Une photo de Chrystia Freeland.
Hildenbrand / MSC / Wikimedia Commons

Les initiés de la gestion de patrimoine espèrent que la nouvelle ministre des Finances, Chrystia Freeland, apportera aux Canadiens une plus grande clarté sur l’orientation de la politique fiscale et budgétaire des libéraux alors que le gouvernement se fraie un chemin à travers les difficultés économiques causées par la pandémie de la COVID-19.

« Il est nécessaire de vraiment remettre à niveau le cadre existant », soutient Ian Russell, président et directeur général de l’Association canadienne du secteur des investissements à Toronto.

« Nous n’avons pas eu de budget [fédéral], nous n’avons jamais eu de plan fiscal cohérent [sous Morneau], et il y a maintenant un déficit de 343 milliards de dollars (G$). »

Jamie Golombek, directeur général de la planification fiscale et successorale de la CIBC, estime qu’un budget est désormais nécessaire si le gouvernement veut se montrer responsable. « Je pense qu’il est irresponsable de ne pas avoir de budget pendant 18 mois. »

Le budget fédéral devait être publié en mars, mais il a été reporté en raison de la pandémie. Bien que le gouvernement ait publié un « portrait » économique et fiscal début juillet, il n’a pas produit de budget officiel depuis mars 2019.

Le Premier ministre Justin Trudeau a nommé Chrystia Freeland au poste de ministre des Finances, mardi, tout en lui demandant de conserver son rôle de vice-premier ministre et de renoncer à son rôle de ministre des Affaires intergouvernementales. Justin Trudeau a également demandé à la Gouverneure générale Julie Payette de proroger le Parlement, alors que le gouvernement sera de retour pour prononcer un discours du Trône le 23 septembre.

Elliot Hughes, conseiller principal chez Summa Strategies Canada Inc. à Ottawa et ancien directeur adjoint de la politique fiscale de l’ancien ministre des Finances Bill Morneau, déclare qu’il est « logique que le gouvernement remette les compteurs à zéro en réponse à la pandémie et à la crise économique qui en découle ».

Chrystia Freeland « a montré à maintes reprises qu’elle est une ministre très compétente » dans les différents postes qu’elle a occupés au sein du cabinet, ajoute-t-il.

Selon Elliot Hughes, Bay Street devrait trouver en Chrystia Freeland « un fervent défenseur des entreprises et du monde des affaires au Canada » – nonobstant son livre publié en 2012 Plutocrats : The Rise of the New Global Super Rich and the Fall of Everyone Else.

« Au cours des derniers mois, elle a rencontré des chefs d’entreprise à travers le pays en raison de son rôle de vice-premier ministre et de son implication dans l’élaboration de l’accord de reprise [de la COVID-19] avec les dirigeants provinciaux », explique Elliot Hughes.

« Je pense que le monde des affaires sera surpris de l’ouverture et de l’accueil dont elle fera preuve dans son rôle de ministre des Finances. »

Ian Russell applaudit la décision de nommer Chrystia Freeland comme remplaçante de Morneau. « [Elle] est imaginative, énergique et paraît réceptive à un large éventail de solutions. Elle a montré une forte capacité à faire bouger les choses et aura beaucoup d’influence auprès du Premier ministre et du cabinet. »

Bien que Ian Russell estime que Bill Morneau ait fait du bon travail pour maintenir le niveau d’emplois à un niveau élevé avant la COVID-19, il pense que ses décisions politiques étaient par ailleurs « sans inspiration » et qu’il n’a pas fait grand-chose pour promouvoir la croissance économique.

« Il a entamé la confiance avec ses ajustements à la fiscalité des petites entreprises, et ses propos sur les dépenses d’infrastructure n’ont jamais été très convaincants », continue Ian Russell.

John Nicola, gestionnaire de patrimoine et PDG de Nicola Wealth à Vancouver, estime que le départ de Bill Morneau et l’arrivée de Chrystia Freeland aux Finances, entraînent une réduction des investissements dans les grands programmes en court. Il est toutefois d’avis que dans un tel cas, il est peu probables que de fortes augmentations d’impôts surviennent compte tenu que  cela serait impopulaire sur le plan politique.

« En fin de compte, il y a beaucoup à dire pour continuer à faire tourner l’économie et à maintenir l’équilibre, sans faire de vagues, surtout quand vous êtes un gouvernement minoritaire et que vous vous trouvez dans une situation précaire », commente John Nicola.

Jamie Golombek convient que le gouvernement sera limité dans sa capacité à augmenter les taux d’imposition.

« Il est certain que du côté des particuliers, les taux d’imposition sont déjà très élevés – plus de 50 % [taux fédéraux-provinciaux combinés] dans la plupart des régions du Canada – et ils s’appliquent à un montant relativement faible ». Il considère également qu’un impôt sur la fortune est administrativement difficile à mettre en œuvre, et qu’il est peu probable qu’il s’agisse d’une avenue étudiée.

Il est plus probable que le gouvernement augmente le taux d’inclusion des gains en capital : « On en parle certainement depuis cinq ans maintenant, depuis que les libéraux sont au gouvernement, car ils se sont vraiment concentrés sur l’augmentation des impôts des Canadiens à revenus élevés et des riches ».