Un homme d'affaire en train de dessiner des rouages au stylo noir.
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La pandémie a mis en lumière les faiblesses technologiques de certains courtiers. Or, le contexte a aussi été l’occasion pour plusieurs d’entre eux d’accélérer leur transformation technologique. Même si celle-ci a été parfois synonyme de poussée de croissance douloureuse, toutes les firmes visent, à terme, à intégrer des outils favorisant une meilleure productivité des conseillers.

C’est ce que montre le Pointage des courtiers multidisciplinaires 2021 ainsi que des entrevues menées auprès des dirigeants des firmes qui le composent.

Comme le montre ce tableau, les répondants attribuent certaines de leurs pires notes à plusieurs courtiers sur le plan de la technologie, alors qu’ils y accordent une importance élevée. Finance et Investissement s’est intéressé aux raisons de cet écart. Résultat:celles-ci se déclinent en multiples facettes et, surtout, sont propres à chaque courtier.

Ainsi, les attentes en matière technologique des conseillers varient en fonction du modèle d’affaires d’un courtier. Par exemple, certaines firmes fournissent un logiciel de gestion de relation client, aussi désigné CRM (client relationship management system), comme chez IG Gestion de patrimoine, Gestion de patrimoine Assante CI et SFL Gestion de patrimoine. D’autres firmes, dont MICA Capital, Investia Services financiers et Groupe financier PEAK, laissent le choix de pareil logiciel au conseiller. Les représentants de ces dernières jugent leur courtier selon les possibilités qu’offrent ses passerelles avec le logiciel CRM qu’ils ont choisi. Les premiers, eux, notent en fonction de leur expérience avec l’outil, dont la facilité de son intégration ou la formation reçue pour l’utiliser.

Le modèle d’affaires de chaque conseiller module également ses attentes. Par exemple, un conseiller qui avait déjà un bureau à la maison, en marge de celui existant dans l’établissement de son courtier, n’a pas les mêmes attentes sur le plan du soutien offert pour la technologie mobile qu’un représentant qui travaillait uniquement de son bureau chez son courtier.

D’ailleurs, pour ce critère, certains accordent une note en fonction du soutien reçu de l’équipe d’aide technologique (rapidité pour obtenir de l’aide, compétence des gens, etc.). D’autres jugent plutôt leur firme selon la présence ou non d’une application mobile pour le portail client ou celui du conseiller.

Quant à la technologie utilisée dans l’accueil de nouveaux clients au sein de leur firme (client onboarding), bon nombre de répondants saluent les améliorations technologiques de leur courtier, même si d’autres jugent qu’elles sont trop lentes à survenir ou sont mal exécutées (lire «Objectif : onboarding numérique»).

Dans une firme donnée, les répondants n’accordent pas tous la même importance aux mêmes éléments d’un aspect technologique. Pour certaines firmes, les notes accordées peuvent parfois varier de 1 à 10, preuve qu’il est difficile de plaire à tous.

Poussée de croissance 

En entrevue, les dirigeants des courtiers soulignent que le confinement de la population en 2020 et en 2021 les a forcés à déployer de grands efforts de modernisation. En quelques mois, on a multiplié les nouveaux outils et leur mise à jour. On a ajouté de nouveaux protocoles pour faciliter le service à distance. Identification des clients à distance, signature électronique, accueil numérique de nouveaux clients, amélioration au portail client et au portail des conseillers, création d’applications mobiles:les courtiers, parfois avec le soutien de filiales de leur société mère, ont mis en place une kyrielle d’initiatives. Les conseillers sondés les ont souvent saluées, mais parfois critiquées.

En général, les répondants ont démontré davantage d’insatisfactions quant au soutien et aux logiciels d’arrière-guichet (back office). Chez SFL, le passage de la plateforme Univeris à Dataphile a été difficile pour beaucoup. «Avant d’imposer des nouvelles plateformes, la firme devrait s’assurer de faire un projet pilote et que ça fonctionne au moment du déploiement. Dataphile est un bon exemple. Cette nouvelle plateforme me fait perdre du temps et des sous et va faire faire une dépression à mon adjointe», déplore un conseiller.

«On n’avait pas la même agilité transactionnelle d’un bout à l’autre de la chaîne, que ce soit pour le travail du conseiller, dans nos bureaux régionaux ou au siège social, admet André Langlois, vice-président principal, Ventes et Distribution, Réseaux indépendants au Mouvement Desjardins. Il y a une courbe d’apprentissage qui s’est avérée plus longue et plus difficile que prévu. Il y a eu une perte d’efficacité qui s’est traduite par des pertes de temps, l’obligation de refaire des choses une deuxième fois pour s’assurer que tout est en ordre.»

L’intégration aurait pu être faite différemment, poursuit-il, et la période des REER a ainsi été difficile. SFL s’affaire également à corriger certains irritants liés au portail client. Par exemple, Dataphile n’utilise pas pour le moment la marque de SFL Placements, mais plutôt celle de Desjardins, «une correction en voie d’être effectuée». Ç’a déplu à bon nombre de répondants qui déplorent aussi que le logo de Desjardins figure sur les relevés de placements des clients. Ce sera également corrigé, assure André Langlois.

