Le torse d'un homme d'affaire devant une table avec des petits tas de pièces posés devant lui.
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Alors que les marchés continuent leurs montagnes russes et que nombre d’investisseurs ne savent plus à quel vent se fier, MoneySense a demandé à quatre professionnels de l’investissement d’évaluer la situation et d’expliquer vers quels titres ils se tournent et pourquoi.

Des opportunités à l’horizon

Nombre de personnes parlent de la crise de 2008 afin de trouver un point d’ancrage pour comprendre et anticiper la suite du choc financier dû au coronavirus, cependant la situation n’est pas comparable, soutient Norman Raschkown, Président et gestionnaire de portefeuille chez TenSquared Investments.

« En 2008, le véritable problème était l’endettement excessif, la solution consistait donc à soutenir les banques et à les recapitaliser. Cette fois-ci, le problème n’est pas financier. La réduction des taux d’intérêt ne changera rien », explique-t-il.

Les gouvernements ont mis de l’argent entre les mains du public avec de nombreuses mesures de soutien comme la Prestation canadienne d’urgence promise par le premier ministre Trudeau.  Toutefois, il est difficile de savoir quand cette crise va finir et quelle sera l’ampleur des retombées.

Norman Raschkown estime que le cas le plus probable serait deux trimestres de croissance négative, mais selon lui, il y aura suffisamment de demandes refoulées pour observer une croissance positive au troisième trimestre de l’année.

« Il y a des opportunités pour les personnes qui ont un peu d’argent liquide », ajoute-t-il. Ainsi son équipe a commencé à faire des achats sélectifs d’actions de qualité supérieure. Elle s’intéresse aux banques canadiennes qui sont devenues bon marché et offrent des rendements de 7 %. « Il est bon de se rappeler qu’en 2008 et 2009, aucune des banques canadiennes n’a réduit ses dividendes », ajoute-t-il.

L’équipe de TenSquared Investments a également augmenté sa participation dans Canadian Tire qui est en baisse de 50 % par rapport à il y a quelques mois. « C’est un exemple d’entreprise de qualité, et lorsque la situation se redressera, elle sera bien positionnée. Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire de spéculer », affirme-t-il.

Possibilité d’une reprise rapide

« Nous voyons des valeurs incroyables, et c’est passionnant du point de vue de l’investissement. La grande question est de savoir quand et où nous voyons le fond », affirme Gaelen Morphet, Directeur des investissements chez Cinnamon Investments qui entrevoit également de nombreuses opportunités.

Il estime ainsi que si cette période noire pour la Bourse est de courte durée, il est possible d’en sortir gagnant, car dès que le marché verra des signes d’amélioration, il réagira en conséquence. « Si nous obtenons de bonnes nouvelles, je m’attends à ce que la reprise soit rapide et importante », prévient-il.

Ainsi, de bons titres financiers ont chuté et se négocient autour de leur valeur comptable avec des rendements décents. On peut également voir des sociétés encore chères avec lesquelles les investisseurs ne sont souvent pas à l’aise, il estime qu’en se concentrant sur les principes de base de l’investissement, à savoir un faible ratio cours/bénéfices et un excellent bilan, les investisseurs pourraient trouver des choses qu’ils n’achètent pas normalement et qui seraient très intéressantes.

Lui-même regarde de près CGI (une entreprise technologique canadienne qui a perdu 30 % depuis le 21 février) et Brookfield Asset Management (38 %), qui a connu une forte croissance.

Toutefois, il invite à la prudence, car la reprise pourrait être de courte durée étant donnée la grande volatilité qui règne actuellement sur les marchés.

Attention à la potentielle crise de liquidités qui se profile

Pour Brendan LaCerda, Directeur associé et économiste principal chez Moody’s Analytics, la question est de savoir si la situation actuelle évolue vers une crise du crédit.

Brendan LaCerda affirme que l’économie était sur un terrain instable avant le début de la pandémie. « Il semblait y avoir une récession dans le secteur manufacturier, et la demande mondiale se ralentissait », note-t-il.

Les actions étaient également surévaluées et il y avait un effet de levier incroyable dans le système financier, qu’il s’agisse de fonds spéculatifs ou de fonds de capital-investissement qui faisaient réellement jouer leurs paris pour maximiser les rendements. Le problème de cette situation c’est que lorsque les prix baissent, il faut couvrir les appels de marge et donc liquider. Avec la pandémie et la panique qui en découle, les gens veulent des liquidités ce qui crée un effet boule de neige qui, à cause de l’effet de levier, oblige les gens à liquider ces positions et qui se transforme ensuite en ce que nous voyons maintenant, explique-t-il.

Si la situation actuelle se dirige vers une crise de liquidité, comme ça a été le cas en 2008, la question sera de savoir combien de temps les entreprises pourront tenir sans revenu. Même si le gouvernement permet aux banques de faire des prêts sans intérêt, il est impossible de sortir du trou avec une montagne de dettes, même sans intérêt.

Toutefois l’expert note que la réponse budgétaire du gouvernement est bien plus importante qu’en 2008. « L’enveloppe de 82 milliards de dollars de Trudeau représente plus de 3 % du PIB. C’est la première étape. Maintenant, ils disent qu’ils vont envoyer un chèque de 2 000 dollars à chaque adulte admissible du pays. C’est une bonne nouvelle et j’espère que cela signifie qu’une fois les fermetures terminées, les gens auront de l’argent en attente pour entrer dans l’économie », souligne-t-il.

La diversification, la meilleure solution

Pour Jeet Dhillon, Vice-président et gestionnaire de portefeuille, TD Wealth Private Investment Counsel, le problème principal de cette crise est de gérer ses émotions. Évidemment, la situation actuelle va de pair avec l’inquiétude, mais celui-ci rappelle qu’il n’est jamais bon de prendre des décisions sous le coup de l’émotion et de vendre trop rapidement au risque de cristalliser ses pertes.

Il est toutefois important de prêter attention à ses besoins de trésorerie, car le but est de retirer le moins d’argent possible d’un portefeuille en période de baisse des marchés, ainsi l’argent peut rester investi et se redresser lors d’une reprise.

Selon lui, une autre chose essentielle c’est la diversification, car certains secteurs sont davantage touchés que d’autres comme les secteurs du voyage ou du pétrole. « Les investisseurs qui sont diversifiés s’en sortiront parce qu’il y aura des volets qui n’auront pas autant chuté que d’autres », affirme-t-il.

Comme il est impossible de prévoir quand aura lieu la reprise, lui-même recommande la prudence. « Allez-y lentement au cours des prochains mois, suggère-t-il. Mais nous continuons à dire qu’il vaut mieux se diversifier dans plusieurs secteurs. Je ne mettrais pas d’argent dans un secteur en particulier – répartissez le tout. Géographiquement aussi. »

Des lectures qui pourraient vous aider

S’il est bon de connaître certains exemples concrets, certains professionnels préfèrent se tourner vers la lecture. Pour cela, Financial Planning a demandé à des conseillers, des responsables de la gestion de patrimoine et des experts du secteur de lui recommander des livres qui ont eu un impact positif sur eux-mêmes ou leur ont fourni des outils pour réussir face à cette pandémie pour aider leurs pairs.

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