Un homme d'affaire dans une bulle. Derrière on voit la terre.
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Marc L’Écuyer n’était pas dans l’industrie depuis bien longtemps lorsque la bulle technologique a éclaté. Le gestionnaire de portefeuille chez Cote 100, qui fête sa 20e année dans l’industrie, se rappelle encore, non pas de la baisse des marchés, mais des quelques mois précédents celle-ci et de la pression exercée par ses clients qui voulaient tous une part des incroyables profits dégagés par les entreprises technologiques.

Sauf que ces titres n’entraient pas dans la politique d’investissement de la Banque Nationale pour laquelle il travaillait alors. À cette époque, plusieurs de ses clients, frustrés, avaient décidé de partir vers la concurrence.

« Les clients disaient qu’on n’avait pas compris que l’avenir était dans ces titres-là », se souvient-il.

Si la philosophie d’entreprise est constamment remise en question afin de l’ajuster et qu’il y a bien eu des discussions pour voir comment se lancer dans ce secteur, investir dans ce type de titres n’avait jamais été considéré comme une option sérieuse.

« Ces bulles partent toujours d’un ingrédient qui est véridique, simplement il est poussé à l’extrême. Mais quand il faut payer 100-150 fois les profits pour acheter le titre, la question d’embarquer ou non est vite résolue », explique-t-il.

Évidemment, de par ce refus, leurs rendements de l’époque étaient bien inférieurs à ceux des indices de références puisque ces derniers contenaient des fonds technologiques. Dans la frénésie des titres technologiques, Nortel pesait ainsi près de 30 % dans l’indice de la Bourse de Toronto.

Changements de perception

Lorsque la bulle a éclaté, Marc L’Écuyer s’est dit surpris de voir à quelle vitesse les perceptions des investisseurs pouvaient changer. Des titres vedettes quelques semaines plus tôt étaient maintenant boudés. « Plus personne ne voulait investir dans la technologie », résume-t-il.

Alors que les clients quittaient leur navire quelques mois plus tôt, désormais tous les investisseurs qui s’étaient fait avoir par la baisse des technologies voulaient devenir leurs clients.

« Les investisseurs courent après les rendements, remarque-t-il. Même si c’est après quelques années de sous-performance que c’est probablement un des meilleurs moments pour aller chez un gestionnaire, c’est souvent l’inverse qui se produit. »

En 2000-20001, c’est vraiment les titres technologiques qui s’étaient effondrés. Le reste du marché, au contraire a continué de profiter, ce qui a évidemment été bénéfique aux gestionnaires qui avaient décidé de rester en dehors des titres technologiques, comme Marc L’Écuyer.

« Ce qui est spécial c’est que la période la plus difficile en termes d’acquisition de clientèle c’est avant les crises. Au contraire, 2001-2002, c’étaient de très bonnes années pour nous au niveau de l’acquisition de clientèle et également des rendements par rapport aux indices », se rappelle le gestionnaire de portefeuille.

En 2006, la situation s’est répétée, avec les ressources naturelles cette fois-ci, et à nouveau Marc L’Écuyer a vécu la pression des investisseurs qui avaient oublié ce qui s’était passé quelques années auparavant.

« Ce qu’il faut c’est répéter notre philosophie d’investissement à nos clients et expliquer que ça va leur nuire à long terme de suivre les modes. Mais c’est difficile de ne pas déroger de cette philosophie d’investissement quand, pendant deux à quatre ans, les rendements sont inférieurs à ceux des marchés boursiers », assure-t-il.

2008, une autre réalité

 Si le krach boursier de 2001-2002 n’a pas tant affecté Marc L’Écuyer, ce n’est pas le cas de la crise financière et bancaire de l’automne 2008.

« C’était complètement différent de 2000 lorsque les titres technologiques se sont effondrés. En 2008, la comparaison c’était le krach de 1929, tout le système était ébranlé, souligne-t-il. Les banques tombaient les unes après les autres. On n’était pas en mesure de prévoir ce qui allait se passer. On n’avait pas plus de certitude que personne, mais paniquer n’est jamais une bonne solution. »

Selon lui, la solution c’est de garder le cap et de penser à long terme. Évidemment, il se souvient qu’à l’époque ce n’était pas évident puisque la réalité est bien plus stressante.

« Dans les premières 20 minutes du téléjournal, on ne parlait que de la crise. Tout le monde se demandait s’il ne fallait pas simplement planquer son argent sous son matelas », détaille-t-il.

Pourtant, il faut garder son calme et expliquer au client que ce n’est pas le moment de changer les positions dans leur portefeuille.

« Quand on investit en bourse, on n’investit pas pour un ou deux ans. Même si on entre à un mauvais moment dans le marché boursier, on réussit quand même à faire des rendements lorsqu’on est sur le long terme », affirme-t-il.

Si ce fait est bien connu dans le milieu financier, ce n’est pas toujours facile de le faire comprendre aux investisseurs. Marc L’Écuyer trouve que c’est d’ailleurs encore plus difficile aujourd’hui alors que tout le monde est inondé d’informations. Ses clients ne veulent pas savoir ce qui va se passer dans quatre ou cinq ans, mais ce qui va arriver au mois de juin ou juillet.

Un lien particulier

 Marc L’Écuyer estime que le gestionnaire de portefeuille est comme un guide pour son client. S’il s’est lancé dans l’industrie car il avait une véritable passion pour la finance, désormais il chérit également son rôle d’accompagnateur.

« Quand j’ai commencé je n’avais pas ces relations-là avec les clients. Ça change complètement les perspectives de mon travail », se réjouit-il.

Et une des façons de créer des liens et les renforcer c’est justement de soutenir ses clients lors de périodes plus difficiles.

« Je n’ai pas la même conversation avec un client que je connais depuis quatre ans, qu’avec un client avec qui j’ai traversé 2008-2009. Les clients peuvent dire des choses, mais en 12-15 ans, on les comprend beaucoup mieux. La crise de 2008, ça donne une bonne idée de qui sont vraiment nos clients », sourit-il.