L'ère des stratégistes de FNB

Pourtant, le calvaire des conseillers n’est pas près de finir, car d’autres règles, notamment sur le plan de la divulgation de la rémunération des conseillers, doivent entrer en vigueur.

Les chefs de la conformité des cabinets refusent qu’on leur en impute l’entière responsabilité. «La conformité peut être vue comme l’empêcheur de tourner en rond, mais nous, les chefs de conformité, sommes coincés entre notre direction, le régulateur et nos représentants», fait valoir l’avocat Yvan Morin, chef de la conformité chez Mica services financiers.

«Cependant, on essaie de ramener les dispositions réglementaires au ras des pâquerettes. Notre approche est d’appuyer les représentants, de les former, de les aider à comprendre le but de la réglementation et d’y voir la plus-value qu’elle peut représenter dans leur business», ajoute-t-il.

L’avocat Adrien Legault, chef de la conformité chez Pro Vie assurances, partage ce point de vue : «Nous sommes pris entre l’arbre et l’écorce. Nous oeuvrons au sein d’une organisation dont l’objectif premier est d’enregistrer plus de ventes. D’un côté, nous subissons cette pression. De l’autre côté, le régulateur met en place une réglementation qui ne correspond pas toujours à la réalité des plus petits acteurs. Nos représentants peuvent avoir de la difficulté à s’y retrouver.»

Vaincre les réticences

Tout comme son confrère Yvan Morin, Adrien Legault tente de vaincre les réticences envers la conformité. «La conformité devrait être considérée comme un outil plutôt qu’un obstacle. Notre défi est de vendre cette idée.»

Celle-ci semble faire son chemin chez les représentants. «Je ne suis pas forcément friand de toutes ces nouvelles règles, mais en même temps, elles font partie des meilleures pratiques d’affaires», pondère Sylvain De Champlain, planificateur financier, représentant en épargne collective chez De Champlain Groupe financier.

«Ma crainte, c’est d’être poursuivi par un client, et c’est ce que la conformité tente d’éviter. La réglementation est là pour protéger le client et le cabinet, mais aussi le représentant», poursuit le président de ce cabinet.

Sylvain De Champlain se distance de ceux qui critiquent trop sévèrement la réglementation : «C’est même bien que ce ne soit pas trop flexible. Dans tous les domaines, s’il n’y a pas de règles bien établies, il y aura des abus. Les règles améliorent l’image de l’industrie».

C’est le cas de la phase 2 du Modèle de relation client-conseiller, selon Sylvain De Champlain : «J’y vois une occasion de me démarquer. Bien sûr que le client va sursauter lorsqu’il apprendra qu’il paye 700 ou 800 $ par an et que vous ne lui parlez que lors de la période des REER. Mais si vous le guidez et que vous le rencontrez à plusieurs reprises dans l’année, il se dira que ce n’est pas cher payé pour le service que vous lui offrez.»

Une opinion qui se rapproche de celle d’Yvan Morin : «Il y a des pans de la réglementation qui peuvent être vus autrement que de la lorgnette de la conformité. Par exemple, l’analyse des besoins financiers entraîne souvent la bonification des ventes. Si l’on n’évalue que le besoin en assurance vie, on oublie les maladies graves, les soins de longue durée, etc. Les nouvelles exigences donnent l’occasion de présenter son offre de services au complet.»

Pratiques délaissées

Il reste que la réglementation peut amener certains représentants à revoir des pratiques qui ne sont pas nécessairement mauvaises. «Citons l’exemple des prêts à l’investissement. Il y en a beaucoup moins qu’auparavant, principalement à cause de la conformité. Pourtant, cette pratique avait des avantages certains», fait remarquer Gaétan Veillette, fellow administrateur agréé et planificateur financier.

Ce dernier croit que les régulateurs devraient viser un meilleur équilibre entre protection du public et lourdeur de la réglementation.

Une position reprise par Yvan Morin. «Le consommateur de services financiers est assez bien protégé maintenant au Québec. Lorsqu’on rencontre l’Autorité des marchés financiers (AMF) lors des consultations publiques, on lui demande si les nouvelles dispositions envisagées protégeront véritablement mieux le client, compte tenu de l’impact qu’elles auront en matière de lourdeur administrative sur l’industrie et les représentants», explique Yvan Morin.

Adrien Legault remarque pour sa part que ce n’est pas la pertinence de la réglementation qui fait défaut, mais le peu de renseignements offerts par l’AMF sur son application concrète.

Le chef de la conformité croit que le régulateur devrait prendre exemple sur les autorités fiscales dans leur façon de diffuser leurs positions sur l’application concrète de certaines dispositions. «Les autorités fiscales tiennent des tables rondes lors des congrès de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), où elles viennent nous expliquer comment elles interprètent certaines dispositions. Cela nous aide beaucoup, et l’AMF devrait s’en inspirer», estime-t-il.

Yvan Morin note toutefois que l’AMF et la Chambre de la sécurité financière (CSF) ont fait un travail remarquable en matière de communication depuis quelques années.

«Les canaux de communication sont nettement meilleurs qu’à une certaine époque. Nous avons maintenant des oreilles attentives à nos positions, et il arrive que nous puissions changer des dispositions en amont», concède l’avocat.

Cependant, tout comme Adrien Legault, il croit qu’il y aurait peut-être lieu d’améliorer l’information quant à la manière d’interpréter concrètement des dispositions spécifiques de la réglementation.

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