Ils sont disponibles, compétents, bienveillants et parfois agaçants. Les agents de conformité incarnent à la fois le garde-fou rassurant et la barrière frustrante. Chez les conseillers, le service de conformité suscite des sentiments partagés, révèle le Pointage des courtiers multidisciplinaires.
« Au lieu de dire de mettre un casque à vélo et de rouler lentement, ils sont du genre à interdire le vélo », dit un répondant. Une métaphore qui résume cette idée répandue : la conformité protège, mais au prix d’une vigilance perçue parfois comme excessive par certains.
Au critère d’évaluation « soutien et relation avec le service de conformité », la moyenne est de 8,8 sur 10 et l’importance perçue, de 9,2. En tout, 68 % des répondants ont donné une note de 9 ou 10 à ce critère, contre 9 % d’insatisfaits (6 ou moins), ce qui est une faible portion.
Les aspects évalués incluent la qualité des interactions, la pertinence des réponses, la rapidité des rétroactions et, dans certains cas, la clarté des formations.
Les avis des sondés révèlent des irritants. Certains trouvent les agents de conformité « trop pointilleux » ou « zélés ». D’autres dénoncent des réponses tardives, ou des changements réglementaires communiqués après coup, comme ce conseiller qui dit avoir été informé plusieurs mois plus tard des modifications réglementaires concernant les fonds de revenus viagers.
« Ils veulent être plus blancs que blancs », affirme un répondant, pointant une application rigide de la règle, sans égard aux nuances du terrain. Pour plusieurs, la conformité reste déconnectée, notamment lorsque l’équipe est centralisée à Toronto et que tout se transmet par courriel.
Certains se plaignent aussi de la lenteur des processus, d’une supervision perçue comme pesante ou encore d’un manque de personnalisation dans l’approche. Et surtout, ce sentiment revient : « Ils ont tout le pouvoir, on n’a pas notre mot à dire. »
Malgré les critiques d’une minorité, les commentaires positifs abondent : « super accessibles », « très présents », « dévoués », « font un excellent travail ». Plusieurs sondés soulignent leur vigilance et leur réactivité. L’impression générale est que le service de conformité aide les conseillers à travailler efficacement et à composer avec le flot important d’ajustements réglementaires.
Il en ressort un sentiment ambivalent, qu’un répondant formule de la façon suivante : « C’est une relation amour-haine, mais on reconnaît qu’ils font leur travail avec rigueur et dans notre intérêt. »
Les dirigeants de courtiers interrogés reconnaissent que la relation entre les conseillers et la conformité est parfois tendue, mais assurent avoir pris des mesures pour apaiser les tensions.
Chez Patrimoine Manuvie, Franck Chevrier, directeur général, Québec et Provinces de l’Atlantique, insiste sur l’amélioration des outils de soutien comme PortfolioAid360, qui facilitent les échanges avec la conformité. « On a restructuré l’équipe de conformité pour qu’elle soit plus proche de la réalité des conseillers », explique-t-il. Chaque représentant est maintenant appuyé par des gens qui connaissent sa pratique et peuvent offrir un soutien continu. En juillet, Éric Lauzon, qui était alors vice-président, développement des affaires, Gestion de patrimoine Assante CI, présentait une approche différente. Depuis une dizaine d’années, la conformité a été entièrement centralisée au niveau national. Plus aucun conseiller ne joue un rôle de supervision. « Ça élimine les conflits d’intérêts potentiels. C’est clair, structuré, et tout le monde est sur la même longueur d’onde », dit-il.
Cette volonté se retrouve également chez Placements SFL. Rachel Simard, vice-présidente principale, réseaux partenaires chez Desjardins, défend une approche équilibrée d’une conformité à la fois rigoureuse et ancrée dans la réalité du terrain. « Nos équipes travaillent en étroite collaboration avec la conformité pour appliquer des normes conformes, mais adaptées à la réalité des conseillers. Il faut que ça soit efficace. » Chaque centre financier bénéficie d’un conseiller attitré en conformité, ce qui favorise la proximité. « Ils parlent souvent avec la même personne, qui les accompagne au quotidien. Ils sont là pour les guider à travers les exigences réglementaires. Il y a une belle proximité, mais la rigueur est toujours présente. »
Cette proximité avec les conseillers est également au cœur de la culture de MICA Cabinets de services financiers. Le président, Gino-Sébastian Savard, évoque une conformité « empathique ». « On connaît nos conseillers, on sait comment ils travaillent, on est capables de les aider », résume-t-il. MICA mise aussi sur des processus numériques sans erreur, pour limiter les interventions. « Quand ça accroche, on ne bloque pas d’emblée une transaction. On appelle, on explique, on collabore », insiste-t-il. Résultat : une relation de confiance où la conformité devient un partenaire.
Au Groupe financier PEAK, l’anticipation fait la différence. Selon son président et chef de la direction, Robert Frances, la relation avec la conformité s’est améliorée ces dernières années, notamment grâce à un virage technologique et à une approche proactive. « On a développé des outils comme la prise de notes automatique, vérifiée par un système de conformité qui suggère des corrections. Ça rassure les conseillers. » Parmi les outils mis en place : un agent conversationnel (chatbot) interne, une infolettre de conformité trimestrielle, un tableau de bord personnalisé et un comité de représentation réglementaire. « Nos conseillers n’ont peut-être pas aimé les ajustements au début, mais aujourd’hui, ils sont prêts pour les réformes à venir. »
La relation entre les services de conformité et les représentants reste donc complexe, mais elle évolue. Parfois vécue comme une contrainte, la conformité tend de plus en plus à être perçue comme une valeur ajoutée. Chose certaine, les firmes misent sur l’humain et la technologie, sur la formation et l’accompagnement, sur l’écoute et l’adaptation, dans l’espoir que la relation amour-haine devienne une relation de confiance. Avec la collaboration d’Alizée Calza et Guillaume Poulin-Goyer

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