Drapeau américain, on voit des dollars au travers.
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Selon MSCI, les probabilités d’un arrêt de paiement sont passées de 3,3 % à 11,3 % depuis janvier, comme en témoigne la forte hausse de transactions dans les swaps sur défaillance (CDS : Credit Default Swaps) sur la dette à un an du gouvernement américain.

Un autre signal d’alarme financier est survenu le 17 avril dernier. À un taux de rendement de 5,1% jamais vu depuis 2001, le Trésor américain a vendu pour 57 milliards de dollars américains G$) de bons de trois mois, venant à maturité au moment où le Trésor pourrait être à court d’argent.

Présentement, la dette fédérale américaine est plafonnée par décret à 31,4 billions $US, limite qui a été atteinte en janvier dernier et qui doit être relevée avant le milieu de l’été sans quoi le Trésor américain commencera à refuser de payer des factures d’intérêt arrivant à maturité.

De tels défauts de paiement entraîneraient plusieurs conséquences néfastes : arrêt de paiement d’intérêt à plusieurs détenteurs de titres américains, blocage des salaires de fonctionnaires fédéraux et des militaires, interruption dans l’émissions des chèques d’aide sociale. C’est sans compter que, à cause de l’incrustation profonde des bons du Trésor dans le calcul d’une foule d’instruments financiers, un défaut de paiement entraînerait une forte déstabilisation du monde financier. Un tel bris de confiance provoquerait sans doute une chute importante des cours en Bourse. Ce serait un « armageddon financier », juge Mark Zandi, économiste en chef chez Moody’s Analytics.

Selon l’étude de MSCI, la valeur notionnelle des swaps sur défaillance pour les titres brésiliens s’élève à 6,8 G $US, sur le Mexique, à 7,5 G $US, sur la Chine, à 9,0 G $US. Celle sur la dette américaine est passée de moins de 500 M$ au début de janvier à 4,2 G $US au début de mars.

Drame 3.0

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis se payent un tel « psychodrame ». Déjà, en 2011 et 2013, des débats similaires sur le rehaussement du plafond de la dette avaient eu lieu, suscitant une certaine anxiété et une montée des écarts de taux des swaps sur défaillance. En 2011, ces écarts avaient monté de 100 points de base, rapporte MSCI, en 2013, de 80 points de base. Pour l’heure, l’écart des taux se situe à 75 points de base, mais il faut dire que la crise est encore jeune.

Cette fois, selon diverses analyses, la crise semble plus acrimonieuse et pourrait s’envenimer davantage, ce qui hausse les chances de défaut de paiement. Le parti Républicain affiche une attitude plus inflexible dans ses exigences de baisse des dépenses budgétaires, et les faveurs politiques entourant l’élection du speaker Kevin McCarthy pourraient permettre à quelques éléments plus radicaux du parti de faire achopper toute négociation autour du plafond de la dette.

Les marchés semblent peu troublés par la perspective d’un défaut de paiement américain et s’attendent à ce que les choses rentrent dans l’ordre sans réels remous. Ce n’est pas l’avis de certains, dont Greg Vallière, stratège en chef des marchés américains chez AGF Investments, qui juge seulement à 60% les chances que le Congrès en vienne à une entente. « Nous n’avons pas affaire à un débat typique autour du plafond de la dette », a-t-il dit à CNN.

Rappelons qu’un défaut de paiement de la part des États-Unis n’est pas inédit. Cela s’est produit quatre fois au cours de son histoire, selon The Hill. Le plus récent est survenu en 1971 quand le gouvernement du président Nixon a refusé de rembourser en lingots d’or des sommes en dollars détenues par des gouvernements étrangers, déclenchant le célèbre découplage entre l’or et le dollar américain.

Coincement croissant

La crise qui se déroule en ralenti donne l’occasion de revoir un peu la situation de la dette fédérale américaine. La taille qu’elle a atteint justifie largement les scrupules républicains : à 31,44 billions $US, elle représente 123% du PIB national de 2022 qui devrait s’élever à environ 23,5 B $US lorsque tous les comptes seront fermés. La seule année où une telle proportion a été atteinte remonte à 1946, après que les États-Unis se soient largement endettés pour soutenir l’effort de la 2e guerre mondiale.

Cette fois, aucune urgence nationale n’explique un tel endettement. Après la guerre, les États-Unis ont réussi à maintenir leur taux d’endettement entre 30% et 40% de leur PIB de 1966 à 1985. Puis, le ratio dette/PIB s’est mis à monter inexorablement, atteignant un sommet de 129% en 2020, avant de reculer à 123% en 2022.

Tout comme l’ensemble de l’économie, le gouvernement américain s’est enivré des taux d’intérêt qui ont prévalu tout au long de la décennie 1990. Aujourd’hui, selon Pew Research, le service de la dette accapare 6,8% des dépenses totales du gouvernement, un niveau relativement modeste après qu’il ait atteint 15% au milieu des années 1990. Alors que le taux d’intérêt moyen sur cette dette s’élevait à 8,8% en 1988, il n’était plus que de 2,2% en 2022.

Le budget fédéral, qui a été en léger surplus de 1998 à 2001, a toujours été déficitaire depuis cette année, montant à 9,8% du PIB suite à la Grande Crise Financière en 2009, selon le Office of Management Budget, puis à – 14,9% en 2020 face à la psychose COVID-19. En 2022, il est retombé à 5,5 % et le Office of Management Budget prévoit qu’il va légèrement fléchir à 5% en 2028.

Les États-Unis ne sont pas pris à la gorge, mais il reste que leur situation financière se détériore de façon importante. La crise actuelle est politique, certainement pas économique. Un simple vote peut la résoudre.