Photo portrait de Maxime Gauthier.
Photo: Louis-Charles Dumais

Mérici services financiers a franchi une étape importante, en novembre dernier, lorsque Maxime Gauthier en a été nommé directeur général, et Mathieu Boutin, vice-président.

Michel Boutin, président fondateur de l’entreprise, qui est aussi le père de Mathieu et l’oncle de Maxime Gauthier, passe ainsi le flambeau. Il continuera d’occuper ses fonctions de président et de conseiller comme il le fait depuis la création de l’entreprise en 2002. Il se dit fier que la relève soit au rendez-vous et que les valeurs qui l’ont mené à créer Mérici, «l’indépendance et la priorisation de l’intérêt du client, demeurent ainsi bien vivantes».

En mars 2021, Mérici comptait 70 conseillers, pour un actif sous administration (ASA) cumulé de plus de 725 M$. Au printemps 2020, le courtier en épargne collective avait 57 conseillers qui administraient 600 M$, selon le Pointage des cabinets multidisciplinaires de 2020. Son ASA représente une part stable (0,88 %) de l’actif recueilli au Québec par les sociétés de courtage à exercice restreint, qui est compilé par l’Institut de la statistique du Québec.

Le courtier en épargne collective possède des succursales en Estrie ainsi que dans les régions de Montréal et de Québec.

«Un beau virage générationnel se fait chez Mérici, avec de bons conseillers qui sont de jeunes professionnels. Ils ont l’intérêt du client à cœur, n’ont pas peur de sortir des sentiers battus pour rechercher des solutions innovantes. Ils veulent développer et sont avides de connaissance», indique Maxime Gauthier.

Les regarder travailler nourrit son sentiment que le conseil évoluera vers une plus grande professionnalisation, une capacité à considérer des enjeux plus complexes pour le client.

L’adoption en accéléré d’outils technologiques en raison de la pandémie, comme la signature électronique et les visioconférences, nourrira cette tendance, estime Maxime Gauthier. Or, le travail du conseiller ne changera pas du tout au tout.

«La majorité des clients ont besoin qu’un être humain prenne le temps d’expliquer les choses et réponde à leurs questions. Les outils épauleront le conseiller en facilitant le flux opérationnel», dit-il.

Mérici prévoit miser sur le développement professionnel de ses conseillers au cours des prochains mois. «Nous voulons sortir des conférences classiques, être plus dynamiques sur la formation continue et exposer nos conseillers à de nouvelles idées», indique Maxime Gauthier.

Le courtier désire par exemple s’ouvrir plus largement aux produits alternatifs, sans toutefois «vouloir en faire un vecteur de croissance». Maxime Gauthier pense toutefois que des fonds alternatifs gérés par des gestionnaires émergents peuvent «avoir leur place dans un portefeuille».

Mérici veut aussi maximiser les effets positifs de certains nouveaux processus mis en place dans les derniers mois et poursuivre l’adoption d’outils technologiques. Le cabinet déploiera prochainement, au bénéfice de ses conseillers, des comptes autogérés soutenus par la plateforme de gestion de patrimoine numérique du courtier en épargne collective Services Aux Courtiers Agora.

Cette initiative leur permettra «d’être plus actifs dans le portefeuille de leurs clients et d’y intégrer par exemple des fonds négociés en Bourse si cela s’avère pertinent», illustre Maxime Gauthier.

Pas à vendre

L’industrie est extrêmement innovante et toujours en mouvement, dit-il. «Le jour où tu arrêtes de bouger, tu deviens une proie pour un acquéreur. Tes conseillers vont voir que tu n’avances plus et vont aller chercher le progrès ailleurs. Alors, on est condamnés à innover, mais c’est une belle condamnation».

Maxime Gauthier ne perçoit pas sa petite taille dans le marché comme un désavantage, mais plutôt comme une force afin d’innover et de donner vie à la conformité et aux opérations.

«Nous sommes rentables et nous avons du plaisir à faire ce que nous faisons. Nous le faisons bien et pour les bonnes raisons», lance-t-il.

Maxime Gauthier est d’avis que, tant qu’il gagne de l’argent raisonnablement pour les efforts qu’il investit, qu’il a du plaisir et qu’il est capable de travailler en respectant ses valeurs, il refusera une offre d’achat mirobolante pour Mérici: «L’indépendance est une valeur cardinale pour moi. Ce n’est pas un slogan pour quelque chose que je vends à des conseillers quand je veux les recruter, c’est au plus profond de mes tripes.»

D’après lui, il est faux de prétendre que ce n’est qu’une question de temps avant que les acteurs plus petits soient consolidés. Selon lui, les tenants de cette opinion ne comprennent pas que des gens veulent des choses différentes. «Pour bien des gens, la qualité du contact, la relation et l’indépendance, ça a plus de valeur que certains autres éléments», dit Maxime Gauthier.

À cet égard, il évoque deux éléments distinctifs chez Mérici qui démontrent ses valeurs. Chaque année, jusqu’à 20 % des profits sont directement redistribués dans le réseau. Ainsi, chacun des conseillers reçoit, proportionnellement à son apport, une part des profits, ce qui illustre bien le fait que le courtier considère ses conseillers comme de véritables partenaires, dit-il.

De même, s’il advenait que Mérici soit vendue à l’extérieur de la famille, 65 % du produit net de la vente retournerait dans le réseau, «car nous reconnaissons que la valeur de notre entreprise provient du travail de nos conseillers. C’est aussi une garantie qu’on ne peut passer à la caisse sans eux, comme cela s’est vu à plusieurs reprises par le passé dans l’industrie», affirme Maxime Gauthier.

