé. Le but ici, n’est pas de le remplacer, mais bien de le soutenir afin de ne pas désengager les employés, précise Patrick Raimondi.

L’intelligence artificielle pourra prendre en charge les tâches plus répétitives pour permettre à l’employé de gérer les exceptions. Le but est d’offrir aux travailleurs des outils pour mieux réaliser leurs tâches.

« À mesure que les capacités de l’IA se développent, les entreprises doivent repenser le travail qu’elles effectuent pour faire de l’IA une partie génératrice du processus, avec la confiance et la transparence comme éléments centraux. Actuellement, seulement 37 % des organisations déclarent utiliser des principes de conception inclusive ou axée sur l’humain pour soutenir la collaboration humain-machine », peut-on lire dans le communiqué.

Dans le milieu financier, on peut penser à l’exemple des chatbots qui peuvent soutenir les clients pour les demandes les plus basiques.

3) Les appareils intelligents

Le dilemme est d’utiliser ces outils de façon industrialisée afin de développer des avantages pour les entreprises. Les dirigeants d’entreprises sondés par Accenture affirment à 74 % que les produits et services connectés de leur organisation connaîtront davantage, ou nettement plus, de mises à jour au cours des trois prochaines années.

Dans le domaine financier, leur application est moins évidente. En assurance de dommage, on peut toutefois penser à Ajusto chez Desjardins qui permet de personnaliser le niveau de risque de l’assurance voiture en fonction du type de conduite du consommateur.

4) Des robots dans la nature

Ce point-là est également moins pertinent pour les services financiers, note Patrick Raimondi, mais il s’agit de mettre en production des outils robots dans des environnements moins structurés. On peut ici penser aux voitures autonomes, qui pourraient impacter le milieu de l’assurance dans le futur.

5) La structure d’innovation

L’enjeu avec les structures d’innovation c’est d’être capable de développer l’innovation, mais aussi d’être capable de la mettre en application en entreprise, souligne Patrick Raimondi.

« Aujourd’hui, on voit beaucoup d’enjeux avec les structures d’innovations qui sont mises en place dans des cellules à l’intérieur de l’entreprise. Mais les banques, elles, ont centralisé les structures d’innovation plutôt que de les avoir dans chacune des lignes d’affaires. Elles se sont donné une structure de frappe plus grande. En centralisant, cela leur permet de développer beaucoup plus rapidement leurs innovations », précise-t-il.

Toutefois, les institutions, comme les autres entreprises, peinent à réduire la production d’une idée innovante à la production à l’échelle.

Ne pas être à la traîne

En plus de ces cinq grandes tendances que les entreprises devraient exploiter au cours des trois prochaines années pour désamorcer le choc technologique décrit par Accenture, Patrick Raimondi estime que le défi pour les institutions financières sera de repenser leur modèle d’affaires.

« Elles devront repenser comment elles s’organisent, revoir leur structure à l’interne pour être plus réactives et maximiser la mise en place des technologies », déclare-t-il.

Les institutions devront, selon lui, davantage s’ouvrir et encore moins travailler en silo pour maximiser l’offre des technologies.

Un autre point sur lesquelles elles devront travailler c’est leur orientation. Celle-ci devra davantage être vers la transformation que vers l’optimisation.

« Le modèle a atteint ses limites et pour passer à l’étape d’après il faudra penser à transformer plutôt qu’à optimiser », ajoute-t-il.

S’il est conscient des coûts qu’impliquent les technologies, l’expert souligne que les institutions financières ont les moyens de faire ces changements. Surtout que, selon lui, les changements permettront de découvrir de nouvelles façons de faire et vont aider à dégager de la capacité financière, mais aussi humaine. « Il suffit d’investir de façon intelligente pour que cela génère des retours ».

Chaque institution devra toutefois trouver son « étoile du nord » pour sa transformation. La Banque Laurentienne a ainsi décidé de tout miser sur le numérique et d’enlever son réseau de distribution, une orientation certainement différente de la RBC ou de BMO.

« Chacun doit développer des stratégies qui cadrent avec leur réalité et leur marché », conclut-il.