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«J’ai vite réalisé que ce n’était pas mon truc. D’autant que ma conjointe m’avait aussi fait remarquer que j’étais souvent de moins bonne compagnie», se rappelle le chef de la gestion de patrimoine et d’actifs, Canada, chez Manuvie, qui fait carrière au sein de l’industrie des services financiers depuis près de 25 ans.

C’est un oncle, au hasard d’une rencontre familiale, qui l’a aiguillé vers le milieu de la finance. «J’avais toujours eu en tête de travailler en management. Il m’a suggéré de commencer par le domaine de la vente, dans une bonne organisation, parce que c’était la meilleure porte d’entrée pour faire de la gestion», souligne-t-il.

Au même moment, une annonce du Groupe Investors dans les pages Carrières d’un quotidien l’incite à se joindre à cette firme d’investissement. Après avoir suivi une formation de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC), dont il est aujourd’hui un des administrateurs, il devient représentant en épargne collective.

«Quand j’ai annoncé mon changement de cap à mes parents, ma mère m’a demandé si je savais seulement ce qu’était un REER. Effectivement, ça ne me disait rien à l’époque», dit celui qui a depuis gravi les échelons dans l’industrie financière, après avoir aussi travaillé au sein de Standard Life et BMO Banque privée Harris.

Pas de plan de carrière

Bernard Letendre n’a pas planifié sa carrière, comme le démontre son parcours professionnel non linéaire. «Je ne me suis jamais dit que, un jour, je serais PDG et voici les étapes à suivre pour y arriver», souligne-t-il en ajoutant que l’important, c’est de faire un travail intéressant et stimulant.

Il faut bien sûr prendre la responsabilité et les moyens de réussir sa vie professionnelle, mais sans jamais trop pousser. «Ce n’est pas une question d’être passif, mais il faut surtout éviter d’être perçu comme une personne carriériste», précise-t-il.

D’autant que c’est souvent au moment où on ne s’y attend pas que les changements surviennent. «Il y a quelques mois, j’ai reçu un coup de fil de mon patron, qui avait besoin de moi dans un rôle comportant des responsabilités accrues. Je ne cherchais pas de promotion, mais c’est arrivé. Quand on fait bien son travail, les possibilités d’avancer se présentent souvent d’elles-mêmes.»

Diversifier ses expériences

Rien néanmoins n’arrive sans raison. Il faut en effet fournir les efforts nécessaires et se donner les moyens de réussir. Au fil des ans, Bernard Letendre a ainsi pris soin de diversifier ses expériences de travail.

«J’ai fait de la vente, du développement de produits, de la gestion. Il faut investir dans son développement, continuellement s’améliorer et suivre des formations. Évidemment, ça aide d’être curieux et d’aimer relever de nouveaux défis», fait-il valoir.

Il n’hésite pas non plus à donner le même conseil que celui reçu de son oncle, il y a plus de 25 ans. «Travailler dans le domaine de la vente, c’est très quantitatif, puisqu’il faut atteindre des objectifs. Ça permet aussi d’avoir une très bonne connaissance des produits, des clients et de l’entreprise, tout en acquérant des compétences interpersonnelles», constate-t-il. Encore aujourd’hui, «je dois vendre mes idées quand vient le temps d’obtenir les budgets pour lancer un projet», souligne-t-il.

Un pas en arrière… pour mieux avancer

La crise de 2008 a fait mal à l’industrie financière. Bernard Letendre en a même perdu son emploi, au début de 2009, avant d’entrer chez Manuvie quelques mois plus tard.

«Avec le recul, ça s’est avéré une excellente occasion», note celui qui s’est joint à Manuvie en 2009 à titre de vice-président régional, pour l’est du Canada, de la division Gestion de patrimoine.

Au cours de sa carrière, il n’a pas non plus hésité à accepter des postes à des salaires inférieurs pour profiter de nouvelles expériences de travail. Il a ainsi occupé pendant trois ans, à Winnipeg, au siège social d’Investors, un poste junior en gestion.

Il faut donc aussi faire preuve de mobilité. À l’été 2011, pour accéder au poste de vice-président et directeur général de Gestion privée Manuvie, il a déménagé à Toronto avec sa conjointe et ses trois enfants. Auparavant, lorsqu’il travaillait au sein d’une autre institution financière, il avait déjà refusé de s’installer dans la capitale ontarienne. «Ça ne m’avait pas aidé professionnellement. Quand l’occasion s’est à nouveau présentée, je n’allais pas la laisser échapper une autre fois.»

Bernard Letendre prend régulièrement plaisir à troquer sa tenue veston-cravate contre son kimono de judo, un art martial qu’il pratique depuis près de 40 ans. Le chef de la gestion de patrimoine et d’actifs, Canada, chez Manuvie en a même fait un art de vivre dont les principes trouvent aussi écho dans sa vie professionnelle.

