Loi 188 : l'industrie presse Leitao de repousser les délais

Le ministre des Finances Carlos Leitao présentera son budget 2017-2018 le 28 mars prochain à Québec.

M. Leitao a prévenu le mois dernier que son plan budgétaire sera placé sous le signe de la prudence fiscale, malgré le rétablissement de l’équilibre budgétaire.

Le ministre a indiqué qu’il était sensible à la nécessité de se garder des marges additionnelles dans le contexte protectionniste provoqué par l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

En octobre dernier, fort d’un surplus de 2,2 milliards de dollars (G$) apparu pour l’exercice 2015-2016, le gouvernement a annoncé des investissements en éducation et en santé.

L’abolition de la taxe santé, prévue en 2018, a également été devancée à 2017.

Un fossé sépare toutefois les demandes de réinvestissements dans les services publics en provenance des groupes syndicaux et sociaux et l’intention du ministre des Finances, Carlos Leitao, de jouer de prudence.

Syndicats

Si le ministre Leitao prêchait encore récemment la prudence fiscale, malgré les surplus budgétaires retrouvés, la plus grande centrale syndicale du Québec, elle, pense qu’il est urgent de réinvestir dans les services publics, durement éprouvés par les compressions passées.

Au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne en prévision du budget provincial, le président de la FTQ, Daniel Boyer, a fait part de l’appétit des organisations syndicales: « si on veut avoir exactement les mêmes services qu’on avait en 2013-2014, il nous manque 2,5 G$ dans ces deux grands réseaux-là », la santé et l’éducation.

Il admet que le gouvernement Couillard a commencé à réinvestir, dans les universités notamment et pour l’ajout de postes dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée, mais, selon M. Boyer, « c’est des peanuts comparativement à ce qu’on a coupé dans les dernières années ».

Deuxièmement, la FTQ revendique une véritable politique industrielle et des mesures pour soutenir la nécessaire transformation des emplois face aux différents changements comme la numérisation, l’automatisation et les économies vertes.

Troisièmement, elle demande un programme d’investissement dans les infrastructures vertes, comme le transport collectif.

Quatrièmement, elle suggère de dégager des revenus additionnels auprès des entreprises et des mieux nantis et en luttant contre les paradis fiscaux.

Du côté de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), la présidente, Régine Laurent, a également plaidé pour un important réinvestissement dans la santé: en première ligne, dans les urgences, dans les soins de longue durée, dans les soins à domicile et autres.

La FIQ, qui représente la grande majorité des infirmières, a rencontré le ministre des Finances. « On lui a dit que dans toutes les missions (en santé), il y a des investissements à faire. » Mais elle n’a pas voulu les chiffrer. « On lui a laissé le soin de le faire ».

La FIQ croit aussi opportun de revoir le mode de rémunération des médecins. Et elle aimerait que des ratios infirmière-patients soient imposés dans les CHSLD (Centres d’hébergement et de soins de longue durée) _ ce qui n’est pas encore le cas.

À la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), la présidente Louise Chabot estime également urgent de réinvestir en santé et en éducation. « Qu’il répare les pots cassés, a-t-elle lancé en entrevue. Les surplus dont il se vante ont été faits sur le dos des citoyens. »

Elle rappelle que même les employeurs ont demandé d’investir en formation et en éducation, lors du Rendez-vous sur la main-d’oeuvre en février.

Patronat

Du côté des Manufacturiers et exportateurs du Québec, le président Éric Tétrault concède que Québec a déjà beaucoup aidé le secteur manufacturier, en matière d’innovation et d’exportation, en mettant 1,2 G$ sur la table.

Alors, dans son prochain budget, « il ne faudrait pas reprendre d’une main ce qu’on a donné de la première », a-t-il objecté au cours d’une entrevue.

« Ce serait dommage si les entrepreneurs voyaient qu’ils sont admissibles à telle somme en matière d’innovation, mais que, d’un autre côté, la fiscalité serait décourageante. On s’attend au moins à un statu quo en matière fiscale », a affirmé M. Tétrault.

Deuxièmement, les manufacturiers espèrent des mesures en matière d’éducation et de formation de la main-d’oeuvre: des stages rémunérés auxquels l’État contribuerait, par exemple, des incitatifs pour la formation continue, etc.

« Après le grand effort en innovation, ça viendrait boucler la boucle, parce que c’est le deuxième grand problème cité par les entrepreneurs manufacturiers », a précisé M. Tétrault.

D’ailleurs, lors du Rendez-vous national sur la main-d’oeuvre, en février, le Conseil du patronat du Québec avait aussi recommandé de réinvestir en éducation, en formation et dans les universités.

L’industrie de la construction, de son côté, demande au ministre Leitao d’accroître ses investissements pour résorber le déficit d’entretien des infrastructures publiques.

L’Association de la construction du Québec demande d’instaurer un crédit d’impôt pour la rénovation commerciale. Elle fait le pari qu’un tel crédit d’impôt aurait le même effet que le programme RénoVert a eu pour la construction résidentielle, en lui insufflant un certain élan.

Au lendemain du Rendez-vous sur la main-d’oeuvre, l’ACQ conseille également de bonifier le programme d’apprentissage en milieu de travail dans l’industrie de la construction.