La décennie des FNB

« Cette décennie est, et sera, celle des FNB, avance Barry Gordon, président de First Asset, à Toronto. Les fonds communs ne sont pas en voie de disparition, mais de plus en plus d’investisseurs constatent les avantages des FNB, dont leur simplicité, leur transparence, leur faible coût et leur liquidité. »

Pat Chiefalo, directeur des produits structurés et dérivés à la Banque Nationale à Toronto, ajoute pour sa part que « les FNB sont faciles à acheter et ils offrent une position dans toutes les catégories d’actif qui pourraient intéresser les investisseurs ».

Les plus récentes innovations dans le secteur des FNB vont au-delà des stratégies d’investissement passives et indicielles qui ont jusqu’ici caractérisé cet outil.

Elles comprennent des produits qui offrent une exposition à divers degrés de gestion active, allant des portefeuilles à gestion automatisée à une sélection individuelle pleinement active effectuée par un gestionnaire de portefeuille ou son équipe, selon ses critères personnels. La tendance est à la gestion de plus en plus active dans une structure de FNB.

Ces innovations enrichissent l’offre existante qui permet déjà d’avoir accès aux FNB par l’intermédiaire de fonds communs et de fonds distincts.

Le déluge de produits signifie donc que les conseillers ont plusieurs occasions d’aider leurs clients à constituer des portefeuilles appropriés en les guidant dans ce marché qui devient vite compliqué.

Les FNB peuvent donner accès aux marchés émergents comme aux marchés développés, de même qu’à une variété de secteurs géographiques et d’industries, comme l’agriculture, l’immobilier, les institutions financières et les services publics.

Ils offrent aussi une exposition à des actifs qui ne sont pas corrélés à des indices traditionnels d’actions et d’obligations, comme les devises et les marchandises. De plus, certains FNB offrent un potentiel de rendements accrus, moyennant un risque supérieur.

Au Canada, les FNB BetaPro Haussier et Baissier de la firme torontoise Horizons proposent une exposition à effet de levier et une exposition inverse à différents indices d’actions, d’obligations, de produits de base et de volatilité, qui permettent aux investisseurs de tirer autant profit de l’élan haussier que de l’élan baissier en amplifiant les rendements des indices sous-jacents de 200 %.

Genèse canadienne

Le Canada a été un pionnier dans le développement des FNB, en raison de la création par la Bourse de Toronto, en mars 1990, des Toronto 35 Index Participation Units (TIP), qui permettaient aux investisseurs de participer à la performance de l’indice composé TSE 35 sans avoir à acheter d’actions de chaque société sous-jacente.

Même si l’actif sous gestion (ASG) total des FNB canadiens est encore loin d’égaler celui des fonds communs canadiens, qui a récemment atteint 1 000 G$, la vitesse de croissance des FNB reste impressionnante.

L’ASG des FNB, tant au Canada qu’à l’international, est en effet en forte progression depuis quelques années.

Au 28 février 2014, l’ASG des FNB canadiens se situait à 64,8 G$, selon l’Association canadienne des fonds négociés en Bourse (ACFNB), soit 12,3 % de plus qu’à pareille date un an auparavant, cette croissance découlant de l’appréciation du marché, des injections de capitaux et de la création de nouveaux fonds.

On compte maintenant 337 FNB canadiens, par rapport à 50 en 2007, tandis que 36 nouveaux FNB ont fait leur apparition à la Bourse de Toronto l’an dernier. En 2013, les FNB représentaient 7 % de tous les échanges à la Bourse de Toronto, par rapport à 1,2 % en 2009.

À l’échelle mondiale, l’ASG des FNB a augmenté à 2 400 G$ américains, répartis entre plus de 5 000 FNB, soit environ le double de l’actif d’il y a quatre ans.

La part du lion des FNB revient aux États-Unis – leurs FNB comptent pour environ 1 700 G$ US de l’ASG -, alors que l’Europe et l’Asie sont le deuxième et le troisième plus grand marché, respectivement.
Les Canadiens peuvent facilement accéder à des FNB d’autres régions, de la même manière qu’ils échangeraient une action sur une Bourse étrangère – et plusieurs le font, selon Pat Chiefalo.

« Beaucoup d’investisseurs recherchent une position à l’international, et plusieurs veulent des FNB libellés en dollars américains, dit-il. Le Canada a perdu de son attrait depuis que l’intérêt dans les produits de base s’est affaibli en 2013, et plusieurs investisseurs achètent des FNB au sud de la frontière au lieu de le faire ici. »

Décélération

Même si les FNB ont absorbé une impressionnante part de marché au Canada, la vitesse de croissance a ralenti l’an dernier par rapport à l’année précédente.

La valeur nette des nouveaux achats de FNB était de 5,1 G$ en 2013, soit moins de la moitié des 11,8 G$ achetés en 2012, selon des données fournies par la firme torontoise Investor Economics.

