Quatre bras d'hommes d'affaire qui mettent ensemble deux pièces de puzzle.
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« Au cours des dernières années, le style croissance de grande capitalisation a dominé les marchés. Les investisseurs ont délaissé le style valeur. Hexavest a été victime de sa grande discipline et du fait que les investisseurs ont eu les yeux constamment fixés sur leurs miroirs arrière ! », dit Marc Saint-Pierre.

Connaisseur du milieu des investisseurs institutionnels, le consultant Marc Saint-Pierre rappelle que même Warren Buffett, légende vivante de la valeur, a traversé un mauvais quart d’heure.

« On entend dire que Buffett a perdu la touche ! De grâce, n’en tirons pas des conclusions définitives car la valeur est en train de se creuser un nouveau chemin. Ce style reviendra en force et avec lui, les Warren Buffett de ce monde », dit cet ex-vice-président principal, solutions gérées chez Fonds Dynamique.

Toutefois, contrairement à Warren Buffett, Hexavest n’a pas eu la capacité financière d’attendre le retour des jours meilleurs.

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Lancée en 2004 par Vital Proulx et un groupe d’amis et collègues, cette firme spécialisée en actions mondiales avait atteint un sommet d’environ 20 G$ en actifs sous gestion (ASG) en 2018, dernière année où la valeur a eu le vent dans les voiles. Depuis ce temps, Hexavest a perdu de l’altitude, au point où l’ASG est passé à quelque 5 G$ en début d’année 2021.

« Avec 5 G$ en actif sous gestion, Hexavest restait profitable. Mais le temps ne jouait pas en notre faveur. Il ne fallait pas attendre, considérant qu’une transaction exige de six à douze mois de préparation. Il nous fallait assurer la pérennité de l’équipe, des stratégies et des produits », raconte Vital Proulx.

Desjardins Gestion internationale d’actifs (DGIA) a ainsi acquis Hexavest dans une transaction annoncée en mai dernier.

Selon Vital Proulx, cet acquéreur était le mieux placé pour répondre à ses objectifs de pérennité.

« Le développement des technologies informatiques sera le nerf de la guerre en gestion d’actifs. Cela exige beaucoup d’argent ! DGIA a 83 G$ en actif sous gestion et pourra investir dans ces technologies de pointe. Et notre équipe restera au Québec », dit-il.

Ce n’est pas tout puisqu’il y avait complémentarité naturelle entre les deux organisations.

« L’équipe d’Hexavest renforcera Desjardins en actions mondiales, un domaine qui était relativement moins développé chez DGIA », précise Vital Proulx.

Était-ce prévisible ?

Intitulé Défendre ses convictions un portrait d’Hexavest publié dans Finance et Investissement en octobre 2018 soulignait la centralité de l’approche « défensive » de la firme montréalaise.

« Hexavest a un positionnement défensif (…) nous croyons que les marchés devraient incessamment faire une pause. C’est pourquoi nous sommes d’avis que la protection du capital de nos clients, présentement, est le plus important », disait alors Marc Christopher Lavoie, qui occupait le poste de président, Marchés européens. Lors de l’achat d’Hexavest par Desjardins, il était devenu président de la firme.

Or, l’année 2018 fut justement la dernière où Hexavest a battu ses indices de référence, comme le signale Vital Proulx.

Qu’aurait pu faire Hexavest face à la vigueur du souffle impérieux du style croissance des dernières années ?

« Entre 1999 et 2016, nous avons battu nos indices 13 années sur 18. Depuis 2017, une année sur quatre. De fait, Hexavest a fait partie des très bons gestionnaires d’actions mondiales de la planète. Avec l’élection de Donald Trump, nous sommes devenus encore plus prudents. Cette sur-performance aussi forte et étendue dans le temps du style croissance n’était pas prévisible », dit Vital Proulx.

Avec le recul, le co-fondateur d’Hexavest estime toutefois que la firme aurait dû diversifier ses stratégies. « On a décidé de conserver notre positionnement très niché. Notre approche était trop défensive », constate-t-il.

Cependant, ajoute-t-il, la valeur reviendra en force.

« Le style croissance est actuellement beaucoup plus cher que le reste. L’élastique est étiré au maximum ! Les portefeuilles des investisseurs comportent sensiblement plus de risque que ce que ces investisseurs sont prêts à tolérer. Et la prochaine correction fera bouger les choses. En ce qui nous concerne, nous allons œuvrer à redresser la performance de nos stratégies. Et nous reprendrons notre place parmi les meilleurs », affirme Vital Proulx.

De nouveaux Hexavest ?

Serait-il possible, aujourd’hui, de développer de nouvelles firmes de gestion d’actifs comme le firent Vital Proulx et ses amis au début des années 2000 ?

« Ce serait nettement plus difficile car les coûts d’opération sont aujourd’hui beaucoup plus élevés. À l’époque par exemple, j’étais moi-même responsable de la conformité. En 2021, ce serait chose impossible ! Autre exemple, les abonnements aux bases de données spécialisées sont devenus très coûteux », explique Vital Proulx.

La Caisse de dépôt et les autres investisseurs institutionnels du Québec pourraient-ils offrir davantage d’appuis envers les gestionnaires en émergence ?

Telle n’est pas l’optique préconisée par le co-fondateur d’Hexavest. « Environ 90 % de l’actif de la Caisse est géré à l’interne. La Caisse contribue ainsi à maintenir un milieu dynamique de gestionnaires de portefeuilles, ici même à Montréal. On ne peut pas les blâmer pour ce choix », dit-il.

Vital Proulx en est convaincu : le Centre financier de Montréal et le PGEQ (Programme des gestionnaires en émergence du Québec) « ont les outils nécessaires pour favoriser le développement des gestionnaires d’actifs de demain ».