Une femme assise à un bureau devant un ordinateur. Elle écrit sur un bloc note.
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Malgré les efforts déployés ces dernières années par certaines institutions financières pour accroître la disponibilité des produits destinés aux musulmans canadiens, ces clients sont encore mal desservis, faute de produits disponibles et d’expertise appropriée pour construire un portefeuille adéquat.

Hash Assad, un consultant financier exécutif basé à Calgary et travaillant pour IG Gestion de patrimoine, estime que les conseillers en services financiers doivent être attentifs à la compatibilité d’un investissement avec la loi islamique avant de le recommander aux investisseurs musulmans, qui suivent les critères du halal, ce qui est permis, et du haram, ce qui est interdit.

Par exemple, certains fonds communs de placement d’actions n’affichent que leurs dix principaux titres et peuvent contenir des entreprises appartenant à des industries haram telles que le tabac, l’alcool et les jeux d’argent, prévient Hash Assad. « Lorsque nous nous intéressons au halal, chaque titre doit être vérifié en fonction de ces critères. »

Les sociétés de services de conformité islamique fournissent une autorisation institutionnelle pour les investissements canadiens. Par exemple, le portefeuille halal de Wealthsimple a été vérifié par des experts religieux de la société Ratings Intelligence, basée à Londres.

Il existe même des applications et des plateformes en ligne qui permettent de vérifier la conformité des fonds négociés en Bourse (FNB), des actions individuelles et des indices entiers. « La possibilité de trouver un investissement, en particulier un titre comme les actions, s’est considérablement simplifiée au cours des cinq dernières années », souligne Hash Assad.

Pour ce qui est de la construction d’un portefeuille, la règle traditionnelle du 60/40 est hors de question, car les actifs conventionnels à revenu fixe sont haram, l’intérêt étant considéré comme une exploitation par la loi islamique. Au lieu de cela, les investisseurs musulmans conservent des liquidités ou achètent de l’or. Bien qu’un portefeuille moins diversifié signifie que ces investisseurs sont exposés à davantage de risques, Hash Assad prend soin de construire le bon portefeuille en fonction de l’âge du client, de ses besoins en liquidités et de ses comptes d’épargne enregistrés.

Au cours de la dernière décennie, des sociétés canadiennes comme Wealthsimple, Manuvie et Manzil ont commencé à proposer des investissements halal, mais les choix sont encore minces. Par exemple, l’indice TSX 60 Shariah présente 60 sociétés halal, telles que la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Shopify et Thompson Reuters, couvrant environ 73 % de la capitalisation boursière de la bourse, mais il n’existe pas de fonds indiciel TSX 60 Shariah, et les investisseurs devraient acheter chacune des 60 actions individuellement, explique Hash Assad.

Mohamad Sawwaf, fondateur et PDG de la société d’investissement halal Manzil, basée à Toronto, estime que les musulmans canadiens possèdent jusqu’à 50 milliards de dollars d’actifs investis sur des comptes chèques. « Ce capital reste sur la touche, en liquide, sans être déployé et sans apporter de valeur économique », déplore-t-il.

Manzil propose cinq portefeuilles aux investisseurs musulmans par l’intermédiaire de OneVest, qui est le gestionnaire de portefeuille et le conseiller en investissement. Selon  Mohamad Sawwaf, la disponibilité des fonds halal au Canada augmentera avec le temps, mais le processus sera lent. Il cite en exemple les marchés plus matures du Royaume-Uni et des États-Unis, où il existe des fonds halal valant des milliards de dollars.

Si les fonds halal sont encore peu nombreux au Canada, c’est en partie parce que de nombreuses institutions financières exigent un historique de cinq ans avant d’inscrire un produit sur leurs tablettes, et que de nombreux fonds halal ont moins de cinq ans d’existence. Le coût de gestion d’un fonds est « extrêmement élevé », rapporte Mohamad Sawwaf. L’absence d’une distribution plus large signifie qu’il est plus difficile pour un fonds d’atteindre le seuil de rentabilité, et s’il ne l’atteint pas au cours de la première ou des deux premières années, le gestionnaire devra payer de sa poche pour maintenir le fonds en activité.

Les conseillers peuvent aider les clients musulmans en sensibilisant les équipes chargées des produits à la nécessité d’envisager des produits d’investissement halal afin d’accroître la distribution. « N’hésitez pas à demander à vos services de conformité ou de produits d’évaluer le fonds », suggère Mohamad Sawwaf. Vous avez une obligation fiduciaire à l’égard de vos clients et vous devez au moins passer par le processus pour dire : « au moins, j’ai essayé de faire en sorte que ce fonds soit accepté ».

Le secteur de la gestion de patrimoine pourrait également mieux informer les conseillers sur les investissements musulmans. Hash Assad explique qu’il a vu des cas où des investisseurs musulmans ont reçu de mauvais conseils de la part de conseillers bien intentionnés, et qu’un conseiller s’en est remis à lui alors qu’il ne savait pas trop comment conseiller un client musulman.

« J’apprécie vraiment cela, car au lieu d’essayer de vendre et d’être payé, il a dit : « Je ne me sens pas à l’aise pour faire cela », explique Hash Assad. Il avait cette conviction et cette compréhension fondamentales qu’il faut faire ce qui est bon pour le client. »