On voit des mains d'hommes d'affaire d'un côté et de l'autre d'une corde. Chacun essaie de la tirer vers lui.
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«La technologie prend le contrôle de nos vies. Les agents généraux virtuels vont bientôt apparaître et pourraient ranimer la guerre des bonis», affirme Daniel Guillemette, président de Diversico Finances humaines.

Grâce à leurs structures de coûts moins élevés, de futurs agents généraux virtuels pourraient théoriquement attirer les conseillers amateurs de technologies avec des bonis plus alléchants.

Le terrain s’y prêterait. Daniel Guillemette estime que «certains cabinets n’utilisent pas les services de leurs agents généraux. Ils pourraient être séduits par des bonis plus généreux en échange d’une autonomie complète.»

Bien qu’elle soit moins spectaculaire qu’il y a quelques années à peine, la guerre des bonis se poursuit, mais de façon limitée.

Le président de la Financière S_entiel, Dominic Demers, évoque le cas d’agents généraux et d’assureurs qui ont proposé, en 2019, des taux de commissions élevés afin d’attirer des conseillers performants de sa propre organisation.

«Malheureusement, ces procédés existent encore, mais ils sont faciles à contrer, affirme-t-il. Les jeunes conseillers veulent être considérés comme des entrepreneurs, et non comme des gros producteurs. Ils veulent être appuyés afin de progresser dans leur carrière et dans leur entreprise. On peut aisément leur faire valoir que ces commissions plus élevées n’égalent pas nos services à valeur ajoutée.»

Yan Charbonneau, président-directeur général du Groupe AFL, observe lui aussi la continuation, à faible intensité, des guerres de bonis. «Ces pratiques peu nombreuses sont l’apanage de petits agents généraux, dit-il. Par exemple, leurs services de conformité peuvent être quasiment inexistants. Étant donné que leurs budgets d’exploitation sont restreints, ils peuvent parfois se permettre d’offrir des rémunérations plus élevées à des conseillers performants d’autres organisations.»

Une question de marge bénéficiaire

Un important acteur de l’industrie, qui ne veut pas être identifié afin de ne pas nuire à sa relation avec son agent général, évoque un autre genre de scénario qui pourrait stimuler la guerre des bonis.

«Je crois que des conseillers à forts volumes de vente pourraient être tentés de mettre des ressources en commun afin d’assumer eux-mêmes certains services d’agents généraux, comme la gestion des propositions de contrats d’assurance. En faisant cela, ils augmenteraient leurs commissions et leurs bonis. C’est quelque chose qui pourrait se développer à l’avenir», dit ce conseiller.

Interrogé à ce sujet, David Benamron, vice-président des ventes et marchés avancés à la Financière MSA, dit douter de la viabilité de ce modèle d’entreprise. «Ce genre de regroupement de conseillers performants pourrait, en effet, déclencher des bonifications plus élevées de la part des assureurs. Toutefois, en raison des volumes de vente requis par les assureurs, ces regroupements pourraient difficilement faire affaire avec plus d’un, deux ou peut-être trois assureurs. Ces conseillers ne pourraient pas rejoindre l’ensemble du marché. L’indépendance du conseil deviendrait alors problématique», explique-t-il.

Les agents généraux établis ont toutefois la capacité de donner davantage d’autonomie à leurs «gros producteurs». On parle alors d’agents généraux associés.

C’est le cas, par exemple, au Groupe AFL. «Nous avons des groupes de conseillers d’élite constitués en tant qu’agents généraux associés. Ils ont des adjointes. Ils veulent et ils peuvent faire davantage de choses, comme communiquer directement avec les assureurs pour des suivis de propositions. En retour, ils obtiennent de meilleures rémunérations. Cela fait partie de notre modèle d’affaires», dit Yan Charbonneau.

La venue des agences virtuelles mettra-t-elle les agences traditionnelles sur la défensive ? David Benamron ne le croit pas. «Chez les agents généraux, les marges bénéficiaires des nouvelles ventes sont faibles. Elles sont un peu meilleures dans l’en-vigueur. Toutefois, dans l’ensemble, il y a peu de marge de manoeuvre. Et la plupart des conseillers ont besoin des services à valeur ajoutée comme la formation et l’aide à la vente. Je ne vois pas comment de futures agences virtuelles pourraient s’imposer dans le marché», déclare-t-il.

Il est également plausible que des agents généraux traditionnels, dotés d’importants moyens financiers, puissent intégrer certaines avancées technologiques d’agences virtuelles.

C’est le chemin emprunté par Hub International, qui a annoncé en mai dernier une entente de distribution avec l’assurtech torontoise Finaeo. Depuis 2017, Finaeo a recueilli 7,6 M$ en financement et se présente aujourd’hui comme le «premier agent général numérique du monde».