Marc Christopher Lavoie (Crédit: Martin Laprise)

« Hexavest a un positionnement défensif et 2017 n’a pas été une année facile pour nous, mais nous croyons que les marchés devraient incessamment faire une pause. C’est pourquoi nous sommes d’avis que la protection du capital de nos clients, présentement, est le plus important », dit Marc Christopher Lavoie, président et gestionnaire de portefeuille, Marchés européens, chez Hexavest.

Il faut dire que le 22 août 2018, la Bourse américaine établissait un record pour la plus longue période de croissance ininterrompue. Si la firme montréalaise, reconnue pour son approche descendante (top-down), se « remet en question quotidiennement », Marc Christopher Lavoie ajoute que ses « portefeuilles ont bien réagi » cette année pendant les quelques épisodes au cours desquels les marchés ont faibli.

Hexavest, une firme d’investissement de type boutique spécialisée en gestion d’actions mondiales, a toujours bien réussi dans les marchés baissiers, précise-t-il. « Aussi triste que ce soit, c’est un peu la crise financière de 2007-2008 qui nous a permis d’éclore, car je dirais que, de 1991 à 2007, avoir une étiquette top-down, c’était plus un vent de face qu’un vent arrière. »

À la veille de fêter ses 15 ans, en 2019, Hexavest emploie près de 50 personnes, sert une clientèle majoritairement institutionnelle et a un actif sous gestion (ASG) de près de 20 G$ en 2018. Si l’ASG est passé de 9,5 à 13,7 G$ en 2012, puis a progressé de 31 % au cours des mois suivants pour atteindre 18 G$ au 31 décembre 2013, la progression est moins marquée depuis.

La firme envisage l’ajout de nouveaux vecteurs de croissance, confirme Marc Christopher Lavoie. Il cite en exemple le revenu fixe, « à condition que ça nous rende meilleurs dans ce que l’on fait présentement ». Selon lui, ça sera plus à moyen qu’à court terme, mais celui qui a accédé à la présidence de la société en 2017 confirme le besoin de diversification.

La volonté d’entreprendre

Hexavest a été fondée en 2004 par six associés qui travaillaient alors chez Gestion de portefeuille Natcan, au sein de l’équipe « actions étrangères » dirigée par Vital Proulx.

Marc Christopher Lavoie, pour sa part, a fait ses débuts chez Natcan en août 2003, auprès de Vital Proulx, à titre d’analyste, actions étrangères. C’est Marc Lecavalier, un ami d’université, qui l’a mis en relation avec ce dernier.

« Marc Christopher est une personne à la fois très intellectuelle et avec qui on peut s’amuser socialement, qui aime beaucoup rire et rassembler les gens. C’est justement sa plus grande qualité, soit d’être une personne complète à plusieurs égards », raconte Marc Lecavalier, aujourd’hui vice-président et gestionnaire de portefeuille, actions de petite capitalisation chez Fiera Capital.

« Ce n’est pas un hasard s’il a fait le saut en gestion de portefeuille et a connu beaucoup de succès. Il a toujours eu une soif et une facilité d’apprentissage supérieures à la moyenne. Son côté rassembleur et humain l’aidera grandement dans son rôle de président d’Hexavest », ajoute-t-il.

Marc Christopher Lavoie est entré chez Natcan sans savoir que, neuf mois plus tard, il quitterait la filiale de la Banque Nationale pour démarrer Hexavest. Il est d’ailleurs le plus jeune de l’équipe de cofondateurs, qui regroupe aussi Vital Proulx, Marc Veilleux, Denis Rivest, Robert Brunelle et Frédéric Imbeault.

« Lorsque j’ai annoncé à mes parents qu’on quittait la banque pour démarrer une firme, ils m’ont dit : « Oui, mais à la banque, tu as un fonds de pension », évoque-t-il, le sourire aux lèvres. J’avais 28 ans, je suis CA et CFA, alors je me disais que si ça ne marchait pas, je trouverais autre chose. »

Vital Proulx, cochef des placements et président du conseil d’administration d’Hexavest, mentionne pour sa part : « Lorsqu’on a démarré la firme, je ne peux pas dire que l’on connaissait Marc Christopher de longue date, mais il y avait un fit de personnalité, de culture, de valeurs entre lui et les autres cofondateurs. »

Natif de la région de Québec, Marc Christopher Lavoie est l’aîné d’une famille qui compte trois enfants. Après un passage de deux ans à l’Université Laval, où il a étudié l’actuariat, il a obtenu un baccalauréat, puis une maîtrise, option comptabilité, de l’Université de Sherbrooke.

Il a débuté sa carrière chez Samson Bélair/Deloitte & Touche avant de se joindre à PricewaterhouseCoopers (PWC), en 2000, à titre de conseiller senior, acquisitions d’entreprises. En 2002-2003, à l’âge de 27 ans, Marc Christopher Lavoie a passé près d’un an à Berlin, au sein d’une équipe multidisciplinaire composée d’une trentaine d’experts de PWC venus de Montréal, Londres et New York.

« Ce fut toute une expérience », dit-il, et à son retour, il avait « toujours soif d’apprendre ». Après être passé de la comptabilité à la fusion-acquisition, Marc Christopher Lavoie se réoriente de nouveau, cette fois vers le secteur boursier, bien qu’il n’eût alors « jamais touché un [terminal] Bloomberg » de sa vie.

