Michael Sabia repart de Davos avec beaucoup d'interrogations
Jérôme Lavallée

Tout cela n’est toutefois pas suffisant pour l’inciter à modifier les stratégies mises en place au cours des dernières années par l’investisseur institutionnel, dont l’actif atteignait 254,9 G$ en date du 30 juin dernier.

« Je n’ai pas changé d’avis. Avec un monde incertain, notre stratégie est de bien sélectionner les actifs et de nous éloigner, dans la mesure du possible, des risques du marché », a-t-il dit, jeudi, au cours d’un entretien avec La Presse canadienne, avant de quitter les alpes suisses.

M. Sabia a donné comme exemple la cimenterie de Port-Daniel, dont la construction a été marquée par des dépassements de coûts de l’ordre de 450 M$ avant que la CDPQ prenne le contrôle du projet en y injectant 125 M$ de plus. En redressant des actifs de la sorte, le grand patron de la Caisse estime qu’il est possible de créer de la valeur indépendamment de la volatilité des marchés, ce qui mitige les risques.

L’institution continuera également à se tourner vers les infrastructures ainsi que l’immobilier, des actifs « stables » à long terme, a précisé M. Sabia.

À l’instar des nombreux participants du Forum, le dirigeant de la Caisse a pris part à des ateliers dans lesquels les discussions ont tourné autour des visées protectionnistes de M. Trump, qui deviendra vendredi le 45e président des États-Unis.

« Beaucoup semblent convaincus que cette nouvelle administration mettra en vigueur des politiques au coeur des préoccupations du monde des affaires et qui vont dynamiser l’économie rapidement en 2017, a dit M. Sabia. J’ai trouvé cela surprenant, parce que c’est très axé sur le court terme. »

Il dit avoir du mal à comprendre l’optimisme de certains à Davos en raison d’un « mur de risques ». Il cite l’arrivée de M. Trump, la sortie attendue du Royaume-Uni de l’Union européenne et d’importantes élections à venir en Europe, notamment en France et en Allemagne.

M. Sabia estime qu’il faut donner six mois à la nouvelle administration républicaine à Washington, compte tenu qu’elle veut « faire des choses difficiles ». Déjà, Wilbur Ross, désigné par M. Trump pour devenir secrétaire américain au Commerce, a prévenu que le nouveau gouvernement se pencherait rapidement sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le sujet des infrastructures a été largement discuté à Davos, puisque plusieurs représentants de firmes d’ingénierie et d’investisseurs institutionnels, qui se tournent vers ces actifs pour diversifier leur exposition aux risques, étaient présents.

« Ça été une confirmation qu’il s’agit d’un vecteur de croissance important dans le monde », a affirmé M. Sabia, lorsque questionné quant au message qu’il a tiré des discussions.

En date du 31 décembre dernier, la valeur du portefeuille de la Caisse dans les infrastructures était de 13 G$, comparativement à 10,1 G$ en 2014.

Par ailleurs, malgré les visées protectionnistes de M. Trump, M. Sabia ne s’est pas inquiété pour l’avenir de la cimenterie de Port-Daniel, qui vise les États-Unis comme principal marché d’exportation.

Si le 45e locataire de la Maison-Blanche veut vraiment aller de l’avant avec son intention d’injecter 1000 milliards $ US dans l’économie, les États-Unis n’auront d’autre choix que de laisser entrer du ciment en provenance de l’extérieur, croit M. Sabia.

« L’offre aux États-Unis ne serait pas suffisante pour répondre à une telle demande, a-t-il estimé. Selon moi, la priorité que cette administration veut mettre sur les infrastructures représente une belle occasion. »