Le torse d'un homme d'affaire, sa main en évidence. Il joue avec un petit sablier.
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Les titres à revenu fixe canadiens à court terme (RFCCT) profitent de deux vents favorables. D’abord, la montée des taux d’intérêt, tant attendue, qui s’amorce. Puis, la tendance de certains investisseurs à recourir à de tels titres de façon temporaire, un peu comme à une salle d’attente, en anticipant d’accroître la pondération de titres à plus long terme présentant des rendements plus attrayants.

Aujourd’hui, les rendements anémiques des obligations à long terme de haute qualité ont poussé nombre d’investisseurs vers des titres plus risqués, comme les obligations à haut rendement ou celles de pays émergents. Certains remplacent même les obligations de leurs portefeuilles par des actions de dividendes !

Les RFCCT offrent une alternative attrayante : un rendement raisonnable et la possibilité de profiter de la hausse des taux, car plusieurs fonds intègrent dans leurs portefeuilles des obligations à taux variable.

Les investisseurs «passent aux titres à court terme parce qu’ils prévoient recourir à leur argent dans peu de temps ; alors, ils ne veulent pas l’exposer aux mouvements de prix dans les titres à plus longue échéance, explique Richard Usher-Jones, président et chef de la direction de Lysander Funds, à Toronto. Le jour où les taux remonteront, les investisseurs vont probablement se déplacer vers les titres à plus longue échéance.»

Les RFCCT permettent de «stationner ses liquidités, tout en ayant un potentiel de gain à la hausse», ajoute Nicolas Normandeau, vice-président et gestionnaire de portefeuille, revenu fixe, chez Fiera Capital, qui gère le FNB Horizons actif d’obligations à taux variable (HFR). «C’est une salle d’attente en prévision des jours où les taux vont monter.»

Cependant, ces deux spécialistes font bien la différence entre un fonds de marché monétaire et un fonds de titres à revenu fixe à court terme. «Ce n’est pas du cash, mais un produit de crédit, et il y a toujours un risque de défaillance possible», avertit Nicolas Normandeau, qui ajoute : «Notre mandat est de battre les marchés monétaires, et on y parvient en surpassant son rendement de 200 points de base [pb] en général».

Élire domicile

Toutefois, un investisseur peut très bien élire domicile à long terme dans la salle d’attente. Un fonds comme le Scotia hypothécaire de revenu pourrait de façon crédible «constituer la fondation d’un portefeuille équilibré», avance Kevin Pye, vice-président et gestionnaire de ce fonds chez 1832 Asset Management, à Toronto.

En effet, les trois gestionnaires avec lesquels Finance et Investissement a parlé pilotent des fonds dont les actifs à court terme permettent un réajustement rapide pour profiter de toute hausse de taux. Par exemple, les actifs du fonds Lysander ont actuellement une duration moyenne de seulement 6 mois et, précise Richard Usher-Jones, «80 % du portefeuille est présentement investi dans des titres à taux variable». C’est dire que le fonds demeure très vigilant, prêt à profiter de toutes les hausses de taux et à bondir sur toutes les occasions de gains supérieurs à plus long terme.

Or, les titres à taux variable sont synchronisés avec l’indice CDOR (Canadian Dealer Offered Rate), l’équivalent canadien du LIBOR, dont les taux sont révisés trimestriellement. Au début de juin dernier, le taux CDOR était à 0,8 % et depuis, a monté à 1,6 %, rappelle Richard Usher-Jones, qui précise : «Le rendement de nos titres a monté au même rythme que le taux CDOR».

De plus, quand on considère que ces titres sont en moyenne émis avec un coupon supérieur au CDOR d’au moins 30 points de base (0,30 %), cela donne un rendement de départ fort honnête de 1,90 %, supérieur à celui d’une multitude de titres obligataires.

Dans le contexte actuel, c’est la combinaison de trois facteurs (durée courte, ajustement rapide aux changements de taux, sélection judicieuse de titres dont le profil de risque et les rendements sont optimaux) qui peuvent inciter un investisseur à placer des fonds de titres à revenu fixe au coeur de son portefeuille. Car, selon nos trois interlocuteurs, la montée des taux devrait se poursuivre tout au long de l’année 2018, au rythme d’au moins deux hausses réglées par la Banque du Canada.

«La seule question, et la vraie question, c’est de savoir si la Banque du Canada continuera ses hausses au-delà de 2018, dit Nicolas Normandeau. On pense qu’une fois le taux directeur rehaussé à 2,25 %, la montée sera finie. Et on pense que c’est une anticipation que les marchés n’ont pas encore totalement intégrée dans les prix.»

