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Au cours des trois dernières années, l’économie mondiale a navigué à travers les eaux troubles de la pandémie, de la montée de l’inflation et des taux d’intérêt, laissant les économistes déconcertés par la ténacité de l’économie.

Eux qui ont longtemps servi de boussoles dans les tempêtes financières ont initialement sous-estimé l’inflation en 2021. Ils ont être pris de court par sa persistance en 2022 et ils ont ensuite anticipé une récession en 2023 sous la pression des hausses successives des taux d’intérêt, mais celle-ci ne s’est pas avérée.

Cette incapacité à prédire avec précision les tournants économiques pose une question fondamentale : pourquoi les experts ont si mal évalué les forces économiques en jeu – et qu’est-ce que cela signifie pour les perspectives d’avenir ?

Selon un article du New York Times, l’erreur de calcul des économistes peut être attribuée à deux facteurs principaux : la pandémie de coronavirus, un événement sans précédent depuis la grippe espagnole de 1918, et une politique fiscale agressive. Entre les confinements et une réponse gouvernementale massive, les fondamentaux économiques se sont retrouvés bouleversés. Aux États-Unis, les plans de relance fédéraux, totalisant 4,6 billions de dollars, ont alimenté l’économie de manière inattendue, les consommateurs disposant de liquidités considérables et les entreprises bénéficiant d’un soutien financier inédit.

Les modèles économiques traditionnels prévoyaient une inflation contenue tant que le chômage restait élevé, une logique qui semblait solide, mais qui ne prenait pas en compte l’épargne accumulée durant les mois de confinement et les aides gouvernementales. La demande a explosé pour certains biens, exacerbant la pression inflationniste dès le printemps 2021.

La situation s’est encore compliquée avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, qui a entraîné une hausse des prix de l’énergie. En parallèle, le marché du travail s’est redressé plus rapidement que prévu, et les salaires ont connu une croissance rapide, défiant encore une fois les prévisions.

Face à une inflation persistante, la Fed a augmenté les taux d’intérêt à une vitesse inégalée depuis les années 1980, mais plutôt que de freiner l’économie, les consommateurs ont maintenu leurs dépenses sur des postes variés. Les économistes, s’attendant à ce que les foyers américains atteignent un point de rupture financier, ont régulièrement été surpris par leur résilience.

Le manque de données en temps réel sur l’épargne des consommateurs serait en partie à l’origine des difficultés des prévisionnistes à anticiper l’avenir, selon Karen Dynan, économiste à l’Université Harvard.

« Cela fait des mois que nous nous disons que les personnes au bas de l’échelle des revenus ont épuisé leurs économies, a-t-elle déclaré. Mais nous ne le savons pas vraiment. »

Appel à la prudence

Les économistes se demandent aujourd’hui si l’inflation peut ralentir suffisamment sans que la croissance ne s’essouffle. Ce serait alors un atterrissage indolore qui serait historiquement anormal. Cela dit, l’inflation est déjà retombée à 3,7 % en septembre aux États-Unis, après avoir culminé à environ 9 %.

Ils s’interrogent également à savoir si les taux d’intérêt devront rester élevés pour contrôler l’inflation. La nouvelle expression à la mode à Wall Street : « Plus haut pour plus longtemps ». Certains économistes envisagent un avenir où les faibles taux d’intérêt et l’inflation qui ont prévalu entre 2009 et 2020 pourraient ne jamais revenir.

Qu’en sera-t-il ? Difficile à dire. Face à ce nouveau contexte, Torsten Slok, de la société de gestion d’actifs Apollo Global Management, appelle à l’humilité. Les prévisionnistes, admet-il, doivent reconnaître que la recherche de certitudes dans un monde économique qui a radicalement changé est peut-être un exercice futile. La modestie, la flexibilité et l’adaptabilité deviennent des vertus cardinales pour les économistes qui tentent de naviguer dans cette ère d’incertitude économique.

« Nous essayons encore de comprendre comment fonctionne cette nouvelle économie », a-t-il affirmé.