Les investisseurs se sont en outre éloignés des FNB à revenu fixe l’an dernier, rendus nerveux par l’intention de la Réserve fédérale américaine (Fed) de réduire progressivement ses achats d’actif, et se sont tournés vers les FNB d’actions.

Les FNB d’actions ont compté pour 3,8 G$ des achats nets en 2013, plus du triple du 1,1 G$ vendu en produits de revenu fixe. Par comparaison, sur un total de 11,8 G$ de nouveaux FNB achetés en 2012, il y avait 6,2 G$ en revenu fixe, et 5,1 G$ en FNB d’actions.

Les premiers FNB visaient à donner aux investisseurs, en un seul achat, une exposition à toutes les actions figurant sur les indices larges comme l’indice composé S&P/TSX ou le S&P 500.

Malgré la croissance plus lente de l’an dernier, ils ont gagné beaucoup de terrain dans la catégorie revenu fixe, alors que les baby-boomers approchent de la retraite.

Certains FNB investissent dans des titres du gouvernement, d’entreprises, à rendement élevé, à taux variable, dans des portefeuilles échelonnés d’obligations, de même que dans des obligations convertibles et des actions privilégiées. Il existe aussi des FNB à échéance cible, prédéterminée, un peu comme une obligation.

Actuellement, environ 19,3 G$ ou 29 % de l’ASG total de 64,8 G$ des FNB canadiens sont constitués de produits à revenu fixe. Les FNB d’actions représentent 42,8 G$ de l’ASG. Les quelque 3 G$ restants sont un mélange de FNB sur les commodités, de FNB équilibrés, sur les devises, de multicatégories, inversés et à effet de levier.

Il y a cinq ans, les produits à revenu fixe constituaient seulement 20 % du marché des FNB, qui était alors de la moitié de sa taille actuelle, à 32 G$.

Au Canada, on dénombre neuf fournisseurs de FNB, dont BMO et RBC. Le plus important est BlackRock, avec sa division iShares, dont l’ASG en FNB, de 42,6 G$, soit environ les deux tiers de l’actif de toute l’industrie, suivi de BMO (13,1 G$), de Horizons (4 G$) et de Vanguard (2,1 G$).

Le plus important FNB au pays est le iShares S&P/TSX 60 Index Fund, doté d’un ASG de 12,4 G$, qui représente près de 20 % du marché canadien des FNB.

Toutefois, le best-seller de 2013 a été le FINB BMO échelonné S&P/TSX actions privilégiées de BMO, un FNB à revenu qui a conquis les investisseurs en raison de son rendement attrayant et de sa capacité à suivre la cadence si les taux d’intérêt du marché augmentent.

Frais encore plus bas

Les faibles taux d’intérêt sur les obligations et les rendements anémiques des actions qui ont suivi la crise financière de 2008 ont amené beaucoup d’investisseurs à remettre en question les frais de gestion qu’ils déboursent pour des fonds communs gérés activement, en particulier lorsque bon nombre de ces fonds n’arrivent pas à battre leur indice de référence.

Une grande partie de la demande en FNB provient en effet d’acheteurs de fonds communs mécontents, de même que de négociants d’actions individuelles. Au lieu d’acheter un ou deux titres d’institution financière par exemple, les clients peuvent obtenir une exposition à plusieurs entreprises de ce secteur en n’achetant qu’un seul FNB.

Le ratio de frais de gestion (RFG) des FNB est en général moins élevé que celui des fonds communs. Parmi ceux qui coûtent le moins cher à cet égard, notons le FNB iShares S&P/TSX Capped Composite Index, dont les frais de gestion s’établissent à 0,05 %, ou cinq points de base. Le FNB Horizons S&P/TSX 60 est assorti d’un RFG de sept points de base, et le FTSE Canada Index de Vanguard, d’un RFG de neuf points de base.

Toutefois, le RFG des FNB est plus élevé pour les produits qui font appel à des stratégies plus complexes et actives que la simple reproduction d’un indice. Par exemple, le FNB à rotation saisonnière Horizons, fondé sur un portefeuille d’actions, d’obligations, de devises et de produits de base échangés selon les tendances saisonnières, a un RFG de 75 points de base. Selon des données fournies par Morningstar Canada, le fonds commun moyen canadien a un RFG de 2 %, alors que le fonds commun d’actions étrangères moyen en a un de 2,7 %.

Tout comme les fonds communs, certains FNB versent des commissions de suivi aux conseillers allant de 50 à 100 points de base, auxquels s’ajoutent les frais de gestion annuels sur les parts de séries « Conseiller ».

Même si ces séries « Conseiller » ont encouragé les conseillers à commission à vendre des FNB, les produits sans commissions de suivi conviennent particulièrement bien aux conseillers rémunérés sur honoraires.

Le conseiller sur honoraires qui bâtit un portefeuille pour ses clients en utilisant les FNB peut ajouter ses propres frais annuels de 1 ou 1,5 % de l’actif, et tout de même offrir une option à coût raisonnable par rapport aux fonds communs.

