Un homme devant trois énormes tapettes à souris, dans lesquelles sont coincés des billets de banque.
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Marc Johnston est un conseiller de conseillers. Directeur, investissement et retraite au bureau de Québec du Groupe Cloutier, il assiste les conseillers dans leurs tâches de planification, de choix de produits d’assurance… et de sélection de fonds d’investissement.

Ses 25 ans au sein de l’industrie du conseil dans de multiples rôles (assurance, fonds communs, courtage, distribution) lui donnent la perspective nécessaire pour assumer ces responsabilités. De plus, pour étoffer ses recommandations, il s’appuie sur les outils d’analyse et de synthèse que lui a procurés une formation d’économiste.

Évidemment, ses recommandations de fonds tiennent compte des conditions actuelles du marché, envers lesquelles il ne nourrit pas une confiance débordante. «Nous avons affaire à des marchés de spéculation, de momentum, d’émotion, lance-t-il. La logique et la rationalité ne sont plus tellement au rendez-vous.»

L’aspect le plus marquant du marché tient au fait que «la remontée depuis mars est liée aux fameux FAANG [Facebook, Amazon, Apple, Netflix, Google], auxquels j’ajouterais maintenant Tesla. Si on les enlève de l’indice, la plupart des investisseurs n’ont pas fait d’argent depuis mars», dit Marc Johnston.

S’ajoutent les incertitudes liées au marché américain. Les États-Unis n’arrivent pas à maîtriser la pandémie et sont engagés dans une guerre commerciale avec la Chine. Marc Johnston demeure cependant optimiste : «Je crois que tout devrait être corrigé dans deux ans. On devrait retrouver une certaine normalité.»

Mais en attendant ce moment, prudence.

Pour l’essentiel, sa sélection de fonds répond à cet impératif de prudence, où la préservation du capital l’emporte sur sa croissance.

Fonds défensif d’actions mondiales (série A)

Manufacturier : Financière Canoe

Offre initiale du fonds : septembre 2014

Actif sous gestion (ASG) : 998 M$ (31 août 2020)

Ratio des frais de gestion (RFG) : 2,4 %

Rendement annualisé depuis la création : 10,8 %

Ce fonds est la première réponse de Marc Johnston à sa perception que les marchés sont présentement surévalués et qu’ils vont souffrir lors d’une deuxième vague de la pandémie. À l’exception d’un seul titre technologique (Alphabet) dans ses 10 principales positions, le fonds est composé surtout de titres de consommation comme Mastercard et Nestlé, et de soins de santé comme Roche Holding et Johnson & Johnson.

«Peu importe l’état de l’économie, ces titres devraient bien se comporter. Les gens vont continuer d’utiliser des cartes de crédit et vont encore se laver», indique le conseiller. Il aime aussi que la perspective du gestionnaire soit celle de la valeur fondamentale.

Ses lunettes d’économiste lui font privilégier une lecture assidue et systématique des ratios de performance. Ainsi, il apprécie tout particulièrement un bêta (performance comparée à l’indice de référence) de 0,6, de même qu’un ratio de capture à la hausse de 81,3 %, et de capture à la baisse de 60 %.

Le ratio qu’il prise le plus est celui de Sortino, qu’il préfère au ratio de Sharpe, plus souvent cité. «Le ratio de Sharpe calcule surtout le rendement excédentaire par rapport au risque auquel on s’expose, explique-t-il. Le ratio de Sortino tient plus particulièrement compte du potentiel de baisse.»

Ainsi, le ratio de Sortino du fonds de Canoe est exceptionnel à 1,98, étant donné qu’une performance équivalente à celle de l’indice s’établit à 0.

Par contre, ce portefeuille affiche un ratio cours/bénéfice de 38,5, ce qui semble très élevé pour un fonds défensif de valeur fondamentale. Marc Johnston en convient «mathématiquement».

Cependant, les gestionnaires du fonds, Nadim Rizk et Alexandre Hocquard, sont comme Warren Buffett, juge-t-il. «Comme Warren Buffett qui achète Coca-Cola quel que soit le prix, les gestionnaires achètent Johnson & Johnson parce qu’ils savent qu’ils vont récolter de bons dividendes et des profits pour les 10 prochaines années.»

Obligations boursières d’Épargne Placement Québec

Manufacturier : Gouvernement du Québec

Offre initiale du fonds : 10 décembre 2010

Rendement annualisé depuis 10 ans : 8,42 % (30 juin 2020)

Nous avons affaire ici à des «obligations indicielles», semblables à celles offertes depuis longtemps par les banques, mais qui le sont cette fois par le gouvernement du Québec qui les garantit.

Ces obligations sont liées à la performance de l’Indice Québec 30 qui suit les 30 principaux titres du Québec, tels qu’Alimentation Couche-Tard, BCE, Banque Nationale, Metro et iA Société financière.

Elles sont offertes en deux échéances : 5 et 10 ans. Le rendement de l’échéance de 5 ans est plafonné à 60 % de celui de l’indice, tandis qu’il n’y a aucun plafond pour l’échéance de 10 ans.

Pour les nombreux clients qui «veulent avoir du rendement, mais sans prendre de risque», Marc Johnston propose ces obligations boursières.

Obligations indicielles et billets structurés sont des produits qui ne l’enthousiasment guère, surtout à cause de leur structure et de leur calcul de rendement souvent compliqués. «Ici, c’est la simplicité même : il suffit de suivre l’indice. Et notez qu’il n’y a aucuns frais de gestion.»

Fonds d’actions mondiales Croissance durable AGF (série OPC)

Manufacturier : AGF

Offre initiale du fonds : janvier 1992

ASG : 237,7 M$ (31 août 2020)

RFG : 2,47 %

Rendement annualisé depuis la création : 6,7 %

Ce fonds ne possède pas la valeur «défensive» que prise Marc Johnston à ce moment-ci. Plutôt, «il comble la demande précise et de plus en plus fréquente de clients pour les produits socialement responsables qu’on appelle ESG [qui tiennent compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance]».

L’application authentique des principes ESG constitue l’attrait principal de ce produit, qualité rare dans le domaine, juge le conseiller. «Des recherches fouillées m’ont permis de constater que plusieurs fonds de ce type font des choix souvent aberrants, et détiennent par exemple des titres de sociétés pétrolières ou de charbon.»

Ce fonds d’AGF n’est pas surperformant, mais loge quand même dans le haut du second quartile de performance.

«Au moins, il ne m’oblige pas à jeter mes ratios et calculs aux orties», dit Marc Johnston. Ainsi, sur 10 ans, le fonds affiche un rendement très honorable de 9,55 %, «mais ses pairs ont généré 9,9 %», note le conseiller.

Le ratio de Sortino est de 1,1. «Ce n’est pas un ratio de 2 comme j’aime, mais ce fonds répond à un impératif ESG, et je ne suis pas gêné de le conseiller.»