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Le sondage, mené pour le compte des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), retient 5 000 répondants de façon à produire des moyennes provinciales représentatives, où le Québec maintient son poids démographique de 24 %. L’étude s’intéresse d’abord au profil des investisseurs. On y apprend, par exemple, que 3 Canadiens sur 10 n’ont ni épargne ni placements.

Chez ceux qui ont accumulé des épargnes, 47 % possèdent des fonds communs de placement, et 24 % des actions détenues individuellement. Une proportion de 38 % ne possède que des certificats de placement garanti (CPG). La cohorte des «investisseurs fréquents» (au moins une transaction par trimestre) compte pour 35 % des épargnants, celle des «investisseurs occasionnels» (une ou deux fois par année), pour 55 %.

Dans 21 % des cas, les portefeuilles sont inférieurs à 10 000 $, dans 29 %, supérieurs à 100 000 $, dans 14 %, supérieurs à 250 000 $. On n’est pas surpris d’apprendre que 29 % des 25-34 ans n’ont pas d’épargne ; cependant, quand ils investissent, ils sont les plus actifs dans une proportion de 22 %. Par contre, il est surprenant de constater que chez les 55-64 ans le contingent des non-épargnants s’élève à 31 %, à quoi s’ajoutent 22 % d’épargnants non-investisseurs.

Petit pécule

Tout cela compose un portrait qui inquiète Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe financier, à Montréal. «Les gens ne sont pas conscients de ce vers quoi ils s’acheminent», dit-il. Il aligne un certain nombre de chiffres révélateurs. Par exemple, «le seuil de pauvreté se situe autour de 25 000 $. Et aujourd’hui, 1 M$ génère environ 50 000 $ par année, ce qui donne, net d’impôts, à peu près 35 000 $.»

C’est dire que 1 M$ nous hisse de seulement 10 000 $ au-dessus du seuil de pauvreté. Mais seulement 2 % des répondants ont un capital accumulé de plus de 1 M$, et 14 % de plus de 250 000 $. «Et, dit Sylvain De Champlain, des économies de 250 000 $ donnent un revenu annuel net d’environ 12 000 $.» Par ailleurs, les régimes de pension publics contribuent au maximum 20 000 $ par année, «mais ce maximum n’est valable que pour quelqu’un qui gagnait au moins 45 000 $ par année», ajoute-t-il.

Il faut donc que les gens s’appuient beaucoup sur un régime de retraite d’employeur, ce dont ne bénéficient que 38 % des travailleurs (Institut de la statistique du Québec), et sur la vente de leur résidence, en espérant qu’elle génère des sommes supérieures au coût de se reloger.

Or, le sondage ne précise pas quel est l’actif total sur lequel les répondants appuieront leur retraite, mais il laisse entrevoir qu’un nombre important d’entre eux, peut-être une majorité, subiront une baisse abrupte de leur mode de vie à la retraite, certains plongeant même dans la pauvreté.

Large ignorance

Le chapitre traitant des connaissances en investissement a particulièrement retenu l’attention des conseillers interviewés par Finance et Investissement. Ainsi, sur sept questions relativement faciles, 51 % des participants n’ont pu répondre correctement qu’à trois.

«Trois questions sur les sept du sondage ne concernent même pas la finance, mais sont des questions de calcul et de logique simples, fait ressortir Robert Christian Denis, planificateur financier et fondateur de Gestion CRD, à Montréal. On devrait revenir à la base et donner de nouveau à l’école des cours sur le budget et l’économie.»

Sylvain De Champlain est pour sa part abasourdi par un paradoxe apparent : «Les 18-24 ans sont dans la tranche inférieure pour ce qui est des connaissances, malgré l’abondance d’information.»

Le sondage nous apprend que 42 % des Canadiens ont un conseiller, la proportion sautant à 65 % chez les investisseurs occasionnels et à 76 % chez les investisseurs fréquents. Et comme on peut s’y attendre, plus de la moitié des investisseurs ayant un conseiller disposent d’un plan financier en bonne et due forme. Par ailleurs, 27 % de l’ensemble des répondants affirment avoir un plan financier, alors qu’ils étaient 38 % en 2006, un sommet.

Le sondage nous apprend que la vérification des antécédents des conseillers demeure relativement rare, mais ce n’est pas l’expérience de deux de nos commentateurs. Par exemple, «j’ai constaté au cours des deux dernières années que les gens font plus de recherches avant de rencontrer le conseiller, ce qu’ils ne faisaient pas autrefois», affirme Léon Lemoine, planificateur financier et fondateur de Gestion Ethik, à Montréal.

Ce constat positif vaut pour la fraude, en baisse selon le sondage : 4 % des répondants disent avoir investi de l’argent dans un placement frauduleux. «Les gens font plus de recherches et s’informent davantage», pense Léon Lemoine.

Discrédit statistique

Par contre, Sylvain De Champlain n’aime guère la façon dont le sondage approche le sujet de la fraude. «Ça discrédite notre profession, dit-il. Le sondage ne précise pas que les arnaques viennent surtout de pourriels et d’appels téléphoniques, et très peu de conseillers malhonnêtes. Alors les gens vont se dire : « Quoi, 4 clients sur 100 se font arnaquer ! »»

Le sondage met en lumière un autre paradoxe apparent qui étonne certains commentateurs : d’une part, dans la section traitant de la tolérance au risque, 67 % des répondants se disent des investisseurs conservateurs. Toutefois, seulement 9 % ont des attentes raisonnables quant aux taux de rendement de leur portefeuille, que les ACVM situent sous 4 %. Plus on monte dans les taux de rendement, plus la proportion de gens qui y souscrivent augmente. Ainsi, 7 % s’attendent à un rendement de plus de 7,5 à 10 %, et 8 % à un rendement supérieur à 10 %.

Pour Léon Lemoine, cela tient à une disparité entre ce que les gens pensent d’eux-mêmes et leurs attitudes réelles : «Leur tête n’est pas en accord avec leurs attitudes et leurs actions.»

«Les attentes des gens sont modulées par la croissance des 10 dernières années, ajoute Sylvain De Champlain. Beaucoup ont obtenu 8 % même avec un portefeuille équilibré.»

Les robots-conseillers n’ont pas encore fait d’avancées notables. Une personne sur 6 dit que ce genre de service lui est familier, mais seulement 1 sur 10 y a recours. Cependant, le nombre d’adhérents est appelé à croître : 1 personne sur 4 prévoit s’en servir la prochaine fois qu’elle devra ouvrir un compte, particulièrement 38 % des moins de 35 ans et 44 % des investisseurs fréquents.

Nos trois commentateurs gardent les robots-conseillers à l’oeil, mais seul Léon Lemoine dit s’y intéresser activement. «On les voit comme un outil et un allié, un peu comme une adjointe administrative spécialisée, pour aider les gens à débuter dans leur vie financière. On étudie présentement deux ou trois plateformes qu’on pourrait offrir gracieusement à nos clients. Je pense tout particulièrement à leurs enfants, qui peuvent être plus à l’aise avec de tels outils.»