
Des professionnels de la finance demandent à l’Agence du revenu du Canada (ARC) d’apporter des changements à la façon dont elle signale les excédents de cotisations aux Compte d’Épargne Libre d’Impôt (CELI), à la suite des problèmes survenus cette année avec Mon dossier, la plateforme en ligne de l’ARC.
Les renseignements sur les CELI ont été affichés en retard sur la plateforme. Habituellement, les conseillers affirment que l’information est mise à jour en avril, mais de nombreux Canadiens ont dû attendre jusqu’en juin pour voir leur marge de cotisation restante, et 10 % ont attendu encore plus longtemps.
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Les titulaires de CELI sont assujettis à une taxe de 1 % par mois sur les montants excédentaires.
Entre 2015 et 2024, le nombre de détenteurs de CELI est passé de 12,7 millions à 19,3 millions, une hausse de 52 %. Mais le nombre de cotisants excédentaires a quadruplé, passant de 33 000 à 133 000.
En 2024, l’ARC a imposé 166,2 millions de dollars (M$) en taxes sur les excédents de CELI, contre 130,8 M$ l’année précédente. Avec les difficultés techniques de cette année, ce montant pourrait grimper. Les conseillers demandent donc de la clémence.
Markus Muhs, planificateur financier et gestionnaire de portefeuille chez Canaccord Genuity à Edmonton, dit que plusieurs de ses clients ont été touchés plus tôt cette année.
En janvier et février, certains l’appelaient en disant : « Hé, Markus, j’ai 14 000 $ de marge ». Et lui de répondre : « Non, vous avez 7 000 $. C’est juste que vos cotisations de l’an dernier n’ont pas encore été prises en compte. »
Selon Markus Muhs, l’information inexacte sur Mon dossier touche surtout les Canadiens qui ne maximisent pas toujours leur CELI. Ceux qui ont les moyens de cotiser le maximum chaque année, sans jamais retirer, suivent plus facilement leur limite.
Plus tôt dans sa carrière, Markus Muhs avait lui-même maximisé son CELI. À mesure que ses revenus ont augmenté, il a plutôt concentré son épargne sur son REER, laissant sa marge de CELI s’accumuler. En 2024, voulant rattraper le retard, il a accidentellement cotisé 4 000 $ de trop.
Il s’est fié aux données de Mon dossier. « En fait, l’information était fausse », dit-il, expliquant qu’une série de cotisations faites en 2013 et 2014 par l’intermédiaire d’une société de fonds communs n’avait jamais été enregistrée.
« Cette année, ce serait bien si [l’ARC] disait simplement : “Vous avez dépassé de quelques milliers de dollars… nous nous excusons si l’information n’était pas exacte.” » Il ajoute que, pour l’avenir, il faudrait instaurer une marge de tolérance de 2 000 $ pour le CELI, comme c’est le cas pour le REER, et réserver les pénalités aux cas flagrants.
Informer plus rapidement les contribuables
Erin, conseillère dans une firme de courtage à service complet en C.-B., qui a requis l’anonymat, illustre le problème : une cotisation excédentaire de 7 000 $ en janvier peut générer plus de 1 000 $ de frais après 18 mois, car l’ARC n’avise les contribuables d’un excédent qu’en juillet de l’année suivante. « Au moins, qu’ils préviennent dès qu’ils savent qu’il y a un excédent », demande-t-elle.
Comme les institutions financières ne transmettent les données de CELI à l’ARC qu’en décembre, la marge de cotisation affichée dans Mon dossier peut ne pas être à jour avant avril, ajoute Erin. L’ARC devrait trouver un moyen d’actualiser les données plus tôt, afin que les contribuables puissent vérifier dans les 60 premiers jours de l’année suivante s’ils ont dépassé leur limite.
Depuis que l’ARC ne mentionne plus la marge de cotisation au CELI sur l’avis de cotisations, les contribuables doivent vérifier leur marge restante en ligne ou en appelant l’agence, explique Brian Wruk, fondateur de Transition Financial Advisor Group près de Phoenix. Originaire d’Edmonton, Brian Wruk détient des titres professionnels au Canada et aux États-Unis et se spécialise en planification fiscale pour les citoyens ayant une double nationalité.
Comme la marge de cotisation au CELI n’augmente pas lorsqu’un Canadien vit à l’étranger, l’exactitude de l’information est cruciale pour ses clients.
Si l’ARC n’offre pas d’information claire, l’agence devrait « faire preuve de souplesse » lorsque les contribuables retirent l’excédent et corrigent la situation dans les 90 jours suivant l’avis, affirme Brian Wruk. Il admet que cela pourrait être exploité, mais rappelle que le système fiscal repose sur l’intégrité des contribuables.
Éviter de pénaliser les plus vulnérables
« Si l’ARC n’est pas en mesure de tenir des registres adéquats, elle doit faire preuve de clémence lorsque des contribuables vulnérables commettent des erreurs », commente pour sa part Wade Van Bostelen, planificateur financier chez IPC Investment Corporation à Burlington (Ont.).
Beaucoup de personnes touchées sont des aînés qui, après leur contribution annuelle habituelle, se laissent convaincre par un caissier bien intentionné de verser un autre dépôt au CELI. Voyant une marge de cotisation affichée dans Mon dossier, certains cotisent trop sans le savoir.
Chez les aînés à faible revenu, les personnes bénéficiant du crédit d’impôt pour personnes handicapées et les étudiants, la pénalité dépasse souvent les économies fiscales réalisées grâce au CELI, ajoute-t-il. Dans ces cas, des lettres d’information devraient être envoyées et les pénalités annulées lorsqu’il n’y a aucun avantage fiscal immédiat.
En revanche, précise-t-il, il doit y avoir des sanctions pour ceux qui abusent délibérément du système afin d’économiser de l’impôt.