Bien que plusieurs articles de la presse financière ou la publicité vantent les avantages des fonds négociés en Bourse (FNB) pour les clients, environ 60 % des 244 représentants en épargne collective interrogés dans le cadre du «Top des cabinets multidisciplinaires» ne vendrait pas de FNB, même si on leur offrait une plateforme pour ce faire.

C’est que plusieurs d’entre eux croient mordicus à la valeur ajoutée de la gestion active.

Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier, affiche sans gêne ses allégeances. «Je suis du côté des 60 %, déclare-t-il. Je crois dur comme fer qu’il vaut mieux avoir recours à un gestionnaire qui fait de la gestion active que de laisser mon argent dans un fonds statique», explique celui qui est aussi planificateur financier et représentant en épargne collective.

«Lorsqu’on monte un portefeuille, on est un peu comme un gérant au hockey. Ça nous prend un bon pointeur, de bons défenseurs, un gardien de but, etc. Nous, on est un peu comme un directeur général. On bâtit une équipe de gestionnaires», clame le conseiller le plus respecté par ses pairs de 2005 de Finance et Investissement. Et il ajoute : «C’est vrai que ce ne sont pas tous les gestionnaires qui battent les indices, mais c’est justement notre job de choisir ceux qui le font».

Sylvain De Champlain poursuit son analogie avec le sport. «Bien sûr que la gestion active entraîne des frais. C’est comme un bon joueur de hockey, il coûte cher. Je préfère payer plus cher un bon gestionnaire, qui ajoute de la valeur, que pour un fonds, qui se contente de suivre le courant», illustre-t-il.

La gestion active tire son épingle du jeu lorsque les marchés traversent des zones de turbulences, observe Gaétan Veillette, fellow administrateur agréé et planificateur financier : «Les gestionnaires de portefeuille peuvent alors doser les niveaux de liquidités dans les fonds qu’ils gèrent».

Le représentant en épargne collective remarque de plus que, souvent, les frais de gestion des fonds de placement permettent aux représentants d’offrir toute une gamme de services (planification successorale, financière, etc.), qui ajoutent de la valeur pour les clients.

Selon les commentaires recueillis, les représentants sont partagés. Une majorité rejette les FNB, car ils manquent de formation sur ces produits, s’estiment trop vieux ou ne veulent pas jouer au gestionnaire de portefeuille et risquer ainsi de porter l’odieux de mauvais rendements. Une minorité juge toutefois que les FNB peuvent convenir à certains profils de clients ou à certaines catégories d’actif pour lesquelles les portefeuilles peinent à battre leur indice de référence.

Patrons mitigés

Gino Savard, président de Mica services financiers, ne mâche pas ses mots : «Vendre des FNB, ce serait se tirer dans le pied. Ils sont arrivés sur le marché dans le but avoué de se battre contre le conseil».

Ce dernier croit fermement que les conseillers doivent mettre l’accent sur la qualité du service, et non sur son coût. «On a un superbe choix de fonds, on est les spécialistes de la sélection des meilleurs gestionnaires et ça va à l’encontre d’une stratégie qui repose sur le coût seulement», poursuit-il.

Le portrait est différent chez Groupe financier Peak. Selon Robert Frances, son président et chef de la direction : «Chez nous, c’est plutôt moitié-moitié».

Cependant, Robert Frances croit que l’industrie devrait faire preuve d’ouverture. «Cela peut sembler une remise en question de la valeur du conseil, mais j’invite les conseillers à s’informer sur les FNB, car ils peuvent être utiles dans un portefeuille diversifié», conseille Robert Frances.

«Sinon, les conseillers risquent de perdre des clients qui auront été approchés par des concurrents qui connaissent mieux les FNB», met-il en garde. Il donne en exemple les certificats de placement garantis offerts par les cabinets qui constituent en quelque sorte un produit de gestion passive.

Plateforme bientôt offerte

Un autre problème soulevé par les FNB repose sur le fait qu’ils ne peuvent être négociés sur la même plateforme que les fonds communs de placement. En effet, les FNB s’échangent comme des actions sur les marchés boursiers où les cours fluctuent. Les fonds communs, eux, se vendent par l’intermédiaire de FundSERV qui fixe le cours en fin de séance.

C’est le problème que l’ACFNB tente de résoudre.

Yves Rebetez, président d’ETF insight, constate qu’un cabinet ontarien en épargne collective, Mandeville Wealth, l’a résolu et vend des FNB depuis l’an dernier.

La difficulté d’accès au marché boursier a été contournée, car Mandeville Wealth, tout comme Peak, fait partie d’un groupe qui compte en son sein un courtier en valeurs mobilières. «Cependant, il semble que la Banque Nationale ait l’intention de lancer une plateforme qui permettra aux représentants en épargne collective d’avoir accès au marché des FNB», confirme Yves Rebetez, président du site d’information sur les FNB etfinsight.ca.

Selon lui, il resterait cependant un écueil à éviter avant que les représentants en épargne collective n’offrent massivement les FNB. «La structure de rémunération des fonds communs repose sur les commissions de suivi, alors que plusieurs FNB n’ont pas cette forme de rémunération», constate Yves Rebetez.

Selon Morningstar, en 2014, cinq représentants de Mandeville Wealth auraient négocié des FNB, sur un total de plus de 80 000 personnes autorisées à vendre des fonds communs de placement au Canada.