Alchimie du swap

La majorité des fonds de notre palmarès investissent à la fois dans des titres à revenu fixe à court terme et dans des titres à taux variable, émis en général par des entreprises. Malheureusement, note Nicolas Normandeau, la disponibilité de ces derniers est passablement restreinte au Canada. Pour contourner cette carence, le fonds de Horizons procède à une petite alchimie de swaps.

Ainsi, le gestionnaire de ce FNB achète surtout des titres à revenu fixe d’entreprises ayant des échéances généralement inférieures à quatre ans, dont la moyenne est de 2,5 années. Pour transformer les titres à revenu fixe en note à taux variable, un contrat swap avec une banque convient, d’une part, que le FNB paye à celle-ci un revenu à taux fixe pour la durée du titre. D’autre part, la banque paye au FNB un revenu à taux variable qui correspond au CDOR majoré de l’écart de taux entre les titres de sociétés et les titres gouvernementaux de durée équivalente. Il faut soustraire le coût du swap qui représente en général 5 points de base, note Nicolas Normandeau.

Deux fonds de notre palmarès représentent une catégorie peu connue : les fonds d’hypothèques. Y occupant le premier rang, celui de Scotia achète ses hypothèques résidentielles directement de Scotia Mortgage Corporation. «Nous sommes propriétaires des hypothèques, mais Scotia, contre rémunération, retient l’entière responsabilité en cas de défaut de paiement», explique Kevin Pye.

Ces hypothèques sont de courtes durées, 77 % d’entre elles étant de moins de deux ans, et 41 % de moins de six mois. «Et les propriétaires ont injecté une mise de fonds d’au moins 25 %, ce qui indique leur engagement», ajoute Kevin Pye. Toutes ces conditions expliquent le ratio de Sharpe élevé du fonds, à 1,75.

Les deux autres gestionnaires de fonds à qui Finance et Investissement a parlé retiennent dans leurs portefeuilles des titres de bonne qualité, soit BBB en montant, quoique Nicolas Normandeau retient des titres sous ce seuil dans une faible proportion qui peut aller de 5 % à 15 % du portefeuille. Tout le secret tient dans l’art de cibler des titres dont la cote est proche du minimum de BBB, mais dont l’émetteur est de grande qualité.

Par exemple, le fonds de Lysander a vendu il y a quelques mois le titre d’une banque italienne, Unicredit, qui offrait un rendement remarquable équivalent à CDOR, majoré de 217 points de base. «C’était une banque de grande qualité, dont une moitié des activités était hors Italie, mais son crédit souffrait du contexte très négatif qui caractérisait encore récemment tout le secteur bancaire italien», explique Richard Usher-Jones.

Il s’agit là d’un cas exceptionnel quand on sait que les émetteurs de haute qualité offrent en général un rendement qui équivaut au CDOR majoré de 30 points de base, ce qui est le cas pour plusieurs banques canadiennes, note Nicolas Normandeau. Il reste que de belles occasions peuvent être dénichées, par exemple le titre de cinq ans de H&R REIT, coté BBB, dont le coupon est de 137 points de base au-dessus du CDOR.

NOM DES FONDS / Rendements annuels composés (%) 1 an / 3 ans / 5 ans / Ratio de Sharpe(1) 3 ans / Ratio Beta(2) 3 ans

Fonds Scotia hypothécaire de revenu – série A / 1,19 / 0,98 / 1,05 / 1,75 / -0,01

FNB BMO obligations à très court terme / 1,47 / 1,17 / 1,28 / 1,19 / -0,04

Fonds de titres à court terme et à taux variable Lysander-Canso série A / 1,16 / 1,72 / N/A / 1,12 / 0,13

FNB Horizons Actif obligations à taux variable catégorie E / 2,43 / 1,70 / 1,95 / 1,06 / 0,01

Fonds d’obligations à court terme SEI catégorie O / 1,28 / 2,12 / 2,51 / 1,00 / 0,30

FNB d’obligations de sociétés échelonnées 1-5 ans RBC / 1,15 / 1,78 / N/A / 0,77 / 0,31

Fonds IA Clarington d’obligations de base plus série A / 2,43 / 2,03 / N/A / 0,77 / 0,31

Fonds de revenu à court terme Unie (parts de catégorie W) / 0,94 / 1,34 / 1,72 / 0,72 / 0,21

Fonds de revenu canadien à court terme BNI série Investisseurs / 0,89 / 0,77 / 0,82 / 0,67 / 0,03

Educators Mortgage & Income Fund Class A / 0,83 / 1,23 / 1,53 / 0,53 / 0,25

(1) Ratio de Sharpe : un ratio plus élevé indique un rendement meilleur en fonction du risque encouru.

(2) Ratio Beta : un ratio moins élevé indique une volatilité moins grande que celle du marché de référence.

Source : Fundata Canada

Tableau : finance et Investissement