Or, on garde le cap avec le logiciel, notamment pour l’adoption de processus numériques pour lesquels les tests sont prometteurs sur le plan des gains d’efficacité, selon André Langlois. «On n’est juste présentement pas suffisamment en maîtrise de l’outil pour profiter pleinement des capacités qu’il offre», note-t-il.

Une fois la plateforme stabilisée, SFL pourra déployer dans les prochains mois de nouvelles fonctionnalités, dont celles d’offrir des fonds négociés en Bourse (FNB), des comptes autogérés en devise américaine et des honoraires qui pourront se comptabiliser sur les ménages plutôt que sur les individus.

Certains conseillers de Quadrus notent eux aussi des problèmes d’arrière-guichet. Ceux-ci découlent du volume élevé de transactions durant la période des REER de 2021. «C’était notre première période des REER dans un environnement virtuel. Nous avons certainement eu une réponse plus lente de notre back office. Nous avons embauché 16 nouvelles personnes afin de composer avec le travail en attente dans le traitement des transactions. Nous sommes désormais à jour et ce depuis le mois dernier», dit Tim Prescott, président et chef de la direction de Services d’investissement Quadrus.

Par ailleurs, un répondant de cette firme note qu’elle pourrait s’améliorer sur le plan du soutien à la technologie de guichet (front office), certains éléments n’étant pas à jour et ne fonctionnant pas bien. «C’est juste lorsqu’on considère l’histoire de la firme. Quadrus a été perçu dans le marché comme étant le bras de fonds communs d’une compagnie d’assurance», répond Tim Prescott.

Toutefois, plus de 3 000 conseillers de Quadrus administrent désormais 20 G$ d’actif. Et la firme effectue des investissements massifs afin d’améliorer l’expérience pour le conseiller, selon Tim Prescott:«Ils ont peut-être eu des expériences conseiller et client qui n’étaient pas géniales, mais au fur et à mesure que nous transitons vers notre nouvel environnement numérique, nos conseillers vont en voir les bénéfices.»

Depuis un an, Quadrus a ajouté bon nombre d’options et de fonctionnalités destinées aux conseillers à son logiciel Univeris. Ceux-ci n’ont pas encore été en mesure d’en tirer parti pleinement, faute de formation. «Nous allons leur donner de la formation en profondeur sur la manière d’utiliser la nouvelle technologie, et l’expérience de front office va commencer à s’améliorer lorsqu’on le fera», assure Tim Prescott.

Par ailleurs, un conseiller d’Investia estime qu’Univeris est un logiciel qui ne répond pas à ses attentes. Louis H. DeConinck, président d’Investia, n’est pas d’accord, bien qu’il convienne qu’il y a parfois des ratés, comme dans tout système.

«Est-ce que le logiciel fait les transactions de manière juste ? Oui. Est-ce qu’il paie les représentants rapidement? Oui. Est-ce qu’il paie les clients rapidement ? Oui. Moi, j’aime ça un système comme ça», répond-il. De plus, il a permis aux représentants d’Investia d’offrir des FNB depuis mars dernier.

Un autre répondant déplore le travail de certains membres du personnel d’arrière-guichet. «Personne dans le back office ne se lève le matin et ne dit:“Je vais rendre ça compliqué pour le conseiller”. Les gens font légitimement des erreurs. Tout le monde travaille de bonne foi, tout comme les conseillers», soutient Louis H. DeConinck.

Par ailleurs, il note que la dernière version de l’application mobile d’Investia permet, par exemple, au client de photographier son avis de cotisation fédéral et de l’acheminer de manière sécurisée à son conseiller, qui reçoit alors une notification de l’envoi.

Chez IG, quelques conseillers déplorent également des erreurs sur le plan de l’arrière-guichet. La transition faite chez ce courtier vers une nouvelle plateforme numérique visait justement à éviter ces erreurs. «Quand ton back office est manuel, comme c’est le cas pour une bonne partie de l’industrie, souvent la même information sera traitée par plusieurs personnes et à l’intérieur de plusieurs systèmes qui ne se parlent pas nécessairement. On augmente les probabilités d’erreur», note Claude Paquin, président d’IG Gestion de patrimoine au Québec

Le système numérique 2.0 d’IG vise à éviter ces ennuis avec une seule entrée de données faite par le conseiller. «C’est ce qu’on est en train de faire présentement. Il y a beaucoup d’information, du coaching, des incitatifs qu’on a mis en place pour s’assurer que tous nos conseillers passent de la plateforme manuelle à cette nouvelle plateforme», dit Claude Paquin. Cette adoption est en croissance, mais IG doit gérer le changement.

La firme entend également implanter un nouveau logiciel qui aidera le conseiller à se conformer aux nouvelles exigences de connaissance du produit, qui entreront en vigueur en janvier prochain.

En mai, Quadrus était également à l’étape du choix du fournisseur qui offrira une solution numérique permettant la comparaison des produits, en vue de l’arrivée en janvier prochain des nouvelles exigences liées aux réformes axées sur le client.

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