Des documents récemment publiés montrent que certains membres de la Banque du Canada se demandaient le mois dernier si le taux d’intérêt de référence de la banque centrale était déjà suffisamment bas pour soutenir l’économie canadienne malgré les droits de douane américains.
La Banque du Canada a publié mercredi le résumé des délibérations des réunions ayant mené à sa décision du 30 juillet de maintenir son taux directeur à 2,75 %.
Ce compte-rendu montre que le conseil de direction de la banque centrale était préoccupé par l’impact des droits de douane américains et de la « réorganisation » du commerce mondial sur l’inflation et l’économie canadienne en général.
La décision de la banque centrale est intervenue quelques jours seulement avant que le président américain Donald Trump ne relève les droits de douane sur les produits canadiens à 35 %, tout en maintenant une exemption pour les produits conformes à l’ACEUM.
Malgré l’incertitude persistante, les responsables de la politique monétaire ont noté certains signes de résilience économique au Canada avant la décision sur les taux.
Les délibérations montrent que certains membres se sont demandé si la Banque du Canada avait déjà apporté « assez de soutien » pour aider l’économie à traverser la transition.
La banque centrale a réduit son taux directeur à sept reprises consécutives entre juin 2024 et mars de cette année afin de stimuler l’économie, alors que l’inflation semblait revenir sous contrôle.
Les économistes affirment que l’impact d’une décision de politique monétaire tend à se faire sentir un an ou plus après sa mise en œuvre, de sorte que bon nombre de ces baisses de taux commencent seulement à stimuler l’économie.
Dans cette optique, le conseil de direction de la Banque du Canada s’est demandé si une baisse des taux à l’heure actuelle, alors que l’économie se redresse d’elle-même, ne finirait pas par alimenter l’inflation à terme.
« Comme la politique monétaire agit avec un décalage, les effets d’un assouplissement supplémentaire risqueraient de se faire sentir seulement au moment où la demande se redresserait, ce qui pourrait accentuer les pressions sur les prix », peut-on lire dans le résumé.
Certains prévisionnistes, dont la Banque Royale, ne prévoient pas d’autres baisses de taux dans leurs scénarios de référence.
D’autres membres du conseil de direction de la Banque du Canada ont estimé que les signes de ralentissement de l’économie pourraient justifier de nouvelles baisses de taux, en particulier si le marché du travail commençait à montrer davantage de faiblesse.
Si les données à venir montraient que l’inflation ne s’éloignait pas trop de l’objectif de 2 % fixé par la banque centrale, une baisse du taux directeur pourrait s’avérer nécessaire, ont fait valoir ces membres lors des délibérations.
Randall Bartlett, directeur principal pour l’économie canadienne chez Desjardins, souligne en entrevue que le fait que la banque centrale ait envisagé une baisse des taux lors de sa dernière réunion suggère que le conseil de direction penche en faveur d’un nouvel assouplissement.
Desjardins s’attend à ce que la banque centrale soit en mesure d’abaisser son taux directeur lors de sa prochaine réunion en septembre, avec la possibilité de nouvelles baisses plus tard dans l’année.
Randall Bartlett ajoute que la division apparente au sein du conseil montre simplement le manque de clarté des données économiques quant à la nécessité ou non de stimuler l’économie dans le contexte des droits de douane.
« Il y a tellement d’incertitudes à l’heure actuelle qu’il est vraiment difficile de déterminer quelle est la politique monétaire ou quel est le niveau de taux d’intérêt optimal pour soutenir l’économie », explique-t-il.
Parallèlement à sa décision sur les taux, la Banque du Canada a présenté trois scénarios concernant l’évolution de la situation tarifaire aux États-Unis : un dans lequel le statu quo persiste, un dans lequel les restrictions commerciales s’atténuent et un autre dans lequel les droits de douane augmentent.
Le conseil de direction a noté qu’aucun de ces scénarios ne prévoyait « une forte hausse de l’inflation » et que les récentes enquêtes auprès des consommateurs et des entreprises suggéraient que les anticipations inflationnistes restaient bien ancrées.
« Si l’inflation permet à la Banque du Canada de se concentrer ensuite sur le ralentissement économique, il y a une certaine tendance à fournir un peu plus de mesures de relance », affirme Randall Bartlett.
Les responsables de la politique monétaire ont déclaré lors des délibérations que l’impact des droits de douane sur les prix à la consommation « semblait modeste jusque-là », mais que ces effets commençaient seulement à apparaître dans les données.
« Les membres croyaient cependant que les risques concernant l’inflation étaient élevés compte tenu des pressions évidentes sur l’inflation sous-jacente et de l’incertitude entourant les effets possibles des droits de douane et des perturbations commerciales sur l’économie canadienne au fil du temps », peut-on lire dans le résumé.
La Banque du Canada examinera les chiffres de l’inflation pour juillet et août avant de prendre sa prochaine décision sur les taux d’intérêt le 17 septembre.