Si les débuts chez Hexavest « n’ont pas été de tout repos », en juillet 2006 la firme avait presque accumulé 1 G$ en ASG. « Nous sommes alors passés en mode défensif, probablement 12 mois trop tôt, mais c’est aussi là que nous avons commencé à faire du démarchage aux États-Unis. »

Plus de 250 rencontres furent nécessaires, notamment avec des fonds de pension, avant d’obtenir un premier mandat au sud de la frontière. « Le marché continuait de monter et nous devions expliquer pourquoi nous obtenions une sous-performance. Mais nous avons gardé nos convictions et dès que le système s’est mis à vaciller, nous avons affiché une très bonne performance. En 2008, nous avions plus que compensé ce que nous avions laissé sur la table entre juin 2006 et juin 2007. »

C’est à cette époque où Hexavest perçait aux États-Unis que l’idée de mettre sur pied au Québec un programme pour les gestionnaires en émergence aurait germé dans l’esprit de Vital Proulx, croit Marc Christopher Lavoie. Aux États-Unis, les caisses de retraite publiques consacrent jusqu’à 1 % de leur actif et parfois davantage aux gestionnaires émergents dans le cadre de tels programmes.

Quoi qu’il en soit, les succès américains d’Hexavest inspirent. « Hexavest a obtenu son premier mandat aux États-Unis par l’intermédiaire d’un programme de gestionnaires en émergence et c’est ce qui a véritablement lancé la firme. Vital Proulx et son équipe ont démystifié l’écosystème des gestionnaires émergents américains, nous ont mis en contact avec des acteurs de ce milieu et nous vivons aujourd’hui les suites de ce transfert d’information », affirme Robert Beauregard, cofondateur et chef des placements de Gestion d’actifs Global Alpha.

Notons que Vital Proulx, Marc Christopher Lavoie et plusieurs membres d’Hexavest sont impliqués au sein du Chantier entrepreneuriat de Finance Montréal, qui a lancé en 2015 le Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ). Son objectif est de confier des mandats de gestion à des firmes québécoises en démarrage ou de petite taille afin de les aider à percer le marché institutionnel. En mai 2018, ce programme possédait un capital de 262 M$.

Croître en demeurant une boutique

Après 2009, Hexavest, forte d’une croissance « effervescente », voit son ASG passer de 1 G$ à 10 G$ en deux ans, signale Marc Christopher Lavoie.

Comme l’équipe ne compte encore qu’une vingtaine de personnes, « l’idée de trouver un partenaire pour distribuer nos produits et nous aider à croître, sans s’ingérer dans nos opérations, fait son chemin ». Selon Marc Christopher Lavoie, Hexavest devait déterminer si elle voulait devenir une firme de distribution ou demeurer une boutique d’investissement.

La firme d’investissement Eaton Vance, de Boston, approche Hexavest à cette époque. « Elle nous a « courtisés » pendant une dizaine de mois, de l’automne 2011 à juin 2012 », avant de faire l’acquisition d’une participation de 49 %, devenant ainsi son partenaire de distribution à l’extérieur du Canada.

Si près de 45 % des clients d’Hexavest sont au Canada, près d’un quart viennent d’Asie Pacifique et un autre quart, des États-Unis. « L’industrie de la pension en Asie est importante. Nous y avons peu de mandats, mais ils comptent pour de gros montants », précise Marc Christopher Lavoie.

Eaton Vance visait initialement une participation de 75 %, ce qui correspond à son modèle d’acquisition habituel, explique Marc Christopher Lavoie, « mais nous n’étions pas prêts à céder le contrôle, alors nous avons fini par nous entendre sur 49 %, avec une option exerçable cinq ans plus tard ».

Puis, en janvier 2017, Vital Proulx s’est retiré de la présidence d’Hexavest au profit de Marc Christopher Lavoie. « En 2016, Vital a eu 50 ans. Il disait : « J’adore ce que je fais, on a monté une belle firme, on est responsable d’une cinquantaine de personnes et des clients comptent sur nous, mais pour les 10-15 années à venir, je vais faire ce qui me plaît vraiment. » »

« Amener quelqu’un comme président, ça me permettait de passer plus de temps dans les choses que j’aime. Marc Christopher, lui, c’est une personne de détails et on avait besoin de quelqu’un avec cette qualité pour être à la tête de la firme », assure Vital Proulx, qui se concentre maintenant sur sa passion, la gestion de portefeuille.

L’implication de Marc Christopher Lavoie dans les négociations avec Eaton Vance, en 2011, a été un facteur déterminant dans sa nomination. « Il a été présent dans tous les aspects de la transaction et a rapidement été reconnu comme faisant partie du plan de succession », confirme Vital Proulx.

En 2017, Eaton Vance a choisi de ne pas exercer l’option qui lui aurait permis de prendre le contrôle de la firme, et a plutôt demandé à Vital Proulx de s’engager encore pour plusieurs années auprès d’Hexavest.

« Le fait qu’ils n’aient pas exercé leur option n’a pas été perçu négativement de notre part, témoigne Marc Christopher Lavoie. Nous avons encore un partenaire et nous sommes toujours maîtres de notre destinée. Nous pouvons donc en conclure que le modèle d’affaires fonctionnait bien et que l’alignement des intérêts était parfait. »

Marc Christopher Lavoie ajoute : « Bien qu’il s’agisse présentement d’une période où la performance est moins facile et que, en 2017, devant la force de la Bourse, Hexavest ait connu une sous-performance, nous avons confiance en notre style. Nous ne pouvons pas contrôler le marché, mais nous pouvons contrôler le processus, et le processus fonctionne. »