 

Exploiter des anomalies

Au lieu de simplement suivre les indices traditionnels, certains des plus récents FNB sont conçus pour améliorer les rendements de l’indice en créant un portefeuille d’investissements sous-jacents fondé sur une sélection personnalisée de critères.

Appelées « stratégie indicielle intelligente », « stratégie à pondération factorielle » ou « stratégie à bêta intelligent », ces stratégies de FNB diffèrent de celles des FNB traditionnels, qui fondent la pondération des titres sur leur capitalisation boursière.

« Les stratégies de pondération factorielle ou à bêta intelligent cherchent à exploiter les inefficacités de la capitalisation traditionnelle des marchés et à générer un rendement supérieur », dit Barry Gordon, de First Asset.

Le plus populaire des 29 FNB de First Asset est le First Asset Morningstar Canada Value Index, conçu pour investir dans des titres qui représentent une « bonne valeur » d’après des caractéristiques telles que de faibles ratios cours/bénéfices et cours/flux de trésorerie.

Ce FNB avait un rendement moyen annuel sur deux ans de 20,5 % en février 2014, ce qui dépasse le rendement de 12,1 % de l’indice composé S&P/TSX, ce qui justifie largement son RFG annuel de 60 points de base.

La plupart des FNB à bêta intelligent utilisent une approche quantitative pour gérer leurs portefeuilles sous-jacents, et emploient une stratégie semi-active, axée sur les règles, qui filtre automatiquement les titres aux fins d’inclusion et ne repose pas sur les habiletés analytiques ou sur le jugement subjectif d’un gestionnaire actif.

Certains FNB offrent un accès à des stratégies de gestion indicielle fondamentale, où la pondération des entreprises individuelles est basée sur des mesures de valeur liées au rendement de l’action, au flux de trésorerie ou aux revenus. D’autres sont conçus pour fournir un accès à une faible volatilité, à une option d’achat couverte ou à des stratégies momentum.

« Nous voyons des stratégies de placement quasi actives, factorielles au sein des FNB, dit Pat Chiefalo. Beaucoup de ces nouveaux produits sont désormais sur le marché et ont un certain succès auprès des investisseurs. »

Même si la créativité et la prise de décision subjective font partie du développement d’une stratégie de FNB au bêta intelligent, une fois que les règles de base sont établies, la sélection et la pondération des titres sont automatiques.

Habituellement, les portefeuilles sont rééquilibrés chaque trimestre, et les plus récents titres détenus sont communiqués aux investisseurs sur les sites Web des fournisseurs. Parce que ces portefeuilles ne sont pas gérés activement au sens traditionnel, leur RFG tend à être plus faible que celui de fonds communs, mais plus élevé que celui de FNB passifs, basés sur des indices larges. Cette évolution atténue la différence entre FNB et fonds communs, mais a l’avantage de présenter plus de choix aux investisseurs.

« Il y a toutes sortes de stratégies de gestion indicielle intelligente ou à bêta intelligent, et chacune d’entre elles peut gagner sa place au soleil, estime Howard Atkinson, président de Horizons. Nous devrons attendre et voir quelles stratégies s’avéreront les plus performantes avec le temps. »

Bon de la gestion active

Au Canada, une poignée de FNB seulement est gérée de manière entièrement active comme un fonds commun traditionnel, où le gestionnaire de portefeuille prend des décisions quant au moment d’acheter et de vendre tel ou tel titre.

On s’attend à ce que le segment des FNB gérés activement gagne la faveur des investisseurs dans les prochaines années, alors que de plus en plus de gestionnaires actuellement à l’emploi de firmes de fonds communs et de gestion privée adaptent leurs habiletés de sélection de titres au format du FNB.

« Dans l’ensemble, le produit traditionnel fondé sur un indice et à faible coût est bien établi et s’est taillé la plus grande part du marché, souligne Pat Chiefalo. Le marché des FNB s’est construit sur des produits traditionnels à faibles frais, mais on recherche de plus en plus des produits au rendement additionnel. Les FNB ne font que commencer à puiser dans des stratégies actives, mais éventuellement, nous en verrons davantage de strictement actifs. Il y a des fonds communs prospères dont une partie pourrait être intégrée à un format de FNB. »

Les gestionnaires de FNB gérés activement peuvent jouir de la même liberté de stratégies que ceux de fonds communs – y compris détenir une portion importante de liquidité dans leur portefeuille si les marchés semblent surévalués.

Leur objectif est de surpasser les indices boursiers en prenant leurs propres décisions quant au fait d’inclure ou non des titres individuels, à leur pondération et au moment de l’échange, au lieu de reproduire un indice ou d’adhérer à un ensemble de règles fixes.

« Au cours des prochaines années, nous verrons plus de firmes de gestion d’actif rendre disponibles les services de leurs gestionnaires étoiles dans les FNB, avec leur éventail de fonds – afin de répondre à différentes avenues de distribution », prévoit Howard Atkinson.

Photo Bloomberg