Jeune leader

«Rien ne me prédestinait à faire ce que je fais aujourd’hui. Je viens d’un milieu très modeste où juste épargner n’était pas possible à une certaine époque», explique Maxime Gauthier, qui est natif de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec.

Premier de classe, il s’est pleinement impliqué dans le mouvement des cadets dès 12 ans, jusqu’à sa majorité. Une expérience qui lui a enseigné la discipline et permis de développer son leadership. Entre son rôle de cadet-cadre et ses cours d’instructeur de survie, Maxime Gauthier a remporté des compétitions nationales d’art oratoire au sein de ce mouvement.

À 19 ans, il entreprend des études de droit à l’Université de Sherbrooke. Une fois assermenté comme avocat, il a pratiqué dans un cabinet en touchant un peu de toutes les disciplines. «Mais la pratique du droit ne m’a pas rendu heureux», résume-t-il.

Sans qu’il s’en doute, son arrivée à Sherbrooke se révèlera une période charnière.

«Mon idée consistait au départ à retourner à Chibougamau une fois mon droit terminé, pour conquérir le Nord, car c’est une terre de possibilités incroyables où tout était à faire.» Son premier emploi d’été comme étudiant, à titre d’attaché politique pour le député de la circonscription d’Ungava, lui a toutefois montré les limites de sa vision de Chibougamau.

De retour à Sherbrooke pour la session suivante, il a décidé que pour l’avenir, c’est en Estrie qu’il trouverait un emploi étudiant. Un soir au souper, il fait part de sa décision à son oncle chez qui il est en pension. Michel Boutin, qui a lancé Mérici quatre ans plus tôt, lui propose alors de l’embaucher à temps partiel. Son mandat : soutenir la firme en matière de conformité.

«Je ne connaissais rien au secteur financier et, fort d’une première année d’études en droit, pas davantage en conformité», lance-t-il.

«J’ai dû tout apprendre sur le tas», mentionne Maxime Gauthier. Il fait donc la lecture d’à peu près «tout ce qui s’appelait lois et règlements du secteur», avec l’ambition de comprendre comment les choses étaient structurées, quelles choses étaient structurées, quelles étaient les obligations réelles et comment fonctionnait un courtier. Il a ensuite élaboré des formulaires et des procédures pour rédiger en fin de compte le premier manuel de conformité de Mérici.

Un manuel qu’il a aussi eu pour mandat d’implanter. «Moi, le jeunot qui avait à ce moment terminé seulement deux ans de baccalauréat en droit et qui travaillait à temps partiel, je me suis retrouvé face à des conseillers de 5-10-15-20 ans d’expérience pour leur dire: « Voici comment ça va marcher à partir de maintenant. « Ce fut assez confrontant.»

Maxime Gauthier salue la grande latitude que Michel Boutin lui a laissée et la confiance dont il a fait preuve à son égard.

Avec le recul, il estime que son absence d’idée préconçue sur ce que devait être un système de conformité a permis au courtier d’en avoir un qui était, dès le départ, probablement plus ancré dans la pratique et moins lourd que celui qui avait été développé par ses concurrents.

Maxime Gauthier a ensuite quitté Mérici le temps d’un battement de cils, mais suffisamment longtemps pour ne plus vouloir pratiquer le droit en cabinet. Il a fait son retour à temps partiel en tentant d’abord de monter en parallèle sa propre pratique privée d’avocat. Or, rapidement, il a intégré l’entreprise, a obtenu ses permis de pratique et a développé sa propre clientèle, tout en prenant la direction du secteur conformité du courtier.

Maxime Gauthier est devenu, au fil du temps, une figure connue de l’industrie.

Il est membre du comité de vigie réglementaire de la Chambre de la sécurité financière depuis 2013 et membre du comité consultatif sur les fonds d’investissement de l’Autorité des marchés financiers depuis 2017. Quant au Conseil des fonds d’investissement du Québec, il a été membre de son comité de conformité de 2013 à 2017. Il est, depuis 2017, membre de son conseil des gouverneurs.

Maxime Gauthier tire une grande fierté d’avoir, à son âge, réussi à gravir les échelons et à établir sa crédibilité auprès de ses concurrents, des régulateurs et des médias. «Ça vaut de l’or, car ça me permet d’être en action.»

Depuis 15 ans, il constate une énorme évolution en matière de réglementation en valeurs mobilières. «J’ai de la difficulté à voir ce qui peut encore être fait sans qu’on fasse un véritable bilan.» Il serait même temps, selon lui, qu’on détermine s’il y a des choses inutiles dans le cadre réglementaire actuel.

En outre, il reste persuadé que l’abolition des frais d’acquisition reportés en fonds d’investissement transformera profondément le portrait de l’industrie.

«Il y a beaucoup d’inquiétude encore aujourd’hui à cet égard. Aucune des mesures d’atténuation qui ont été avancées ne m’a permis de dire: « Peut-être qu’avec ça on ne laissera pas trop de victimes derrière nous ».»

À 34 ans, lorsque Maxime Gauthier regarde derrière lui, il constate que la vie n’est pas linéaire. «Si mon parcours ne s’était pas déjà chargé de me le montrer, la dernière année me l’aura appris», dit-il en évoquant la COVID-19. Et ce dont il est le plus fier, c’est justement d’avoir fait tout ce chemin.

«Je suis juste content de me lever le matin, d’aimer ma job, mon équipe, mes conseillers, et mes concurrents la plupart du temps, et surtout, de sentir que j’ai encore la chance de faire une différence», dit Maxime Gauthier.