Une photo du bâtiment de la Banque du Canada.
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La Banque du Canada (BdC) a laissé son taux directeur inchangé, mercredi, et même si la croissance économique du premier trimestre s’est révélée inférieure à ses attentes, la banque centrale a préféré insister sur les solides bases actuellement en place, qui promettent un rebond vigoureux dans les prochains mois.

L’économie canadienne a crû de 5,6 % de janvier à mars, a souligné la banque centrale, qui avait plutôt prédit en avril que sa progression serait d’environ 7,0 %. En outre, les nouveaux confinements associés à la troisième vague de la pandémie ont tempéré l’activité économique.

Ce contexte suffit pour que le directeur des taux canadiens de la Banque de Montréal, Benjamin Reitzes, prévienne qu’il est possible que les données sur la croissance du deuxième trimestre soient également en deçà des attentes.

Malgré tout, les décideurs de la banque centrale ont regardé au-delà de ces obstacles mercredi, et disent s’attendre à ce que l’économie canadienne rebondisse fortement à partir de cet été, stimulée par les dépenses de consommation, alors que la cadence des vaccinations s’accélère et que les gouvernements provinciaux assouplissent les restrictions économiques.

« Ils ne se montrent toujours pas perturbés par la troisième vague et par leur (mauvaise prévision) du premier trimestre, a affirmé Benjamin Reitzes. Leur optimisme résiste à tout cela. »

La banque centrale a maintenu son taux d’intérêt directeur à 0,25 %, où il se trouve depuis le début de la pandémie l’année dernière. Elle a déjà indiqué qu’elle ne l’augmenterait pas tant que l’économie ne se serait pas redressée _ soit lorsque les capacités excédentaires se seront résorbées et que la cible d’inflation de 2,0 % sera atteinte de manière durable.

Une reprise du marché du travail reste également un facteur clé dans les futures décisions de la Banque du Canada, a souligné Sri Thanabalasingam, économiste principal de la Banque TD. Si l’emploi rebondit rapidement cet été, cela pourrait obliger la banque à relever ses taux plus tôt, a-t-il expliqué.

La banque a également indiqué qu’elle maintiendrait le cap sur ses achats d’obligations fédérales pour le moment, après les avoir réduits il y a quelques semaines, invoquant l’amélioration des conditions économiques. Ces achats obligataires contribuent à faire baisser les taux appliqués aux prêts hypothécaires et aux prêts aux entreprises.

Le conseil de direction de la banque a indiqué que l’inflation annuelle devrait osciller autour de 3,0 % au cours de l’été, en raison de la hausse des prix de l’essence et de la comparaison entre les prix actuels et les faibles prix de l’an dernier, pendant la pandémie.

L’inflation devrait s’atténuer plus tard cette année, a poursuivi la banque, pour se rapprocher de son objectif de 2,0 %.

Une possible campagne électorale

Moshe Lander, chargé de cours principal en économie à l’Université Concordia, a souligné que la Banque du Canada pourrait suspendre tout changement de taux pour ne pas étouffer un rebond naissant.

Mais plus elle tarde à faire quoi que ce soit, plus elle s’approchera de l’automne et d’une possible campagne électorale fédérale. Or, la banque évite traditionnellement toute modification de taux en période électorale, pour éviter que ses actions soient politisées et menacent son indépendance.

« À moins qu’il n’y ait un signal économique clair indiquant que les taux d’intérêt doivent être relevés et que cela doit être fait maintenant, je pense que la Banque du Canada va probablement essayer de passer son tour », a estimé Moshe Lander.

Le moment et la façon choisis par la banque centrale pour mettre fin à ses mesures de relance monétaire auront des implications pour les décideurs budgétaires, a pour sa part observé Robert Asselin, premier vice-président aux politiques publiques du Conseil canadien des affaires.

Les politiciens fédéraux, a-t-il dit, pourraient se retrouver contraints de réagir à l’inflation si les électeurs soulèvent des inquiétudes avant ou pendant une campagne, ou si les marchés deviennent plus volatils. Et lorsque la banque commencera à augmenter ses taux, le gouvernement fédéral devra se demander s’il doit garder ouverts les robinets des dépenses de relance, a expliqué Robert Asselin.

« Il sera difficile pour les décideurs politiques de justifier une politique budgétaire très ouverte et laxiste, si la politique monétaire (de la Banque du Canada) dit essentiellement (…) que nous nous sommes remis de la crise », a précisé Robert Asselin, un ancien conseiller budgétaire des libéraux fédéraux.