Un petit personnage avec une cravate et une loupe inspectant le mot Budget.
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Les libéraux fédéraux s’apprêtent à dévoiler mardi un budget visant à présenter leurs plans pour maintenir la compétitivité du Canada dans le contexte de la transition vers l’énergie propre tout en soutenant les Canadiens qui ont du mal à joindre les deux bouts.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a promis d’accomplir tout cela au cours des dernières semaines, tout en s’engageant à maintenir les restrictions budgétaires.

Toutefois, l’atteinte de cet équilibre ne devrait pas être facile. Le ralentissement de l’économie canadienne pourrait peser sur les coffres du gouvernement.

« Ce sera très difficile pour le gouvernement fédéral », a déclaré Randall Bartlett, directeur principal du volet Économie canadienne chez Desjardins.

On s’attend à ce que les libéraux investissent considérablement dans la transition du Canada vers l’énergie propre, dans le but de maintenir la compétitivité du Canada par rapport aux États-Unis en lançant ses propres mesures dynamiques.

La Loi sur la réduction de l’inflation, qui a été adoptée en août par le Congrès américain, investit près de 400 milliards de dollars américains (G$) dans plusieurs champs d’activités pour y parvenir, que ce soit les minéraux critiques ou encore la fabrication de batteries, les véhicules électriques et l’électricité propre, y compris l’hydrogène.

Ottawa a aussi promis beaucoup d’argent pour les soins de santé. Il a récemment signé des ententes de financement de dix ans avec les provinces sur les transferts en santé, et on s’attend à ce que ces dépenses soient comptabilisées dans le budget fédéral.

Puis, comme le coût de la vie demeure un enjeu économique important pour de nombreux Canadiens, les libéraux ont indiqué que le budget comprendra de nouvelles mesures sur l’abordabilité.

« Au cours des prochaines semaines, pour les Canadiens qui ressentent le plus les effets de la hausse des prix, pour nos amis et voisins les plus vulnérables, notre gouvernement offrira un allégement supplémentaire ciblé de l’inflation », a déclaré la ministre des Finances Chrystia Freeland lundi à Oshawa, en Ontario.

Randall Bartlett prévient toutefois que le gouvernement fédéral doit équilibrer ses priorités de dépenses importantes avec des perspectives économiques incertaines.

De nombreux économistes prévoient que le Canada pourrait entrer en récession cette année, car les taux d’intérêt élevés pèsent sur l’économie. Depuis mars 2022, la Banque du Canada a haussé énergiquement les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation élevée.

Alors que la pression sur les prix à l’échelle mondiale s’atténue et que les taux d’intérêt freinent les dépenses dans l’économie, l’inflation ralentit. Le taux d’inflation annuel au Canada est passé de 8,1 % l’été dernier à 5,2% en février.

Même si l’inflation devient moins problématique, le ralentissement de l’économie se traduit par une diminution des recettes publiques pour financer les dépenses.

Selon un rapport de Desjardins, les nouvelles mesures de dépenses à elles seules ne mettraient pas nécessairement les finances fédérales sur une voie non viable. Cependant, si de nouvelles dépenses importantes sont associées à un ralentissement économique pire que prévu, cela pourrait créer des difficultés au gouvernement fédéral, selon le rapport.

« Planifier un avenir optimiste et dépenser en conséquence maintenant pourrait conduire à des circonstances très difficiles à l’avenir », a prévenu Randall Bartlett.

Le gouvernement fédéral court également le risque d’alimenter l’inflation par des dépenses excessives, ce qui complique la tâche de la Banque du Canada qui consiste à freiner l’inflation. Chrystia Freeland a répété à maintes reprises qu’elle n’avait pas l’intention de le faire, soulignant que le gouvernement fédéral ne peut pas indemniser tous les Canadiens pour la hausse des prix.

Randall Bartlett a déclaré que le gouvernement fédéral a fait du bon travail jusqu’à maintenant pour trouver un juste équilibre entre la nécessité d’aider les Canadiens à faible revenu tout en évitant d’ajouter de l’huile sur le feu.

« Ce qui me préoccupe, c’est que s’ils continuent à ajouter cela aux dépenses supplémentaires pour d’autres initiatives? cela ne rendra pas seulement le travail de la Banque du Canada plus difficile. Cela ne fera qu’accroître le déficit à un moment où les perspectives économiques sont très incertaines », a-t-il souligné.

Il y a une certaine ambiguïté quant à la façon dont le gouvernement fédéral abordera la politique fiscale dans le budget de cette année.

Certains experts en politique ont laissé entendre que l’augmentation des recettes fiscales pourrait faire partie de la solution pour stabiliser les finances fédérales. Un budget fantôme préparé pour l’Institut C.D. Howe, une banque de réflexion économique, recommandait d’augmenter le taux de la TPS.

L’expert de Desjardins reconnaît que l’augmentation de la taxe sur les produits et services (TPS) pourrait être difficile à vendre aux Canadiens, surtout parce que le gouvernement fédéral a obtenu des résultats mitigés dans certains de ses principaux domaines d’investissement, comme sa stratégie nationale sur le logement.

« Si nous continuons à voir des dépenses accrues, et cela nécessite des augmentations d’impôt pour pouvoir les payer, le public examinera de plus près si nous en avons pour notre argent », affirme Randall Bartlett.

Sur le plan politique, les libéraux doivent également composer avec les priorités néo-démocrates énoncées dans l’accord de confiance entre le parti et les libéraux. Il a accepté d’appuyer le gouvernement minoritaire dans les votes clés jusqu’en 2025, y compris sur les budgets fédéraux, en échange de mesures visant des priorités communes.

Dans le prochain budget, le chef du NPD, Jagmeet Singh, veut que le gouvernement prolonge de six mois le remboursement de la TPS, qui a été instauré l’automne dernier et qui a permis de doubler temporairement le montant reçu.

Jagmeet Singh réclame également du financement fédéral pour des repas en milieu scolaire.

Conformément à l’entente entre les deux partis, les libéraux ont déjà accepté de créer cette année un programme de soins dentaires financé et administré par le gouvernement fédéral qui remplacerait la prestation pour soins dentaires pour les enfants des familles à faible revenu, qui a été mise en œuvre à l’automne.

L’entente engage également les libéraux de Justin Trudeau à adopter une loi sur un programme national d’assurance-médicaments d’ici la fin de 2023, bien qu’il n’y ait pas encore de signe de progrès à cet égard.