Un homme d'affaire en position pour se lancer dans une course.
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Emma services financiers, qui a été, en août 2018, le premier site à distribuer de l’assurance vie en ligne au Canada, doit maintenant se préparer à affronter une vive concurrence. Pour ce faire, Emma travaille à améliorer sensiblement son offre.

«On se souvient toujours des premiers. Emma est le premier site à combiner les processus d’analyse et de souscription. On peut boucler l’achat d’une assurance vie en une seule visite. Et notre chance, c’est d’avoir encore du temps pour nous imposer au Québec comme dans le reste du Canada», affirme Gino-Sébastian Savard, président de MICA Cabinets de services financiers.

Cofondateur et actionnaire à 50 % de la plateforme avec son frère Martin, Gino-Sébastian Savard a conscience que le temps lui est compté.

«Nul doute possible, au cours des prochaines années, les assureurs se lanceront dans la vente directe. Et les Amazon de ce monde se mettront éventuellement de la partie», dit-il.

Les produits d’Emma sont obligatoirement vendus par l’entremise de conseillers en sécurité financière. Les clients, principalement des jeunes familles, communiquent surtout par clavardage ou par messagerie instantanée.

Le moteur d’Emma repose sur des règles d’intelligence artificielle, ce qui permet aux conseillers d’avoir accès, en temps réel, à des suggestions de produits en fonction des contextes d’entretien avec les clients.

Un an de travail acharné

Les autres cofondateurs d’Emma, les frères Félix et Jacomo Deschatelets et leur ex-associé Marc-Antoine Gagnon, se sont épaulés pendant un an afin de développer le prototype qui allait susciter l’adhésion des dirigeants de MICA.

«Nous avons grandi dans le milieu des services financiers. Notre père était directeur d’une agence de l’Industrielle Alliance en Abitibi-Témiscamingue. Nous avons toujours aimé le milieu, notamment pour son côté relationnel. Nous en parlions en famille, autour de la table», se souvient Félix Deschatelets.

Les deux frères savaient qu’ils allaient un jour suivre les traces de leur père. Toutefois, ils étaient passionnés de technologie, ayant été témoins de l’expansion fulgurante de la vente sur Internet et du recul de la vente en personne dans les différentes sphères de la consommation.

«Au cours de nos études universitaires, nous pensions que la vente d’assurance vie sur Internet n’était qu’une question de temps. Nous avons beaucoup lu. Nous avons organisé plusieurs rencontres avec des avocats. La Loi sur la distribution de produits et services financiers fait partie de mes lectures de chevet ! Mon frère Jacomo s’est consacré à la programmation et à ses rouages. Et maintenant que notre plateforme fonctionne, et de mieux en mieux, nous voulons devenir un grand acteur pancanadien», raconte Félix Deschatelets.

PDG d’Emma, Félix Deschatelets est planificateur financier, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective, au même titre que son frère Jacomo, qui assume la fonction de directeur du marketing.

Essais et erreurs

À l’heure actuelle, Emma mobilise «sept personnes à plein temps ainsi que six conseillers en sécurité financière à temps partiel», signale Félix Deschatelets. Ils sont à l’oeuvre sept jours sur sept, de 9 h à 21 h. «Nous aimerions être disponibles de 6 h du matin jusqu’à 23 h. Nous pensons y arriver d’ici la fin de l’année», dit le PDG.

Les fondateurs entendent également limiter le temps d’attente des clients potentiels. «Au bout de 15 ou 30 secondes d’attente, les clients tendent à s’en aller», précise-t-il.

Les progrès de l’intelligence artificielle pourraient permettre d’automatiser une part accrue des interventions des conseillers, de façon à ce que davantage de clients puissent interagir avec eux. Selon Félix Deschatelets, de 80 à 85 % des ventes se font par appareil mobile ou téléphone intelligent, des outils qui ont habitué leurs utilisateurs à l’immédiateté.

Comment une entreprise qui loge sur le Web peut-elle se faire connaître des clientèles ciblées, au premier chef les jeunes familles ?

«Principalement par l’intermédiaire des réseaux sociaux, mais il n’y a pas de recette magique. Ce qui fonctionne bien pendant deux ou trois mois peut subitement cesser de le faire. C’est un processus d’essais et d’erreurs. Il faut continuellement s’adapter aux changements», explique le PDG d’Emma.

Bientôt, des produits Emma

À l’instar de Gino-Sébastian Savard, Félix Deschatelets sait aussi qu’il se livre à une course contre la montre.

«Certains de nos concurrents de l’été 2018, essentiellement des sites de comparaison de prix, ont fermé leurs portes faute de ressources suffisantes. Pour l’instant, nous sommes seuls en lice sur le terrain de la vente de produits d’assurance vie sur Internet. C’est une course contre la montre. Il faut aller le plus loin possible pendant que nous sommes seuls sur le marché, car nous ne le serons pas toujours», dit le dirigeant d’Emma.

Hormis les financements, qui sont toujours bienvenus, de quoi aurait besoin une jeune pousse comme Emma afin d’aller plus loin, plus vite ?

«Il faut notamment regarder du côté de l’offre. Par exemple, ce ne sont pas tous les assureurs qui permettent de se brancher par voie électronique à leurs logiciels de soumission. La solution la plus simple serait d’avoir nos propres produits, ce qui faciliterait énormément les choses. Nous en sommes à la phase d’approbation d’une grille tarifaire et nous croyons pouvoir lancer notre propre gamme au début de 2020. Notre gamme s’ajouterait aux produits existants», révèle Félix Deschatelets.

Gino-Sébastian Savard renchérit : «Nous sommes satisfaits des ventes depuis le lancement de 2018. En revanche, nous sommes insatisfaits des processus. En ayant nos propres produits, nous améliorerions les processus ainsi que l’expérience client. Nos propres produits pourraient avoir les caractéristiques recherchées par nos propres clientèles», explique-t-il.

Emma est également en voie d’obtenir le droit de vendre de l’assurance vie en ligne ailleurs au Canada. «Si tout va comme prévu, nous devrions obtenir, dès cet automne, des accréditations pour la vente en Ontario, dans les provinces de l’Ouest et en Colombie-Britannique», précise Gino-Sébastian Savard.

Aux yeux du patron de MICA, rien n’est impossible : «Nous avons la chance de devenir le Wealthsimple de l’assurance en ligne. Nous pouvons être « la » référence dans un marché où nous ne serons pas toujours seuls.»

«Nos futurs concurrents, les assureurs, voudront vendre sur le Web avec le moins d’intervention humaine possible. Chez Emma, on ne rappelle pas les clients 48 heures après qu’ils ont exprimé leurs intentions d’achat. On les contacte beaucoup plus rapidement. C’est un gros avantage», dit Gino-Sébastian Savard.