«Le judo est un sport de combat, mais l’objectif est de former de meilleures personnes avec de bonnes valeurs. C’est l’expression ultime du respect mutuel et de l’harmonie et j’essaie d’incorporer ces principes dans mon style de gestion», souligne celui qui travaille au sein de l’industrie des services financiers depuis près de 25 ans.

Raymond Damblant, son professeur de judo au Club Hakudokan, à Montréal, où il s’est entraîné pendant 30 ans, a d’ailleurs joué un rôle primordial dans sa vie. «Je n’ai jamais eu de mentor officiel, mais plusieurs personnes ont eu une grande importance dans ma vie et ma carrière. Dès l’âge de 11 ans, et encore maintenant, Raymond Damblant est celui qui a eu la plus grande influence sur le genre de personne et de leader que j’essaie d’être», indique Bernard Letendre, qui est aujourd’hui ceinture noire troisième dan et qui enseigne le judo au Club de judo de l’Université de Toronto.

Confiance en soi

Raymond Damblant ne lui a jamais donné de conseils professionnels. Il l’a plutôt aidé à développer sa confiance en soi, à persévérer et à travailler fort pour s’améliorer. «Seulement par sa façon de se comporter, il a aussi été un parfait modèle pour savoir comment traiter les autres avec respect», ajoute Bernard Letendre.

D’un point de vue professionnel, Bernard Letendre se souvient particulièrement du soutien et de l’influence de Rob Hain, un vice-président exécutif qu’il a connu et côtoyé lorsqu’il travaillait au siège social du Groupe Investors, à Winnipeg.

«Il m’a fait confiance et m’a donné des occasions de travailler sur des projets qui, sur la base de mon expérience et de mes compétences à l’époque, n’auraient pas dû se retrouver sur ma table de travail. Encore aujourd’hui, je trouve surprenant et extraordinaire que le vice-président d’une telle organisation ait pris le risque de faire confiance à un jeune comme moi. C’est une des plus grandes formes de reconnaissance qu’on puisse témoigner à une personne», se rappelle-t-il.

Bernard Letendre se dit d’ailleurs extrêmement chanceux d’avoir eu ces modèles. «Sur le plan tant professionnel que personnel, je ne serais pas où je suis aujourd’hui si ce n’était pas des personnes qui m’ont guidé, d’une façon ou d’une autre, pendant ma vie.»

Donner au suivant

Voilà aussi pourquoi Bernard Letendre n’hésite pas à jouer un tel rôle auprès des plus jeunes. Il prend plaisir entre autres à rencontrer des étudiants du Club de judo de l’Université de Toronto qui souhaitent mieux connaître son cheminement de carrière ou se questionnent sur leurs propres parcours universitaire et professionnel.

«Ça me fait toujours grand plaisir de parler de ma carrière. Le fait d’être professeur de judo bénévole, qui se trouve à être un haut dirigeant d’une institution d’envergure, me donne aussi une certaine influence, j’imagine», pense Bernard Letendre.

Une vie équilibrée

Il aime aussi rappeler à ses étudiants l’importance de ne pas seulement penser au travail. Par exemple, pendant les périodes intenses d’examens ou de fin de session, certains étudiants s’absentent du cours de judo. Il en profite pour leur souligner que, tout au long de ses études au baccalauréat et à la maîtrise en droit, et même encore aujourd’hui avec son travail de haut dirigeant et une famille de trois enfants, il n’a jamais cessé de faire du judo.

«Il faut avoir une vie équilibrée. Je ne veux pas qu’un employé travaille 80 heures par semaine et prenne une décision d’affaires quand il est fatigué ou qu’il n’a pas dormi pendant deux jours. Je veux que les gens qui travaillent dans mon groupe prennent aussi le temps de vivre et de faire du sport», conseille-t-il.

Bernard Letendre fait aussi du mentorat auprès d’employés de Manuvie, mais de façon informelle et non dans un programme structuré. «Je suis toujours prêt à discuter de différents sujets, mais en faisant toujours attention de ne pas dire quoi faire. C’est à chacun de prendre sa propre décision.»

Un blogue-mentorat

Bernard Letendre est tellement sollicité qu’il a décidé il y a deux ans d’écrire un blogue. «Je reçois au moins trois invitations à déjeuner par jour, par des gens qui souhaitent entre autres en savoir plus sur ma carrière. Comme je n’ai pas le temps, j’ai décidé de faire un blogue. Ça me permet de rejoindre plus de gens», explique-t-il.

Au début, ses premiers articles totalisaient quelque 1 000 pages vues. Aujourd’hui, ça dépasse les 10 000 et un blogue publié récemment a été vu plus de 14 000 fois. «Je ne fais aucune publicité et ne parle jamais des produits de la firme. C’est simplement une autre forme de mentorat», précise-t-il.